Dans les yeux de ma soeur: la photo perso d’Amélie Nothomb

Dans la famille Nothomb, vous connaissiez Amélie; elle nous présente sa soeur, Juliette. L’autrice belge peint un portrait tendre de celle qui a inspiré son dernier roman. Interview: Paloma de Boismorel. Photos: Pascal Ito, François Dubois.

La photo perso d’Amélie Nothomb

Une belle photo parle mieux qu’un long discours. On voit sur celle-ci une femme à la beauté sans égale. Ma sœur est cette personne. C’est rare de trouver un tel alliage de beauté et de bonté. La photo a été prise chez elle, assez récemment. Elle a vraiment une expression d’ambre, merveilleuse et distinguée. C’est tout à fait elle. Je sais que j’ai l’air de délirer quand je parle de ma sœur, mais ça explique beaucoup de choses dans ma vie de savoir que j’ai grandi avec pour grande sœur une telle fée. J’ai toujours été tirée vers le haut. Souvent, on me demande pourquoi mes héroïnes sont si sublimes et si irréelles. Eh bien, pour moi, c’est réel, j’ai toujours vu ma sœur comme ça.

J’ai été une adolescente très tourmentée, d’autant plus que nous vivions dans des pays isolés où nous n’avions guère de contacts avec l’extérieur. Mais je n’étais pas seule puisque, à la maison, il y avait ma sœur. J’ai dormi dans la même chambre qu’elle jusqu’à mes 17 ans. C’est rare de partager la chambre de sa grande sœur aussi longtemps, mais c’était mon bonheur. D’abord parce qu’on se parlait énormément, mais aussi parce j’étais déjà très insomniaque et je ne compte pas le nombre d’heures que j’ai passées à l’écouter dormir. J’avais l’impression qu’elle dormait pour nous deux et ça me faisait le plus grand bien.

« Elle m’a toujours dit que je lui avais sauvé la vie à ce moment-là et depuis, elle a vraiment repris l’écriture. »

Quand nous étions petites, c’était Juliette qui écrivait, j’y voyais la confirmation qu’écrire était un acte magnifique. Je n’écrivais pas, je n’avais pas le droit de marcher sur ses plates-bandes. À l’âge de 16 ans, Juliette a arrêté d’écrire et je me suis dit : tiens, ouvrons l’œil. Quand j’ai eu 17 ans, ça faisait quatre ans qu’elle n’écrivait plus, je me suis dit : je peux écrire, maintenant. Sans le savoir ni le vouloir, ma sœur m’a indiqué le chemin. J’ai vécu avec elle jusqu’à l’âge de 30 ans et aussi longtemps que nous vivions ensemble, ma sœur lisait tout ce que j’écrivais, c’était ma première lectrice et c’était la seule personne qui lisait tout de moi.

Ensuite, nous avons chacune trouvé l’amour et nous sommes allées vivre notre vie chacune de notre côté. Ma sœur n’est plus ma première lectrice, elle ne lit plus tout ce que j’écris. D’ailleurs, personne ne l’a remplacée, je vis avec quelqu’un qui ne lit pas tout ce que j’écris. Mais ma sœur reste une lectrice extrêmement privilégiée, qui reçoit mon livre avant les autres et dont la lecture m’importe énormément. C’est moi qui ai remis ma sœur à l’écriture. Quand elle a eu 44 ans, elle a vécu un malheur et j’ai senti qu’elle n’allait pas bien du tout. Je lui ai dit : “Juliette, il faut absolument que tu te remettes à écrire, tu avais un tel don, tu n’en as rien fait, il n’est pas trop tard, tu dois t’y remettre.” Je vous assure, je l’ai harcelée. Tous les jours, je lui disais : “Tu ne vas pas pleurer aujourd’hui, tu vas écrire.” Je la forçais à écrire une page par jour. Elle m’a toujours dit que je lui avais sauvé la vie à ce moment-là et depuis, elle a vraiment repris l’écriture. »

SON ACTU

Nul doute qu’il y a un peu de Juliette et d’Amélie dans les deux héroïnes du Livre des sœurs. Après le très émouvant Premier sang, dans lequel elle empruntait la voix de son père décédé, Amélie Nothomb nous livre une sorte de conte moderne dédié à la sororité. En cette même rentrée, Juliette caracole à ses côtés en publiant Éloge du cheval, où elle confie sa passion débridée pour les équidés.

  • LE LIVRE DES SŒURS, AMÉLIE NOTHOMB, 198 P., ÉD. ALBIN MICHEL.
  • ÉLOGE DU CHEVAL, JULIETTE NOTHOMB, 200 P., ÉD. ALBIN MICHEL.

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