Sexe: ce que le confinement a changé à nos habitudes sous la couette

On s’est toutes demandées ce qu’on ferait si la fin du monde était annoncée. On est beaucoup à s’être imaginé qu’on ferait passionnément l’amour. Grâce au coronavirus, nous savons désormais que si nous devions mourir demain, on ferait du pain. Mais si on avait pu jouir en sus, ça n’aurait pas été de refus. Par Florence Hainaut.

Sexuellement parlant, le feu d’artifice que certains articles particulièrement enthousiastes annonçaient n’a pas exactement eu lieu. Certes, l’expression « Pandémie mondiale probablement suivie d’une effroyable crise économique et sociale » donne rarement envie de s’exclamer : « Oh oui chéri·e prends-moi tout entière », mais les premiers jours, pourtant, quand on pensait encore que de petites vacances forcées allaient tout régler, on a cru à ces injonctions à prendre du temps pour soi, à se retrouver, à faire du picotage, de la méditation, du jardinage et l’amour. Oh oui, l’amour, plein, partout, grâce à tout ce temps retrouvé. C’est cela, oui...

FERMÉE POUR CAUSE DE CHARGE MENTALE

Les quelques études qui ont été faites sur notre vie sexuelle confinée ne sont pas très excitantes. Un site de rencontres extraconjugales a sondé ses membres dans toute l’Europe : 81 % des femmes estiment avoir moins joui en 2020 (contre 33 % des hommes, à qui il faudra bien expliquer un jour qu’un rapport sexuel n’est pas terminé quand eux ont éjaculé). 61 % des sondées disent avoir moins eu envie de faire l’amour. 58 % s’être moins masturbées pour cause de libido en berne. C’est sûr que se demander si on va passer l’hiver et combien de temps on va pouvoir se nourrir sur ses économies, ça incite rarement à la gaudriole. Et puis pour revenir au pain, faire du levain, ça prend un temps bête. Près de la moitié des femmes interrogées estiment être passées à côté de l’orgasme pour cause de charge mentale supplémentaire : ménage, enfants, confection de masques, catch au supermarché devant le rayon pâtes, fouilles archéologiques pour trouver comment changer l’arrière-plan sur Zoom parce que nos collègues n’ont pas à savoir qu’on fait sécher nos grandes culottes couleur chair dans le salon, etc.

« Après avoir passé la journée m’occuper des deux nains, des repas, du rangement... le sexe c’était : NO WAY! »

Marie (graphiste) ne dit pas autre chose : « Le sexe est de plus en plus devenu une corvée pendant le confinement. Après avoir passé la journée à m’occuper des deux nains, des repas, du rangement, des lessives, de l’animation, quand mon chéri me sollicitait le soir : NO WAY. C’était un besoin viscéral, il me fallait du temps pour moi, je voulais être seule, je voulais qu’on me foute la paix. Le sexe, c’était quand JE le décidais. À savoir pas très souvent. » Parfois, c’est pas l’envie qui manque, mais l’intimité. Élisa (enseignante) : « Avec deux enfants et des murs en carton, on profitait beaucoup des moments où ils étaient chez les grands-parents. Depuis le confinement, l’occasion ne se présente plus de se laisser aller sans avoir peur de faire un peu de bruit (je ne veux pas qu’ils entendent quoi que ce soit et je suis complètement parano). Mais vu le temps qu’on a passé enfermés, notre couple va vraiment bien, on est bien ensemble. Par contre, on n’a plus du tout envie... ni l’un ni l’autre. On n’a plus le plaisir de se retrouver parce qu’on ne se quitte jamais bien longtemps, on n’a plus le côté funky de la fin de soirée un peu bourrés ou du matin tranquillou après une bonne fête. » Certains ont bien essayé de rester plus longtemps aux toilettes pour se faire un peu désirer, mais force est de constater que c’est sans effet. Nicole (commerciale) : « La magie du “Retrouve-moi dans ce bar à telle heure” ou le fait de se faire belle pour une occasion est remplacée par “T’as pas vu mon training ?” » Notez qu’on en fait des jolis. Mais en 2020, à vue de nez, on se sera plus lavé les mains que titillé le clito. Ça fait beaucoup de sècheresse à compenser.

‘ANUS’ HORRIBILIS ?

Pourtant, tout n’est pas à jeter dans cette année. Dans une étude sortie en mai 2020, le très sérieux Institut Kinsey, précurseur dans les études du comportement sexuel, tempère. Certes, la moitié des sondé·e·s font état d’une diminution de leur vie sexuelle. Mais 20 % l’affirment, cette période a été l’occasion d’élargir son répertoire sexuel. Nouvelles pratiques, nouvelles manières d’être, nouveaux fantasmes...

Natacha (développeuse IT) est en couple depuis un peu plus d’un an. « Nous, c’était quasi trois fois par jour, merci le télétravail ! On est très bien ensemble, du coup, la seule chose que le confinement a fait, c’est de nous laisser plus de temps. Mais bon, il fait autant le ménage que moi, vide la litière de mes chats, il cuisine, fait les courses. Je pense que c’est souvent ce genre de trucs qui coince dans les couples. Difficile d’avoir envie de faire l’amour si on se sent ignorée, pas aidée. Bref, j’ai l’impression que le confinement sert de révélateur. Souvent, on balaie les difficultés sous le tapis, mais quand tu es avec lui 24/7, difficile de faire l’autruche. »

« Malgré la frustration de pas pouvoir se voir, ça a en quelque sorte fait évoluer notre vie sexuelle. »

Distanciation sociale, confinement et interdiction de voyager obligent, il a parfois fallu improviser. Agneska est fonctionnaire européenne : « Je suis dans une relation à distance, on ne s’est pas vus depuis le deuxième confinement puisque le pays où il habite est en zone rouge et que mes obligations pro ne m’ont pas permis de voyager. Concrètement, sexuellement, ça se passe donc principalement par téléphone, avec ou sans caméra, en fonction de l’envie du moment. Ça permet une communication différente avec le partenaire, la distance permettant de dire des choses plus facilement que face à face, certains fantasmes ou des trucs qu’on n’apprécie pas, etc. Ça fait aussi pas mal tomber le tabou de la masturbation en couple. On s’envoie aussi des vidéos qu’on peut regarder chacun quand on veut, ça résout le problème du timing quand les deux ne sont pas dans le mood en même temps. Je pense que malgré la frustration de pas pouvoir se voir, ça a en quelque sorte fait évoluer notre vie sexuelle. On se verra dans quelques semaines, je pourrai à ce moment faire le bilan et voir si ça a effectivement autant aidé que je le pense. »

Découvrez notre dossier « Le sexe d’après » dans le GAEL de février, disponible en librairie.

Lisez aussi:

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu des partenaires

Contenu sponsorisé