Santé: le CBD va-t-il bientôt remplacer l’aspirine?

Avec leurs grandes feuilles de cannabis en déco, on dirait des coffee shops néerlandais : les boutiques de CBD ont poussé comme des champignons aux coins de nos rues. Le cannabidiol, c’est la drogue qui ne drogue pas, en toute légalité. Ou presque. Par Florence Hainaut. 

Des petites dames bien comme il faut, que l’on n’imaginerait pas partager un pétard avec les jeunes chevelus qui font la file derrière elles, des malades chroniques, des curieux et curieuses : tout le monde se croise dans les magasins de CBD, la molécule issue du cannabis censément miraculeuse. De la même manière qu’on a vu naître et puis mourir les bars à blanchiment des dents et les magasins de cigarettes électroniques, de nombreux CBD shops ont fleuri en Belgique.

C’EST NOUVEAU ?

Oui et non. Ça fait longtemps qu’on se soigne au cannabis et que les scientifiques étudient ses vertus. Il est utilisé en médecine depuis des milliers d’années et en Europe, on trouve des traces écrites de son utilisation dès le 15e siècle. Et puis la prohibition et les différentes lois l’ont fait disparaître des radars, le cantonnant à un usage récréatif, même si partout dans le monde, il n’a jamais cessé d’être un remède traditionnel, plus ou moins discrètement selon les lois en vigueur. Ce qui est nouveau, c’est la prolifération, chez nous, de magasins qui lui sont dédiés.

« Une directive européenne autorise la culture et la vente de cannabis s’il contient moins de 0,2 % de THC. »

LE CBD, C’EST QUOI ?

C’est l’une des substances que l’on trouve dans le cannabis. Son nom complet : le cannabidiol. Ado, vous avez peut-être rigolé comme des baleines après avoir fumé un joint. Et ça, c’était grâce à une autre substance, le THC (tétrahydrocannabinol), le composant dit « psychoactif » du cannabis. C’est donc le THC qui fait planer et dire des âneries. De la même manière que les horticulteurs peuvent créer des fruits et des légumes avec plus ou moins de résistance au froid et des concentrations de vitamines qui varient, les producteurs de cannabis peuvent faire pousser des plantes avec beaucoup de CBD et très peu de THC qui fait rire dedans. Et ils ont tout intérêt à le faire, parce qu’une directive européenne autorise la culture et la vente de cannabis s’il contient moins de 0,2 % de THC.

ON LE CONSOMME COMMENT ?

Difficile de se mettre à rouler des joints quand on a peu d’expérience. Et les non-fumeuses auront, à raison, peu envie de s’y mettre. Le marketing a pensé à tout et le produit se décline sous forme d’huile (à mettre sous la langue), de baume à appliquer localement, de liquide à vapoter, d’herbe à vaporiser (sans combustion donc), de gélules et mêmes de sucettes. Et puis de crèmes et de shampoings, mais on est plus loin des vertus thérapeutiques visées, même si avoir les mains douces et des cheveux brillants n’est jamais désagréable.

« Contrairement au THC, le CBD ne « défonce » donc pas, il relaxe. On le compare souvent à un léger sédatif. »

ÇA FAIT QUEL EFFET ?

Contrairement au THC, le CBD ne « défonce » donc pas, il relaxe. On le compare souvent à un léger sédatif. Le CBD agit sur le système nerveux pour réduire la douleur et l’anxiété. Rien de magique, c’est juste la substance qui envoie un message au cerveau en lui disant de s’occuper d’autre chose. Il est reconnu comme efficace sur les douleurs neuropathiques, il améliore l’appétit, réduit les nausées, a un effet sur la qualité du sommeil et s’avère efficace dans les cas d’épilepsie réfractaire chez l’enfant. Son usage est évoqué, mais sans consensus médical autour de la question, dans la maladie de Parkinson, les problèmes d’insuffisance rénale et les états psychotiques. Des femmes qui en consomment assurent que leurs douleurs prémenstruelles ne sont plus qu’un vague souvenir et qu’elles ont une meilleure capacité de concentration, mais ces témoignages n’ont pas encore été scientifiquement validés.

Le battage médiatique autour du CBD ne doit néanmoins pas laisser penser que c’est une molécule miracle. C’est un médicament. Et comme tous les médicaments, il ne peut être efficace pour tout et pour tout le monde.

« Les vertus du CBD ont été démontrées et c’est à mon sens de la malhonnêteté intellectuelle de ne pas reconnaître ces évidences. » – Dr. Dominique Lossignol

LA MÉDECINE EN DIT QUOI ?

Nous avons contacté plusieurs médecins qui en ont conseillé à leurs patient·e·s. Mais tous se sont montré frileux à l’idée de s’exprimer, expliquant que l’état de la recherche n’est aujourd’hui pas suffisant pour affirmer quoi que ce soit. Ce qui fait doucement rire le professeur Dominique Lossignol, spécialiste du traitement de la douleur et chef de clinique à l’Institut Jules Bordet. « L’être humain connaissait les vertus thérapeutiques de la plante avant même de connaître la chimie et la pharmacologie. Plus de 10 000 articles médicaux ont été publiés sur le sujet dans de grandes revues médicales. Des études sérieuses ont été menées, notamment en cancérologie. Au Canada, en Allemagne, en Israël, le sujet ne fait plus débat. Les vertus du CBD ont été démontrées et c’est à mon sens de la malhonnêteté intellectuelle de ne pas reconnaître ces évidences. » Il pointe un manque de connaissances et un amalgame entre usages récréatif et thérapeutique pour expliquer la frilosité de la Belgique dans le domaine. « Aucun médicament n’est efficace à 100 %. Mais la molécule (CBD) n’est pas toxique, elle ne peut pas abîmer des organes, en altérer leurs fonctions. Je ne dis pas que c’est un meilleur médicament que d’autres, mais on lui fait un procès qu’on ne fait pas aux autres. L’aspirine, qui à certaine dose peut être létale, est en vente libre et cela n’émeut personne. »

Lisez ce dossier en intégralité dans le GAEL d’octobre, disponible en librairie.

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