La Cambre: dans les coulisses de la prestigieuse école de mode

Leur collection de fin d’études est scrutée par les chasseurs de têtes des plus grandes maisons de mode, la presse internationale et la crème de la crème de la mode belge. Un mois avant le grand show des étudiants, nous sommes allés prendre la température dans les couloirs de l’école La Cambre, à Bruxelles. Par Kristin Stoffels. Photos: Liesbet Peremans.

LA CAMBRE

Les étudiants de La Cambre arrivent à l’académie entre 9h et 9h30. D’une main, ils tirent une grande valise pleine à craquer. Sous l’autre bras, de lourds rouleaux de tissu font contrepoids. Après une dernière bouffée, ils éteignent leur cigarette et se précipitent à l’intérieur. C’est le dernier jour avant les vacances de Pâques, un mois avant la présentation de leur collection au jury.

La Cambre: dans les coulisses de la prestigieuse école de mode

ÉTAT DES LIEUX: STRESS, MAIS TOUT IRA BIEN

Le département mode de La Cambre est au treizième étage d’un immeuble de l’avenue Louise, à Bruxelles. La vue est à couper le souffle. Les étudiants travaillent sur leurs dessins dans deux salles. Dès le début de la matinée, la pièce se remplit de designers, de mannequins et d’un tas de tissus, de rubans à mesurer et de ciseaux. Là où Anvers est très internationale, La Cambre accueille une majorité d’étudiants belges et français. Aujourd’hui, les étudiants de master passent une sorte d’évaluation intermédiaire. « Je suis très en retard avec ma collection, explique Samuel Quertinmont (26 ans). Je n’en suis qu’à la moitié et ça me stresse. Dans un mois, je dois présenter ma collection au jury. Je ne compte pas mes heures. Ma collection nécessite beaucoup de travail manuel et de précision. Je suis très perfectionniste, donc s’il y a une erreur, je recommence. »

« Quinze personnes sont admises en première année. Seuls cinq élèves obtiendront leur diplôme en juin prochain. »

Abdel El Tayeb (25 ans) est beaucoup plus détendu. Son évaluation s’est bien passée, elle ressemblait davantage à une discussion dans le studio d’une maison de couture qu’à un examen. Une occasion de réfléchir ensemble à la manière d’amener la collection à un niveau supérieur. « Nous travaillons un peu comme dans un studio, explique Tony Delcampe, prof et chef d’atelier. La force de notre école est que nous sommes très sélectifs. Quinze personnes sont admises en première année. Seuls cinq élèves obtiendront leur diplôme en juin prochain. Nous avons donc du temps à consacrer aux étudiants. Nous approfondissons davantage les choses que dans d’autres écoles. Chez nous, la technique est primordiale. Durant leur master, les étudiants doivent nous montrer comment ils utilisent dans le cadre de leur collection toutes les méthodes enseignées. » « Nos profs nous poussent énormément toute l’année, mais dans la phase finale, la collaboration devient de plus en plus importante, explique Abdel. Je suis content de ma collection. Je sais exactement où je vais. Cinq looks sont presque terminés. Le design est finalisé, je dois commencer la réalisation. Ça va aller. »

La Cambre: dans les coulisses de la prestigieuse école de mode

INSPIRATION: LA GÉOMÉTRIE ET LE SOUDAN

Alors qu’Abdel rêvait d’une carrière dans la mode depuis son plus jeune âge, Samuel, lui, ignorait complètement qu’il prendrait cette direction. Il a étudié les sciences et les mathématiques et voulait devenir ingénieur civil, avant de changer d’idée. « J’avais peur de m’ennuyer et j’ai toujours admiré Yohji Yamamoto et Comme des garçons, des desi- gners qui recherchent l’équilibre parfait entre créativité et technologie, explique-t-il. J’ai parfois ici le sentiment que mon bagage scolaire est insuffisant. Je n’ai pas vu tous les films ni lu les livres dont parlent les autres étudiants. Mais d’un autre côté, les mathématiques et le design de mode sont très proches. Dans la mode, la notion de géométrie est importante. Ma collection est très personnelle. Je me suis inspiré de l’uniforme d’écolier, un style plutôt masculin traduit dans une ligne féminine. » Abdel a trouvé son inspiration dans la garde-robe de sa mère. « Je suis parti de la tob, une robe soudanaise typique, et je l’ai adaptée en m’inspirant de tous les grands designers occidentaux que j’admire. La base de mon travail est donc ce grand morceau de tissu de 5 mètres sur 2 qui, dans ma culture, cache le corps de la femme. Je fais le lien avec le monde occidental, où la féminité est au contraire mise en avant. Je travaille avec des fermetures à glissière dans la robe, pour qu’on puisse ou non souligner le corps de celle qui l’enfile. »

La Cambre: dans les coulisses de la prestigieuse école de mode

L’AVENIR: DURABILITÉ ET PLAISIR

La nouvelle génération de La Cambre se sent concernée par les enjeux sociétaux. Dans le futur, Abdel aimerait démarrer une production au Soudan. « Il me semble important de faire quelque chose dans le pays de mes parents qui puisse promouvoir l’artisanat local, explique-t-il. Je suis très intéressé par les matériaux biologiques et la durabilité. Continuer à vivre et à travailler comme nous le faisons aujourd’hui n’est plus possible. Acheter un t-shirt au prix d’un sandwich n’a aucun sens. J’espère que nous reviendrons à une mode plus précieuse et raisonnée. Mon but est de créer une veste qui durera toute une vie et que les gens pourront transmettre à leurs enfants. »

« C’est un peu le jeu des chaises musicales. Pour trouver un emploi en tant que designer, il faut un petit peu de chance. »

La Cambre: dans les coulisses de la prestigieuse école de mode

« Il n’y a pas beaucoup d’emplois dans ce secteur, ajoute Samuel. C’est un peu le jeu des chaises musicales. Pour trouver un emploi en tant que designer, il faut un petit peu de chance. Être au bon endroit au bon moment. J’attache une grande importance aux conditions de travail. Je refuse d’être exploité. Par exemple, lors de mon stage chez Saint Laurent, j’étais le seul stagiaire. C’était juste avant la Fashion Week. À 18 h, ils rentraient tous chez eux. Le travail qui restait à effectuer le soir aurait pu occuper cinq personnes. Dans le secteur de la mode, la notion de normalité est souvent gommée. Prenez le travail des enfants, par exemple. Je ne comprends pas comment les choses en sont arrivées là. J’espère pouvoir faire la différence plus tard. Je rêve de travailler dans une maison de couture inspirante. Mais pour être honnête, même si je confectionne des t-shirts toute la journée chez H&M, si l’ambiance est bonne, cela me rendra heureux. »

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