Collègues ou concurrents? Quand les frères et soeurs travaillent dans le même secteur...

Nos GAEL Guests, Yannick et Jérémie Renier, ont interviewé deux tandems fraternels qui, comme eux, naviguent dans les mêmes eaux. Par Myriam Leroy. Photos: Liesbet Peremans.

Le premier film des Renier réalisateurs explore les sentiments mêlés qui bouillonnent quand frères ou sœurs évoluent dans le même domaine. Jeu de miroir que nous avons prolongé en questionnant trois duos sur cette situation particulière se prêtant plus qu’une autre à la concurrence et la comparaison.

Fascinés par la rivalité à l’œuvre dans les familles, mais aussi par les complicités qui s’y déploient, ils ont souhaité rencontrer deux fratries, dont les membres exerçaient le même métier. En face d’eux, une paire de golden boys de la restauration – Jean (47 ans) et Olivier Callens (44 ans), à la tête du Callens Café – et d’étoiles féminines du rugby – Margaux et Héloïse Stevins (25 ans) — à peine impressionnés par les acteurs et désormais réalisateurs chouchous du cinéma franco-belge. Il faut dire que chacun et chacune sont des stars dans leurs domaines.

« On pardonne moins facilement les erreurs »

Jean Callens est un homme râblé, pas très grand, typé, au profil inca. Difficile de croire qu’il est le frère d’Olivier, long garçon blond et bronzé, taillé comme un moniteur de planche à voile. Le premier, c’est le sérieux, le roc, celui qui a le sens des responsabilités. Le second c’est le fun, le festif, l’expert en relations publiques. Yannick s’interroge sur le binôme: « Le fait d’être frères, dans le cadre du travail, qu’est-ce que ça vous apporte en plus? » Jean: « Ça change tout. Dans la prise de décision, on défend les mêmes intérêts. On ne travaille pas juste pour sa pomme. » Yannick acquiesce: « Comme nous, pour notre film: on a essayé de faire ce qui était le mieux pour notre projet à tous les deux. » Mais la médaille a un revers. Jean: « On pardonne moins facilement les erreurs de l’autre quand on travaille en fratrie. » Olivier poursuit: « Et comme ça touche l’émotionnel, on ne débranche pas la prise quand on rentre chez soi. »

« On nous a beaucoup comparés »

Bosser entre frangins, collaborer, c’est une chose. Mais travailler dans le même domaine, en exerçant la même fonction, dans des productions distinctes, en est une autre. Jérémie: « On nous a beaucoup comparés, ce qui a pu créer un déséquilibre dans notre relation. Mais on a toujours pu tout se dire, on a eu cette force et cette intelligence, ça nous a sauvés. Et ça fait que nous pouvons aujourd’hui travailler ensemble, côte à côte. » Yannick évoque ces metteurs en scène indélicats qui pour les titiller prennent leur pied à brandir les qualités de l’un qui feraient défaut à l’autre. « Parfois j’envie le regard que les gens peuvent avoir sur Jérémie, avant de me raviser et d’accepter le regard qu’on porte sur moi, tant pis s’il y a un décalage avec la réalité. »

« Je t’avais prévenu »

Ils admirent chez l’autre des qualités que eux n’ont pas. Si le manque de structure d’Olivier gave Jean, il lui envie son aisance sociale, tandis qu‘Olivier reconnaît à son aîné une intuition qui lui manque. Notamment quand il a lui-même décidé d’ouvrir un resto, entreprise qui s’est soldée par une faillite. « Je t’avais prévenu », sourit Jean. « Oui, et pour ma deuxième femme aussi tu m’avais prévenu », s’esclaffe Olivier. (On n’en saura pas plus.) Et Jean de conclure, avec tendresse: « C’est plus facile de sauter par-dessus un ravin quand on se tient la main. »

« Les gens pensent que nous sommes en compétition »

Yannick Renier a les cheveux châtain mi-longs, une moustache, les traits fins et d’épais sourcils foncés qui chapeautent un regard légèrement ironique. Jérémie, d’une blondeur nordique, a le visage équarri au marteau et au burin dans le marbre de la statuaire romaine. Si ces deux-là ne portaient pas le même nom, on aurait du mal à leur attribuer de l’ADN commun. Tout l’inverse de Margaux et Héloïse Stevins, copies conformes (en tout cas pour les néophytes) que l’auteure de ces lignes distingue (à grand peine) grâce à la longueur de leurs cheveux. Héloïse: « Les gens s’imaginent souvent que nous sommes en compétition, ma sœur et moi. Or, pas du tout. » De même côté Renier.

« On nous utilise parfois dans une perspective d’humiliation de l’autre »

Chez les Stevins, on a le même niveau de jeu, mesurable plus ou moins objectivement. Dans le domaine des Renier, c’est évidemment plus compliqué à jauger. « Ce qu’il y a de bien avec le sport, c’est que la compétition est impartiale, estime Yannick. Ce n’est pas forcément le cas avec le cinéma, où le jugement sur le talent de l’un ou de l’autre ne repose sur aucun critère clair, c’est à chacun de décider celui qu’il trouve ou non bon acteur. Il y a quelque chose de très injuste dans ce métier, où on peut être du jour au lendemain propulsé ou déclassé. » Jérémie regrette: « On nous utilise même dans une perspective d’humiliation de l’autre. » Les sœurs se reconnaissent dans le petit jeu de domination et de dupes auquel d’autres essaient parfois de les faire jouer, mais affirment également garder la tête froide, ne jamais tomber dans les mesquineries. Héloïse appuie: « On est dans la même équipe et on joue l’une à côté de l’autre. On se comprend sans se parler, juste en se regardant. »

Force ou faiblesse?

Margaux reconnaît: « Ma sœur, c’est ma plus grande force mais aussi ma plus grande faiblesse. Que quelqu’un lui fasse du mal est la pire chose qui puisse m’arriver. Mais globalement, je suis très heureuse d’avoir une sœur jumelle. » Elle s’enquiert de la manière dont les Renier vivent la fratrie, et Jérémie, le plus pudique du duo (en sentiments, s’entend) botte en touche: « J’ai envie de le buter », plaisante-t-il. Yannick, enfin, confesse avec un brin de solennité: « Avoir un frère est tellement constitutif de ma personnalité que je suis incapable de concevoir ce que pourrait être la vie en tant qu’enfant unique. Je suis probablement plus transparent envers mon frère qu’avec la femme qui partage ma vie depuis vingt ans.

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