Juliette Binoche: « L’urgence aujourd’hui, pour moi, c’est le climat »

La star française à l’affiche de Doubles Vies, engagée pour le féminin et pour le climat, nous a accordé un entretien fleuve et motorisé. On a adoré. D’après Juliette Goudot.

Votre carrière est internationale. Comment expliquez-vous cette dimension : vous l’avez voulu ou c’est arrivé par hasard ?

Déjà jeune actrice, j’ai eu envie d’apprendre l’anglais par intuition, pour pouvoir être libre et voyager. Et puis ensuite j’ai passé des castings, comme plein d’actrices de ma génération. Pour L’Insoutenable Légèreté de l’être, par exemple, la directrice de casting Margot Capelier avait parlé de moi au réalisateur et il s’est trouvé que j’ai été prise pour le rôle d’une Tchèque. C’est ce film qui m’a fait découvrir au monde et ensuite ça a fait boule de neige.

Comédienne, mais aussi peintre, danseuse : d’où vient votre inspiration ?

Quand je peins, c’est sur le moment, je peins ce qui se passe en moi, la référence n’est pas extérieure. Ça peut être une sensation, ça peut être aussi une idée. Mais souvent, je peins plus facilement quand je suis acculée que quand je suis toute seule avec du temps, je me fais violence, c’est un peu la contrainte qui permet une sortie de soi, c’est comme quand on perd les eaux, il y a une nécessité à faire sortir. J’ai fait deux expositions, une en peinture abstraite grand format avec Christian Fenouillat, une autre de portraits de cinéastes et d’autoportraits. Mais pour l’instant, je n’ai pas le temps.

Avez-vous une méthode de comédienne particulière ?

Les méthodes ont été diverses dans ma vie, au théâtre et au cinéma. L’idée est de se
renouveler, de ne jamais se répéter. Il n’y a pas de recette, mais j’aime bien avoir une
structure émotionnelle qui me permet d’entrer dans le film et d’en sortir. C’est d’ailleurs ce que j’ai toujours fait de façon intuitive. Avec les profs de théâtre, on élabore une réflexion sur un rôle, mais ensuite il faut pouvoir tout lâcher au moment du tournage. La méthode est un moyen de faire connaissance avec le sujet et avec soi-même par rapport au sujet, pour pouvoir ensuite être disponible avec le metteur en scène, mais ça n’est pas une fin en soi. Parfois, je fais le choix de ne pas préparer pour être dans une maladresse ou une incertitude qui convient à mon avis mieux au rôle. Mais globalement, je trouve ça toujours plus intéressant de travailler sur un film que de ne pas travailler.

« On peut être très malmené en tant qu’acteur ou actrice puisqu’on s’expose, sans droit de regard contractuel, d’ailleurs ».

Du romantique au comique le plus fou, le spectre est large chez vous : comment vous êtes-vous emparée de cette dimension comique ?

J’ai toujours eu le désir de ne pas avoir peur des transgressions ni du convenu. Transgresser ou se mettre à nu est plus difficile car on est fragilisé par l’inconnu, mais c’est ce qui me plaît. Et c’est là que la confiance intervient avec le metteur en scène. Car on peut être très malmené en tant qu’acteur ou actrice puisqu’on s’expose, sans droit de regard contractuel, d’ailleurs. La confiance avec la mise en scène et la production est donc nécessaire pour pouvoir transgresser.

Si vous deviez choisir entre la comédie et la tragédie ?

C’est intimement lié pour moi. Et puis ça dépend aussi de comment on voit les choses. (Silence.)

Vous avez parfois montré une émotion publique forte sur des causes politiques ou contemporaines : c’est important pour vous, d’éveiller les consciences ?

L’urgence aujourd’hui, pour moi, c’est le climat. C’est une prise de conscience arrivée avec la démission de Nicolas Hulot, même si j’avais déjà conscience de l’écologie. Manger bio, je le fais depuis toujours, sauf à une période où je n’avais pas un rond, quand je vivais avec avec ma sœur. Sur YouTube, je participe à Thinkerview, qui invite des penseurs, des directeurs d’associations à réfléchir en une heure trente : on a le temps de la pensée, de l’expérience et pas du zapping, c’est vraiment précieux. L’Aquarius et SOS Méditerranée (pour le sauvetage en mer des migrants, NDLR) me mobilisent aussi. Tant que je peux aider, je le fais.

Si le cinéma s’arrêtait, vous feriez quoi ?

Me reposer (elle rit très longtemps), je ne me repose pas pour l’instant. Je suis dans l’agir, mais à un moment il faut faire attention à son corps et à son esprit.

  • DOUBLES VIES, D’OLIVIER ASSAYAS, EN SALLES LE 23/1.
  • HIGH LIFE, DE CLAIRE DENIS, EN SALLES LE 20/3.

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