Vie de famille, choix de carrière: Joël Dicker se révèle, côté perso

Avec 12 millions de livres vendus et traduits en 40 langues, il est une icône de la littérature populaire. Romancier devenu également homme d’affaires à la tête d’une maison d’édition, le trentenaire genevois croit en la concrétisation des rêves. Par Paloma de Boismorel. Photo: Laetizia Bazzoni.

Imperturbable comme le lac Léman par beau temps, Joël Dicker se lève pour me serrer la main. À première vue, le jeune homme interviewé dix ans plus tôt ans à la Foire du livre pour la parution de La Vérité sur l’affaire Harry Quebert n’a pas tellement changé : même sourire bravache, même baskets et jeans décontractés, peut-être juste la mine un peu plus fatiguée...

J’ai lu que vous aviez créé à 10 ans un journal sur les animaux. Quel petit garçon étiez-vous ?

J’étais un petit garçon plein de rêves, j’aimais imaginer plein de projets et de choses différentes, mais en même temps, j’étais dans le concret. J’avais justement fait ce petit journal parce que j’ai toujours aimé me donner les moyens de concrétiser mes rêveries. J’avais de la peine, par exemple, à trouver un groupe de musique dans lequel les membres étaient aussi motivés que moi pour répéter. J’ai donc toujours été très sérieux malgré ce côté rêveur.

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Vos parents étaient libraire et prof de français. Ont-ils été attentifs à vous donner le goût de la lecture ?

La lecture n’était pas quelque chose d’obligatoire ou d’écrasant. On nous lisait beaucoup d’histoires, mais pas seulement le soir, aussi pendant le repas ou le dimanche après-midi. C’était une activité. Et du coup, le plaisir de lire est venu par cette oralité et grâce à des livres extraordinaires, comme les livres de Roald Dahl ou encore Le Petit Nicolas.

Vous avez fait un an au Cours Florent. Quel acteur vouliez-vous être ? Aviez-vous un modèle ?

Non, je ne crois pas. C’était plutôt le plaisir de vivre d’autres vies en jouant des rôles. Finalement, c’est ce que j’avais déjà trouvé dans la littérature comme lecteur et que j’ai trouvé pleinement comme auteur.

« Parfois, je me pose aussi des questions sur ce qu’aurait été ma vie si j’avais fait tel choix plutôt que tel autre. Quand je vais à un concert où je vibre en voyant le batteur, je me demande ce que ça aurait été si j’avais poursuivi dans cette voie. »

Pourquoi avoir renoncé ?

La question que je me suis posée en allant au Cours Florent, c’est : « Est-ce que j’ai envie de faire ça ? » J’avais de l’intérêt pour beaucoup de choses, ce qui est chouette, et en même temps, ça peut rendre la vie difficile parce qu’à un moment donné, il faut faire un choix, sinon on se perd. Aller au Cours Florent, c’était un moyen concret de me dire : « Voilà, je me lance, j’y vais. Qu’est-ce que ça donne ? » Et je me suis rendu compte que j’aimais bien ça, mais que je n’avais pas le feu sacré.

Votre personnage Marcus Goldman est hanté par le passé et par son amitié avec Harry Quebert. Êtes-vous quelqu’un de nostalgique ou de mélancolique ?

La nostalgie, c’est quand même une déformation de la réalité. J’ai le sentiment d’être beaucoup plus heureux et épanoui aujourd’hui que je ne l’étais plus jeune. Et du coup, je sais très bien que quand je me souviens avec émotion de ma jeunesse, par exemple de mes vacances en Amérique sur la plage, c’est parce que j’ai enlevé un peu tous les sentiments désagréables. Parfois, je me pose aussi des questions sur ce qu’aurait été ma vie si j’avais fait tel choix plutôt que tel autre. Quand je vais à un concert où je vibre en voyant le batteur, je me demande ce que ça aurait été si j’avais poursuivi dans cette voie. Je me pose des questions, mais je n’ai pas de regrets. J’ai beaucoup de cordes à mon arc, j’ai eu beaucoup de chance. Je le dis avec la satisfaction de ne pas m’être perdu ou dispersé. « 

Qu’est-ce que la vie de famille a changé dans votre vie d’écrivain ?

Je dors moins. Je me lève parfois à 3, souvent à 4 h du matin, je dois réussir quand même à surveiller mes heures de sommeil parce qu’avant, je pouvais dormir vingt heures en sept jours et puis dormir pendant tout un week-end. En même temps, j’ai des horaires très flexibles, donc je peux me lever le matin très tôt, faire toutes mes heures et avoir plus de temps l’après-midi. Mais ce qui va changer à partir de septembre, ce sont les voyages. Là, ça commence un peu, mais ça reste limité. Je n’ai pas encore vécu vraiment les grosses tournées parce que pour le précédent livre, il y avait le coronavirus.

Et du point de vue de l’inspiration ?

Dire ce que la paternité change en moi, c’est encore un peu tôt. Je vais prendre un exemple qui est très malheureux, mais quand vous êtes face à un deuil brutal, il y a d’abord le choc et l’incompréhension. Il faut vraiment un bon moment pour arriver à laisser décanter toutes ces émotions et vous rendre compte de ce qui a changé en vous dans cette étape. Ça n’a rien à voir, mais je mets la paternité dans la même gamme d’émotions. Pendant neuf mois, on se dit que ça arrive, mais même si vous croyez être prêt parce vous avez acheté un siège pour la bagnole, en fait, vous ne pouvez pas imaginer ce que c’est avant de l’avoir vécu. Il y a un nouveau lien qui se crée avec vos enfants, avec votre partenaire aussi, évidemment. Ça bouge beaucoup de choses dans votre vie, dans votre travail aussi, vous avez besoin de vous organiser différemment. Je me rends bien compte qu’il va y avoir un changement dans ce que j’écris et dans ma façon d’écrire, mais je ne peux pas du tout encore le percevoir.

Découvrez notre rencontre avec Joël Dicker en intégralité dans le GAEL de mai, disponible en librairie.

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