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Faim émotionnelle: ces symptômes qui doivent vous alarmer

Vous vous jetez sur la nourriture dès que vous êtes triste ou même joyeux ? Même si manger est un besoin fondamental, il arrive parfois que l’on mange non pas pour combler sa faim physique, mais pour répondre à ses émotions. C’est ce qu’on appelle la faim émotionnelle. Mais quand faut-il s’en inquiéter ? Anaïs Lecocq, diététicienne et Delphine Blondel, licenciée en santé publique et psychonutritionniste répondent à nos questions.

Qu’est-ce que la faim émotionnelle ?

Anais Lecocq: « Généralement, c’est quand le patient utilise la nourriture pour se sortir d’une émotion ou d’un état inconfortable (tristesse, colère, stress, fatigue, etc.). Il va donc faire rentrer quelque chose dans son corps afin de faire taire certains symptômes ou une émotion désagréable. Souvent, ils n’ont pas vraiment de contrôle sur ce qu’ils font. Parfois, certains ne savent même pas comment ils sont arrivés dans l’armoire et vont même jusqu’à manger des choses qui ne leur font pas réellement envie ! Attention, l’alimentation est très souvent liée aux émotions, positives comme négatives. Néanmoins, pour moi, cela commence à poser un problème lorsque l’alimentation devient notre premier rempart devant la difficulté, quelle qu’elle soit. »

75% de nos prises alimentaires sont motivées par nos émotions. C’est quelque chose de normal. Cela devient problématique quand l’alimentation est notre méthode numéro 1 pour s’adapter à nos émotions

Delphine Blondel: « C’est le fait de manger pour s’engourdir ou amplifier une émotion. La première chose à savoir, c’est qu’on le fait tous. Il ne faut pas stigmatiser l’alimentation émotionnelle, s’il n’y avait pas d’émotions liées aux aliments, on ne mangerait pas. 75% de nos prises alimentaires sont motivées par nos émotions et heureusement parce que sinon on se laisserait mourir de faim. C’est quelque chose de normal, cela devient problématique quand l’alimentation est notre méthode numéro 1 pour s’adapter à nos émotions. »

Quels sont les symptômes d’une alimentation émotionnelle ?

Anais Lecocq: « À partir du moment où on a l’impression de perdre le contrôle ou lorsque le « grignotage » commence à prendre une place bien trop importante. Pour moi, on peut aussi se dire que la relation avec la nourriture n’est pas saine lorsqu’on se cache pour manger certains aliments (bonbon, biscuit, chips, chocolat, etc.). J’ai quelques patientes qui vont mettre les emballages de leurs grignotages très loin des poubelles familiales ou qui grignotent en tellement grande quantité qu’elles se mettent à sauter des repas pour compenser. Dès qu’il y a ce type de mécanisme, dès qu’on a la sensation de ne plus gérer, je pense qu’on peut dire que notre rapport à la nourriture n’est plus « sain ». Je demande souvent à mes patientes : « Si vos enfants faisaient ce genre de choses, est-ce que vous seriez inquiète ? » Si vous avez la sensation que vous seriez inquiète, c’est qu’il y a peut-être un souci et qu’une aide serait sans doute la bienvenue, lorsque vous serez prête. »

Je demande souvent à mes patientes : « Si vos enfants faisaient ce genre de choses, est-ce que vous seriez inquiète ? » Si c’est le cas, c’est qu’il y a peut-être un souci et qu’une aide serait sans doute la bienvenue.

