Ecriture, entourage & censure: les secrets de la romancière Adeline Dieudonné 

Multiprimé, multitraduit, son premier roman, La Vraie Vie, l’a révélée en 2018, à l’âge de 35 ans. Notre Guest du mois de juin Adeline Dieudonné récidive avec Kérozène, qui promet déjà un succès explosif. Regard angélique mais talent diabolique, elle nous a laissées lire entre ses lignes. Par Paloma de Boismorel. Photos: Laetizia Bazzoni.

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Quand tu t’es mise à écrire à l’âge de 33 ans, tu as commencé tout de suite un roman ?

Non, J’ai d’abord commencé par écrire Bonobo Moussaka, ma pièce de théâtre. Je savais de quoi j’avais envie de parler et ce que j’avais besoin d’évacuer. Le fait d’imaginer ça dans un discours sur scène, ça me paraissait plus direct et naturel. J’avais déjà essayé d’écrire des scénarios, mais le problème, c’est qu’il n’y a rien de plus compliqué à monter qu’un film. Écrire une pièce, c’était facile et ça ne demandait l’aide de personne. Trouver deux soirs par semaine un petit café-théâtre pour jouer, ça me paraissait gérable. J’en avais tellement marre des projets avortés. Je me suis mis une discipline d’écriture et j’ai mis deux mois à l’écrire. Quand je suis arrivée au bout, je n’avais pas du tout envie de m’arrêter. Du coup, j’ai écrit une nouvelle, parce que j’avais vu que la Fédération Wallonie-Bruxelles organisait un concours. Je l’ai aussi envoyée à Thomas Gunzig. On s’était rencontrés au Bar du matin, où j’allais pour travailler. C’est lui qui m’a encouragée à commencer à écrire un roman. C’est fou, mais j’avais besoin qu’un homme me le dise pour y croire, j’avais besoin de son autorisation. Avec une femme, ça aurait été différent. C’est triste, mais au moins je suis lucide.

Aujourd’hui, y a-t-il encore des situations ou des pensées qui t’empêchent d’écrire ?

Le surplus de sollicitations et de stimuli m’empêche d’écrire. Parfois, après une journée très remplie, je suis incapable de m’y mettre à cause de toutes les pensées parasites qui m’assaillent. Je dis ça, mais La Vraie Vie, je l’ai écrit justement à une période très compliquée de ma vie. J’étais en pleine séparation avec le père de ma deuxième fille et je travaillais à temps plein, mais j’écrivais quand même tous les matins pendant une heure. Cela me permettait de mettre la réalité à distance et de configurer ma journée différemment.

Te sens-tu parfois obligée de t’autocensurer ?

Non, pas du tout. C’est vrai que si tu écris en anticipant ce que vont en penser ta mère et ta grand-mère, tu es bloquée, tu ne peux plus rien raconter. En fait, quand j’écris, je laisse tout venir, je me dis que le premier jet n’appartient qu’à moi et que je me censurerai après en faisant le contrôle qualité. Quand je relis, c’est là et ça ne m’appartient déjà plus. Du coup, je laisse.

 

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Et comment tu te sens quand tes proches ouvrent tes livres ?

J’assume. (Rire et grimace.) Mais j’ai de la chance, mon entourage est bienveillant. Pour La Vraie Vie, ils l’ont lu avant publication. Ma mère ne savait pas trop quoi en penser. Pour Kérozène, c’était plus facile, après le succès du premier, j’avais plus de légitimité. Ma mère m’a quand même dit au téléphone : « Mais qu’est- ce qu’on t’a fait pour que tu écrives des choses comme ça ? » Je réalise qu’ils doivent aussi l’assumer vis-à-vis de leurs amis et de leur propre entourage. Je crois que ma grand-mère est en train de le lire...

Tu assumes aussi la violence de tes textes ?

Je suis un peu étonnée quand on me parle de la violence dans mes romans, je trouve que nous vivons dans un monde beaucoup plus violent que ce que je décris. Il suffit de regarder les faits divers, de penser à tous ceux qui se noient dans la Méditerranée, de voir tous ces gens sur les trottoirs ou tous ces camions sur l’autoroute qui emmènent des dizaines d’animaux à l’abattoir. Dernièrement, un journaliste a comparé mon écriture au cinéma de Tarantino. Je l’ai pris comme un compliment. Plus c’est gore, moins c’est réaliste et plus ça permet la mise à distance. La violence que je mets dans mes fictions a pour moi une dimension cathartique, j’espère que les lecteurs le ressentent aussi.

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