Roméo Elvis: « Il y a un côté poison dans le succès au sens large »

Fruit d’une longue remise en question, Tout peut arriver, le nouvel album du rappeur bruxellois, mise sur la sincérité. Il brosse sans fard ni frime le portrait en « je » d’un presque trentenaire qui revient de loin et a beaucoup évolué. Par Isabelle Blandiaux. photo: La Straussphère.

« Les tendances changent, les trains s’enchaînent / J’suis pas sûr de monter dans le prochain / Ou peut- être que c’est l’orgueil qui veut pas m’faire admettre que je vais le rater/ La vie d’artiste ça reste une thérapie et le succès du flou / J’crois que c’est pour ça que j’ai dérapé », rappe Roméo Elvis sur Bien, l’un des titres de son nouvel album introspectif, personnel, débordant de doutes comme de flow, Tout peut arriver. Depuis la sortie de son premier effort solo, Chocolat, il y a trois ans, il a assuré le show en tête d’affiche des plus grands festivals, affolé les streams et les ventes (disque de platine en Belgique et en France) avant l’arrêt forcé de la Covid et surtout la pause qu’il a prise après avoir été accusé d’agression sexuelle sur les réseaux sociaux en septembre 2020. Ont suivi des excuses publiques sur Instagram, une thérapie et une grosse remise en question. Lorsque nous le rencontrons fin mai, à l’étage d’un magasin de CBD (cannabis thérapeutique), au centre de Bruxelles, Roméo Elvis est très stressé, à deux jours de la révélation de ses seize nouveaux titres. « Je n’ai jamais été aussi terrorisé de ma vie avant de sortir un projet, confie-t-il. C’est le retour, le fait d’avoir pris des risques dans mes choix, de savoir que par la force des choses, avec les confinements et cette “affaire” qui s’est passée, l’attente est moins forte. Mais les retours sur ma musique sont beaucoup plus importants à mes yeux, donc je relativise. Cette angoisse est peut-être aussi un stress positif, le signe qu’un changement s’opère et j’avais envie de ça. »

« J’ai suivi une thérapie, c’était nécessaire. Je suis conscient des erreurs que j’ai pu faire et j’avance avec ça. »

Est-ce que tu as pensé arrêter ta carrière suite à cette accusation d’agression sexuelle ?

Je me suis remis en question globalement. J’ai pris mes responsabilités, je me suis excusé publiquement et en personne. La suite, cela été d’apprendre de mes erreurs, d’essayer de devenir quelqu’un de meilleur et de comprendre. J’ai aussi suivi une thérapie, c’était nécessaire. Je suis conscient des erreurs que j’ai pu faire et j’avance avec ça.

Cet album-ci a-t-il été plus thérapeutique ?

Mon travail personnel s’est traduit dans mes lyrics, oui : qu’est-ce que je porte, comment est-ce que je me comporte, comment j’ai changé avec le temps... Avec les confinements, il y a eu plus de temps également pour laisser le doute prendre de la place, réfléchir à ce qu’on voulait vraiment faire artistiquement. Il y a eu plus de travail. On a charbonné depuis le lendemain de la sortie de Chocolat. Le temps, c’est du luxe. C’est ce qui a fait que cet album est différent.

Cela fait longtemps que tu conçois le monde en deux principes opposés « Tout peut arriver » (TPA)/« Rien n’est grave » (RNG) ? On se situe tous quelque part entre l’angoisse et le déni, c’est ça que ça veut dire ?

Oui. Le TPA, c’est l’angoisse d’un point de vue négatif, mais aussi la prévoyance, l’organisation. De l’autre côté, le RNG comprend le déni mais aussi le détachement, le no stress, l’insouciance et le YOLO (« You only live once »). Les deux sont complémentaires, on peut les mettre en opposition. Les doubles lectures, ça m’amuse beaucoup. Cette philosophie de vie m’accompagne depuis longtemps, bien avant Chocolat. Avant d’avoir décidé d’en faire le titre de mon nouvel album, « TPA » était déjà tatoué sur mon avant-bras.

« il est important de se souvenir qu’on n’est pas seulement haï de manière déraisonnable sur les réseaux, on est aussi aimé de façon complètement déraisonnable. »

Les réseaux ramènent autant de fame que de haine, comme tu l’évoques dans 13/12. Comment gardes-tu ton équilibre là-dedans ?

La clé, c’est d’arriver à se rendre compte qu’il y a un côté poison dans le succès au sens large. Je suis évidemment redevable de mon public et je suis le premier touché quand, dans la rue, on me dit qu’on aime ce que je fais. Mais il est important de se souvenir qu’on n’est pas seulement haï de manière déraisonnable sur les réseaux, on est aussi aimé de façon complètement déraisonnable.

Gérer les réseaux et la notoriété, est-ce que vous en parlez, avec ta sœur Angèle ?

Angèle, là, elle gouverne le monde. Je n’ai pas beaucoup de conseils à lui donner, si ce n’est des conseils de grand frère. Du type : « Je te conseille de mettre ta poubelle dans la cabane, pour ne pas qu’il pleuve dessus. » On est dans ce registre-là uniquement. À l’époque, quand elle me demandait des conseils, le seul que je lui donnais, c’était de rester rigolote, parce que c’est ce qui fait sa singularité, et de bien s’entourer. Mais au final, on est tellement là-dedans toute la journée qu’on parle d’autre chose quand on se voit. De choses normales. Si des frères et sœurs ont une complicité, ils ne parlent pas de boulot en général.

Ta femme (le mannequin Lena Simonne, NDLR) est présente sur l’album, on entend sa voix sur Kalimba et tu parles d’elle aussi. Tu t’es marié récemment. En quoi c’était important pour toi ?

Je lui ai demandé sa main après deux ans de vie commune, il y a trois ans. Cela m’est venu rapidement. J’avais envie de me marier avec elle. J’ai vu mes parents se marier quand j’avais 12 ans. Je trouvais ça cool. Je ne suis pas traditionnaliste, je n’ai pas de religion, ce n’était pas non plus un mariage protocolaire, mais j’avais envie de me marier avec ma femme. D’ajouter un élément à notre couple, une base saine et stable.

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