Joelle Scoriels: « Je ne serais pas devenue présentatrice si... »

L’humain fonctionne- t-il à la carotte ou à la cravache? Quatre de nos Guests se sont penchés sur ces accidents, entraves ou adjuvants qui leur ont servi de carburant. Après François Damiens, notre Guest de juin, c’est Joelle Scoriels qui s’y colle. Par Myriam Leroy. Photo: Filip van Roe. 

JE NE SERAIS PAS ARRIVÉE À ANIMER MON PROPRE TALK SHOW EN PRIME TIME À LA TÉLÉ, 69 MINUTES SANS CHICHIS, SI...

« ... J’avais su ce que je voulais faire de ma vie. Ce qui m’aurait permis de dire autre chose que oui à tout. Et collatéralement: si divers employeurs n’avaient pas eu envie de m’essayer... Je ne suis pas le genre de nana qui va voir le directeur de la téloche pour lui soumettre un projet et le supplier de me faire confiance. Mais au gré de rencontres — que je ne provoque pas —, j’ai régulièrement réussi à me faire remarquer et à faire comprendre que j’ai envie de me faire voir.

C’est assez spontané, pas de l’ordre de la séduction féminine, mais je rentre dedans et ça a pu séduire certains chefs. On m’a souvent dit au début: «Garde cette fraîcheur, t’es un peu folle, t’es décalée.» Et je faisais montre de cette possibilité de décalage, qui n’est liée à aucun projet, ni de vie ni professionnel, mais qui est une manière de me donner du relief à mes propres yeux.

« Si j’avais su ce que je voulais faire de ma vie, je n’aurais pas dit oui à tout »

JE NE SERAIS PAS ARRIVÉE À EXERCER UN MÉTIER PUBLIC SI...

... Je n’avais pas eu un caractère d’introvertie souhaitant se faire remarquer et si je n’avais pas été encouragée par des parents gentiment tordus. L’enthousiasme de ma mère par rapport à ce que font ses enfants est tellement énorme que je dois reconnaître que, même s’il n’est pas toujours très crédible, il m’a poussée. Mon père, lui, quand j’allais à un examen, à quelque niveau scolaire que ce soit, me disait: «Sois remarquable.» À force, j’ai intégré la consigne. Mais je crois que, petite fille, j’y ai surtout compris l’injonction à me faire remarquer (rires).

De mes parents, j’ai aussi hérité de leur propre inconfort par rapport à la société. Mon père était un timide qui masquait cette timidité sous une sorte de vernis et de panache social. Ma mère, c’est quelqu’un qui surréfléchit. Le fameux bouquin de Christel Petitcollin, Je pense trop, c’est elle de la première à la dernière page. Elle est plutôt encombrée par sa surefficience mentale et en encourageant ses enfants à tort et à travers, je crois qu’elle espère qu’ils ne deviennent pas aussi bourrés de problèmes qu’elle.

À un moment, j’ai compris que quand elle me disait: «Tu sais faire cette chose», en réalité ça signifiait: «Toi tu feras cette chose, parce que moi j’en suis incapable.» Avait-elle raison? C’est difficile de faire le tri entre qui on est et les messages qu’on a reçus.

Il n’empêche que ces messages entraient en dissonance avec mes propres sensations, parce que je n’étais vraiment pas à l’aise avec les autres, j’avais le sentiment de ne jamais me faire entendre dans un groupe. Mon seul moyen d’existence dans la classe était d’être l’impertinente périphérique, plutôt en retrait, qui tout à coup lâchait un truc qui allait créer le chaos, casser le rythme, rompre l’ordre. Je lâchais une merde et le prof devait composer avec ça.

Je me souviens avoir fait pleurer un de mes profs en secondaire... C’était nul, je m’en suis voulue après coup, mais quand t’es môme, tu ne te rends pas bien compte de l’impact. Ce sont des tests que tu fais. Et moi je faisais un test d’ironie brutale.»

Retrouvez tous les témoignages de nos Guests dans le GAEL de juin, disponible en librairie!

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