Témoignage: mère de deux enfants, Léa, 32 ans, a choisi d’avorter

La situation aux États-Unis ne peut que nous amener à nous interroger sur nos propres lois. Le terrain est-il aussi fragile chez nous ? Et sommes-nous vraiment ouverts sur la question ?  Le rédac’ est partie à la rencontre de médecins-avorteurs, de politiques, mais aussi de personnes ayant vécu un avortement.

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Le témoignage de Léa, 32 ans

« Comme j’avais beaucoup de problèmes avec la pilule et le stérilet, mon mari a décidé de subir une vasectomie. Entre mes rendez-vous et son intervention, je suis tombée enceinte. Je ne comprenais pas comment cela avait pu arriver alors que nous utilisions des préservatifs et utilisions même des applis de fertilité. Passer de deux à trois enfants me semblait inenvisageable, nous venions à peine de reprendre le contrôle sur nos vies. Mon mari était du même avis. Entre les enfants, le boulot, les amis... Alors que nous avions enfin trouvé l’équilibre, nous voilà repartis pour des nuits blanches. Les premiers jours, je me sentais partagée. Vous vous autorisez parfois à rêver : “Et si...”

Mon médecin de famille m’a merveilleusement bien accompagnée. Il m’a dit de prendre mon temps tout en me donnant toutes les informations nécessaires si je souhaitais finalement avorter. J’ai pris rendez-vous dans un centre pour en parler. La conversation était rassurante et bienveillante : il n’était pas trop tard, l’avortement était encore une option. Les six jours de réflexion ont été émotionnellement déchirants, mais aussi bienvenus. J’avais besoin de temps pour réfléchir, même si c’était difficile. À la fin, la balance commençait à pencher, j’avais le sentiment que j’allais échouer en tant que mère, partenaire et collègue si je poursuivais cette grossesse. Que nous serions tous malheureux : mon mari, les enfants et moi.

« Je vais être claire : je ne regrette pas ma décision, je l’ai prise pour de bonnes raisons, mais je regrette d’avoir dû la prendre. Je porte en moi une part de colère et de tristesse que la société refuse de voir. »

Comme je n’étais pas encore enceinte de neuf semaines, un avortement par pilule était possible. Il ne faut pas sous-estimer ce traitement, pour moi, cela ressemblait à une petite naissance. Mais le curetage me faisait bien plus peur que les crampes et les pertes de sang. Je ne garde pas un bon souvenir de cet événement. Peut-être que l’on a délibérément gardé un caractère impersonnel et médical pour ne pas susciter d’émotions, mais c’était très froid. On m’a donné un verre d’eau et un comprimé, et on m’a dit : “Bon courage, car il faut aller de l’avant maintenant. ” Je suis rentrée chez moi complètement bouleversée. C’était un moment important pour moi, mais ils m’ont donné l’impression que j’avalais une simple aspirine.

Après l’avortement, j’ai contacté une association car j’avais besoin de parler à des personnes qui avaient vécu la même chose. Ces conversations ont été très enrichissantes. Ma propre expérience m’a encouragée à en parler autour de moi. Parce que c’est ce qui m’a le plus blessée : la société estime que vous n’avez pas le droit d’être triste après un avortement, car c’est votre décision. Je vais être claire : je ne regrette pas ma décision, je l’ai prise pour de bonnes raisons, mais je regrette d’avoir dû la prendre. Je porte en moi une part de colère et de tristesse que la société refuse de voir. Cela fait de moi une combattante. Le chagrin des femmes qui ne peuvent pas avoir d’enfants, qui ont fait une fausse couche ou qui ont perdu un bébé est terrible. Mais cela ne signifie pas que ma douleur n’est pas réelle, que je n’ai pas le droit d’être triste. »

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