Témoignages: ces patients que les médecins n’oublieront jamais

Quand un journaliste rencontre un médecin, quelle est la question qui le titille ? Celle de savoir si un patient a laissé chez lui un souvenir indélébile.

VÉRONIQUE (50 ANS), MÉDECIN-CHEF DANS UN SERVICE PSYCHIATRIQUE

« Cette patiente avait traversé beaucoup d’épreuves : sa sœur souffrait de troubles mentaux et sa mère était décédée des suites d’une longue et pénible maladie. Chez elle, tout allait bien en apparence, mais elle souffrait de stress. Un jour, elle a voulu s’accorder un congé de six mois... Ce congé a duré dix ans. Dix ans durant lesquels elle s’est progressivement enfermée dans un monde imaginaire. Elle ne faisait que regarder la télé et sortir lui était devenu impossible. En parler provoquait des crises d’anxiété. Je m’en souviendrai toujours, car cette jeune fille était comme vous et moi, ordinaire. Et à un moment, elle n’y est plus arrivée. Cela signifie qu’un mauvais concours de circonstances peut faire plonger n’importe qui.

C’est sa belle-mère qui a finalement insisté pour qu’elle soit aidée. Nous sommes allées chez elle et pas à pas, nous avons réussi à la sortir de ce profond désordre. Elle m’a fait prendre conscience du fait qu’en tant que soignant, le temps que vous consacrez aux autres est souvent beaucoup plus efficace qu’une pilule. Depuis, j’ose me montrer plus créative et même plus proche de mes patients. »

ÉLISE (49 ANS), NÉONATOLOGUE

« Ce petit garçon est né en 2016 d’une césarienne en urgence, à 27 semaines. Sa santé était menacée, mais aussi celle de sa mère. Il a fallu opérer sans attendre. Ce
nouveau-né avait des poumons immatures et a été mis sous assistance. Il est très vite devenu évident qu’il était très résistant malgré les épreuves. Toute notre équipe croyait en lui. Nous avons eu de longues conversations avec les parents. Une relation de confiance s’est installée. Ils croyaient en notre approche et avaient foi en leur enfant. Au bout de quatre mois, le bébé a été autorisé à rentrer chez lui.

« Sa vie était suspendue à un fil et nous avons passé des heures à essayer de le sauver. »

Malheureusement, deux mois plus tard, il a à nouveau connu des problèmes respiratoires. Quand il est revenu, on s’est tout de suite souvenus de lui et ses parents étaient soulagés de retrouver des visages familiers. Sa vie était suspendue à un fil et nous avons passé des heures à essayer de le sauver. C’est ce patient qui m’a appris qu’un enfant vous montre quand il est capable de se battre. Vous obtenez un signe, aussi infime soit-il. C’était évident chez lui. Un vrai petit costaud. Et oui, il s’est battu. Plus tard, sa mère nous a demandé si nous avions jamais songé à laisser tomber. J’ai secoué la tête. Non, il avait déjà tant traversé que nous ne pouvions faire autrement que de tenir bon. Cet enfant a maintenant 3 ans et chaque année, le jour de son anniversaire, ses parents nous rendent visite. Nous discutons de son état de santé, car ils sont encore
secoués de son séjour chez nous. J’imagine que pour eux, ce fut la période la plus difficile de leur vie. Ces dernières années, j’ai de plus en plus conscience de la nécessité de prêter davantage d’attention à l’aspect psychologique des naissances prématurées. Le contact humain est crucial pour appréhender tant d’émotions. »

« La patiente la plus importante de ma vie, je l’ai rencontrée alors que j’étais de garde. Nous sommes maintenant mariés ! »

JOSEPH (65 ANS), médecin généraliste

« La patiente la plus importante de ma vie, je l’ai rencontrée il y a dix-sept ans alors que j’étais de garde. Une jeune femme s’était effondrée. Sa mère avait récemment eu une hémorragie cérébrale et tout était devenu “trop”. Je l’ai examinée et elle m’a regardé. On sentait l’électricité dans l’air. Dix jours plus tard, cette patiente s’est présentée au cabinet pour un suivi. Elle était allée chez le coiffeur. Le contact, bien sûr, est resté professionnel, mais la fois suivante, j’ai suggéré que nous prenions un verre ensemble. À cette époque, j’étais divorcé depuis dix ans, avec trois enfants dont je m’occupais seul. Les médecins sont des êtres humains : j’avais besoin de contacts, d’une relation. Elle était seule aussi. Nous avons commencé à sortir ensemble. Et elle s’est trouvé un autre médecin. Qu’elle soit entrée dans ma vie est un cadeau. Pour moi et aussi pour mes enfants. Cela a apporté de la stabilité à notre famille. Nous sommes maintenant mariés et elle reste ma patiente préférée entre toutes! »

GÉRALDINE (32 ANS), OPHTALMOLOGUE

« Ma patiente était très âgée et n’avait plus ni famille ni amis. Elle souffrait énormément, sans trouver beaucoup de sens à sa vie. Au fil des consultations, je me suis attachée à elle et j’ai décidé de lui rendre visite après mes heures de travail. On s’entendait bien. Un jour, je lui ai dit que je ne pourrais plus venir pour des questions d’horaire. Quelques mois plus tard, elle m’annonçait son euthanasie pour le lendemain. Ce qui m’a bouleversée, c’est qu’elle me dise que j’avais commis une erreur en franchissant la barrière patient-médecin. Avec moi, elle avait repris espoir, pour se sentir abandonnée ensuite. »

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