Delphine Blondel: « D’abord, on pense tout le temps à l’alimentation. C’est une espèce de sur-intellectualisation permanente de l’alimentation, ça, c’est un premier signe. On va se demander si on a le droit  de manger tel aliment ou non. La deuxième chose, c’est une idée de contrôle: on anticipe, on compte des calories, des macros, etc. Le troisième point, c’est manger sans ressentir la faim. C’est comme s’il y avait une espèce d’insatiabilité, pour nous, c’est un signe qu’il y aurait d’autres faims qui ne sont pas satisfaites chez le patient. Quand le patient mange en cachette, ça, c’est un autre signe indicateur. Manger en cachette, ça veut dire manger vite dans la voiture, manger vite quand le mari ou les enfants sont couchés. Quand on mange debout aussi, on conscientise moins notre alimentation. »

La différence entre la faim physique et la faim émotionnelle

Anais Lecocq: « Si vous avez faim, vous allez manger globalement ce qu’on vous présente. Il faut vraiment que vous n’aimiez pas un ingrédient pour ne pas le manger. Par contre, pour une alimentation émotionnelle, vous avez envie de quelque chose en particulier, quelque chose de sucré, de gras, de réconfortant. C’est rare de se retrouver face à quelqu’un qui a une alimentation émotionnelle et qui va manger des tomates ou des concombres! L’envie va souvent se tourner vers du gras, du sucre et c’est souvent lié à un moment émotionnellement difficile. Pour moi, on peut parler d’alimentation émotionnelle lorsque, en cas d’émotion difficile qui souhaite sortir de nous (colère, tristesse, etc.), nous décidons de nous « remplir » avec un aliment réconfort afin que cette émotion ne sorte pas ou que nous soyons en mesure de mieux la gérer à l’instant T. »

Delphine Blondel: « La faim physique se développe lentement avec le temps. On est prêt à manger presque n’importe quoi. On a une satiété et un contentement quand on a mangé. Voici l’exemple que je donne à mes patientes: vous êtes dans le désert, vous avez faim et moi je vous donne un croûton de pain, vous trouverez que ce crouton est le meilleur du monde. Une faim émotionnelle, elle arrive subitement et on a une envie précise, on veut un aliment en particulier. On ne veut pas du croûton de pain, on veut un bout de chocolat, des biscuits, des chips, etc. »

Que faire si on utilise la nourriture pour apaiser ses émotions ?

Anais Lecocq: « Aller voir un thérapeute, un psychologue parce que c’est souvent lié à un désordre émotionnel. En tant que diététicienne, on peut avoir de l’empathie et comprendre, mais nous ne sommes pas entièrement formées pour réagir face à ce genre de choses. Nous pouvons parfois agir en surface, écouter, faire de notre mieux pour comprendre, mais ça ne suffira pas toujours, car les désordres émotionnels sont extrêmement profonds ou anciens. C’est pourquoi dans mon équipe, j’ai décidé de travailler avec une psychologue. Je collabore également avec des thérapeutes externes. Ensemble, nous sommes plus à même d’aider le patient et d’apaiser son rapport à la nourriture. »

Delphine Blondel: « Il faut développer la conscience de son alimentation, de la manière dont on gère ces aliments. Je travaille sur la conscience de soi, il faut prendre du recul par rapport à ce qu’on fait, en tout cas prendre conscience de notre manière de consommer. Puis, on va travailler l’autorégulation des émotions, c’est-à-dire comprendre qu’une émotion, ce n’est pas un ennemi, c’est quelque chose qui nous traverse et qui demande à être libérée. Ce qu’on réfrène souvent, ce sont les pleurs, pourtant, c’est un mécanisme très utile pour réguler ses émotions, sauf qu’on ne peut pas le faire partout, n’importe quand. Travailler la respiration, c’est l’un des outils les plus faciles, gratuits et qu’on peut utiliser dans toutes circonstances. La troisième chose que je travaille, c’est l’adaptabilité, à savoir la réponse à l’émotion. C’est d’identifier l’élément déclencheur. Par exemple quand on dit « Celui-là, il m’a énervé « , ce n’est pas l’autre qui nous a énervé, c’est juste que l’autre est venu appuyer sur un élément déclenchant. C’est intéressant d’aller voir quel est cet élément pour travailler dessus. À partir du moment où vous régulez vos émotions, vous avez une meilleure qualité de vie professionnelle, personnelle et évidemment nutritionnelle. »

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