Sang Hoon & Yeba: rencontre autour d’un potier

Rassemblez un chef doublement étoilé et une ancienne génie de la finance qui a tout plaqué pour se lancer dans la création de sacs. Installez ces deux personnes qui vivent vite — très vite — chez une potière qui sait que seule la patience permet la création. Observez enfin le travail de la terre agir comme un révélateur. D’après Florence Hainaut. Photos: Laetizia Bazzoni.

Quand nous avons demandé à San quelle serait son activité rêvée en tant que Gael Guest, il a tout de suite pensé au cours de poterie de Ben, de son vrai nom Bénédicte. C’est elle qui crée la vaisselle de ses restaurants et elle a vu défiler la plupart de ses collaborateurs. C’est San aussi qui a pensé à Yeba Olayé pour l’accompagner. Il l’a croisée plusieurs fois, lors d’une conférence ou un congrès, et a été soufflé et touché par cette jeune femme déterminée. Récemment échappée du milieu de la finance, dans lequel elle étouffait, Yeba crée des sacs très chics, mais surtout très pratiques, pour femmes actives.

Une poterie à son image

« Les enfants et la terre, c’est ce qui m’a appris la patience », raconte Ben. La poterie, c’est un peu l’éloge de la lenteur. « La terre n’aime pas qu’on la brusque. » Un geste rude, un moment d’inattention et tout s’effondre. La terre nous obéit, mais seulement si on la respecte. Elle nous révèle, également. Prenez San : la consigne de départ, c’était un bol. Le résultat final, une assiette. Yeba, elle, a parfaitement respecté le contrat. « Oui, je sais. Jai un vrai travail à faire sur le lâcher-prise. Je suis moins dans la découverte que dans la concrétisation des idées. Je vois un objet dans ma tête et je fais tout pour qu’il existe en vrai. Je pensais que c’était dû à ma formation à Solvay, mais en fait c’est un vrai trait de caractère. »

Un art bien plus complexe que l’on pense

Si la poterie a l’air simple, c’est en réalité un art particulièrement délicat. Et San le sait : « Si tu parles pendant que tu tournes, ton bol ressemblera à ta conversation. » Raison sans doute pour laquelle il est d’abord aussi prolixe que la boule de terre qu’il travaille. Ben confirme : on peut lire le caractère et l’état émotionnel des gens dans leur création. D’ailleurs, la meilleure manière de faire de la poterie, c’est de ne faire que ça. « Une fois que tu es centré sur ce que tu fais, tu es en fusion totale avec la terre, c’est comme le prolongement de ton corps. Et là, tu peux commencer à creuser. » Avant de commencer ses cours, elle organise toujours un moment thé et papote. « Sinon, les élèves parlent pendant le cours et rien ne fonctionne. Si tu n’es pas complètement dedans, c’est impossible. Comme la cuisine, en fait. » Pourtant, la confiance s’installant, Yeba et San commencent à papoter.

PAPOTE ET POTERIE

Yeba : « Il est arrivé un moment dans mon projet où j’étais tellement obsédée par la suite, l’envie de grandir, que les discussions avec les investisseurs, les conférences, les soirées de networking ont commencé à prendre plus de place que la création, alors que c’est ça qui m’avait amenée à tout quitter pour trouver ma voie. J’ai eu une véritable remise en question cet été. Était-ce vraiment ce que je voulais ? J’ai donc accepté de faire marche arrière et décidé de travailler à un autre rythme. » San : « Parfois, à vouloir aller trop vite, on se ralentit. » Yeba : « Comme en poterie ! » Ils rigolent.

Pendant ce temps-là, chez San, le tournage se passe moyennement bien : « Ça y est, j’ai foiré mon truc ! » C’est vrai que sa deuxième création ressemble plus à une quiche lorraine qu’à un bol. Ben avait pour- tant prévenu : parler ou tourner, il faut choisir. San adore venir chez Ben. Pourquoi ? « À un moment, quand tu excelles dans ton domaine, c’est presque comme si plus personne ne pouvait te dire quoi faire. Ma force d’apprentissage, c’est l’observation, ou du moins c’était le cas avant. Mais parfois, je réalise que je suis déformé par mes propres convictions. Si quelqu’un me dit comment faire quelque chose, j’ai l’impression que je peux le faire à ma manière. Chez Ben, ça ne pardonne pas. Si je fais ça, je me plante. Ici, j’apprends vraiment. » Entre autres que parler en tournant, ça donne des quiches terreuses.

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