Marius Gilbert: « C’était là que je me sentais le plus utile »

En une pandémie, ce chercheur en épidémiologie sera passé de l’ombre à la lumière et devenu une figure incontournable de notre petit écran. Marius Gilbert nous raconte en image ses débuts de jeune étudiant... Par Florence Hainaut. Photo: doc. privé.

L’instantané de Marius Gilbert

« Je termine mes études d’ingénieur agronome à l’ULB et comme je ne sais pas vers où aller, je fais pareil qu’un ami qui postule pour une année à Oxford. Ça fonctionne, j’obtiens une bourse et je découvre un autre monde. Une collocation internationale, un milieu étudiant et académique impressionnant et très stimulant. Ce sont les débuts d’Internet, on crée des groupes de réflexion, on débat pendant des heures. Facebook avant l’heure, sans les trolls...

C’est une époque vraiment charnière pour moi. J’ai choisi mes études par goût pour le contenu, pas en pensant à un métier ou à une carrière. Et là, je suis à Oxford, super, mais après ? Je passe par toutes sortes de questionnements, sur ma place dans le monde, qui je suis, ce que j’ai envie de faire. Bref, j’ai 22 ans. Et l’autoportrait, c’est aussi une manière de questionner l’identité. Mais cette photo a un côté sombre dans lequel je ne me retrouve plus du tout. D’abord, je suis quelqu’un d’un naturel assez joyeux, même si ça ne s’est pas beaucoup vu sur les plateaux, sans doute parce que le sujet était loin d’être léger. Mais c’est vrai que j’avais une vision assez résignée de l’orientation du monde, de cette course sans fin à la croissance, à la production, à l’individualisme.

« J’y suis allé. Pas pour flatter mon ego, mais parce que c’était là que je me sentais le plus utile. »

De manière assez paradoxale, la crise sanitaire m’a transformé sur cela. Collectivement, et contre toutes les règles de l’économie, on a tout stoppé pour sauver les personnes âgées, donc économiquement inactives. Réaliser qu’on est encore capables de ça, en tant que société, c’est très encourageant. Ça me laisse penser qu’il est possible d’aller vers autre chose. Les questions que je me posais à 22 ans, finalement, elles sont toujours d’actualité : par quel biais est-ce que je peux prendre part à la vie sociale, être acteur de changement dans une direction qui me semble positive pour la vie collective ? Et cette envie de m’impliquer dans la société, avec trois enfants et un boulot de recherche à temps plein, c’est vrai, je l’avais un peu mise en sourdine. Mais soudainement, il y avait un tel besoin d’explications par rapport à un événement majeur qui changeait nos vies... Donc j’y suis allé. Pas pour flatter mon ego, mais parce que c’était là que je me sentais le plus utile.

Et c’est finalement ce qui a fait que je suis devenu un acteur de cette crise. C’était là que j’étais, que je devais être, à expliquer, décortiquer, donner du sens. Ma place habituelle, vers laquelle je retournerai sans doute un jour, derrière un clavier d’ordinateur, à faire des calculs et sortir des publications scientifiques, n’était simplement pas la plus prioritaire à ce moment-là. La principale leçon que je tire de cette période, c’est que je pense qu’on n’a pas d’autre choix que la solidarité pour faire face aux crises. Pour moi, c’est la seule manière d’aller vers un futur qui puisse encore nous faire rêver. »

SON ACTU

« Juste un passage au JT », avait-il dit à sa fille avec qui il devait passer la soirée. On vous avoue qu’en pleine pandémie, on avait envie de lire plus ou moins tout sauf un livre sur la pandémie. Et pourtant, cet ouvrage est exactement ce dont on avait besoin pour comprendre ce que nous avons vécu. Avec franchise, pédagogie et humanité, Marius Gilbert raconte la science, la politique, les doutes. Et enfin, on a compris. Merci.

  • JUSTE UN PASSAGE AU JT, MARIUS GILBERT, ÉD. LUC PIRE.
Plus d’interviews:

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu des partenaires

Contenu sponsorisé