Son rôle de grand-père, ses enfants: Salvatore Adamo se confie sur sa vie de famille

En 60 ans de carrière et bientôt 80 ans sur Terre, ce fils de mineur immigré de Sicile est devenu un symbole national. Comme si, sur plusieurs générations, les Belges s’étaient reconnus dans son humilité non feinte, sa discrétion, sa sensibilité, mais aussi son talent. Entre son rôle de grand-père et ses enfants, notre guest du mois, Salvatore Adamo revient sur sa vie de famille. Par Isabelle Blandiaux. Photos: Laetizia Bazzoni.  

Sa vie ressemble à un roman. Intense, riche en rebondissements, coups du sort et rêves éveillés. Lorsque Salvatore Adamo nous narre son existence en tous points hors normes, il se connecte sans difficulté à l’enfant qu’il a été et qui a immigré en Belgique à 3 ans avec ses parents pour fuir la grande misère sicilienne. Et pour cause, ce bambin-là vit toujours en lui, à près de 80 printemps.

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Devenir père puis grand-père, cela t’a-t-il beaucoup changé ?

Cela m’a épanoui, cela m’a offert une autre forme d’amour, que j’ai éprouvé pour mon enfant, jusqu’à ce que lui s’en rende compte et ait de l’attachement pour moi aussi. Cela m’a donné une responsabilité. Et, malheureusement, un peu plus tard, cela m’a fait culpabiliser à cause de mes absences. La seule chose que je regrette dans mon métier, c’est de ne pas avoir pu doser. On ne m’a pas aidé non plus. Je recevais ce type de messages : « On te demande à 12 000 km, il faut y aller... Rien n’est acquis, si tu n’y vas pas, on t’oublie. » J’ai beaucoup délégué la fonction parentale sur les épaules de Nicole et de la mère de ma fille (l’actrice et mannequin Annette Dahl, NDLR).

Qu’est-ce que tu penses avoir transmis à tes (petits-)enfants ?

Quand je revenais de tournée, j’avais des valises pleines de cadeaux. Je me souviens même avoir ramené de New York une vraie petite voiture, qui faisait deux mètres. J’essayais de me faire pardonner comme ça. Mais on a eu une vraie discussion à un moment donné et j’ai compris que non seulement mes enfants ne m’en voulaient pas, mais certains souhaitaient même suivre mes traces. Je leur ai inculqué l’amour de la musique. Même mon fils aîné, pilote long courrier, est bassiste, il a accompagné Enzo Enzo. Mon fils cadet est à Londres, dans un groupe de pop électro qui s’appelle Fujiya & Miyagi, avec un vrai public et des concerts dans des pays où je ne suis jamais allé, comme la Chine. Ma fille Amélie a une voix magnifique, j’ai fait un duo avec elle, mais elle m’a confié qu’elle a peur de la célébrité. On a fait des maquettes et j’espère pouvoir la convaincre de sortir cet album. Et ma petite-fille Lily, qui vient d’avoir 10 ans, a une voix fabuleuse, elle n’arrête pas de chanter, depuis toujours.

Je n’ai pas d’attitude en concert, j’essaye d’être à la scène comme à la ville. J’espère que mon entourage me le fera comprendre si je deviens pénible à voir ou à écouter.

Ton sujet de prédilection est l’amour. Es-tu quelqu’un de romantique ?

Dans l’acception initiale du terme, oui. C’était une révolte, le romantisme, à la fin du 19e siècle. Par exemple, chez Alfred de Musset, l’auteur des plus beaux vers que je connaisse, dans Tristesse : « J’ai perdu ma force et ma vie, / Et mes amis et ma gaieté ; / J’ai perdu jusqu’à la fierté / Qui faisait croire en mon génie. / Quand j’ai connu la Vérité, / J’ai cru que c’était une amie ; / Quand je l’ai comprise et sentie, / J’en étais déjà dégoûté. / Dieu parle, il faut qu’on lui réponde. / Le seul bien qui me reste au monde/ Est d’avoir quelquefois pleuré. » À un moment donné, le romantisme a été associé à une mièvrerie, ici, ce n’est pas du tout le cas. Je revendique la candeur, le romantisme réfléchi, responsable et rebelle.

Des années yé-yé au début de ta carrière aux années 2020, cela fait six décennies : quel regard poses-tu sur l’évolution de notre monde ?

Tout s’est accéléré. En quarante ans, on a changé de civilisation. Ce qui m’a bouleversé aux larmes, c’est la guerre du Golfe, on pouvait voir à la télé la trajectoire du missile qui allait être largué... On aurait dit un jeu vidéo. Rilke disait, dans Lettres à un jeune poète, que si un homme de Cro-Magnon était confronté à un homme d’aujourd’hui, il le prendrait pour un dieu. Mais au vu de ce qui se passe actuellement, c’est souvent un dieu qui n’est pas bienfaisant.

Comment alimentes-tu le feu sacré en toi depuis si longtemps ?

Je l’appelle la petite flamme. La scène est l’endroit où on a l’impression d’exister le plus. Le public te porte, te fait léviter à 15 cm du sol... J’ai mesuré ! (Rires.) Je prends un plaisir immense à cette communion. Je n’ai pas d’attitude en concert, j’essaye d’être à la scène comme à la ville. J’espère que mon entourage me le fera comprendre si je deviens pénible à voir ou à écouter. Parce que j’aurai du mal de le reconnaître de moi-même, il faudra vraiment me pousser dehors.

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