Edouard Vermeulen: « On peut côtoyer des gens célèbres en restant vrai »

Marie Honnay

Le couturier de la reine et directeur de Natan est sincère et bienveillant. Mais qu’en est-il lorsque vous cherchez à percer le mystère de cet homme pudique qui tente, par une pirouette forcément cordiale, de détourner une question personnelle ? Interview par Marie Honnay. Photo: Liesbet Peremans.

Après nous avoir fait son autobio express, nous avoir emmené dans les coulisses d’un essayage de la Maison Natan et s’être confié sur son enfance et son éducation, notre Guest du mois Edouard Vermeulen nous parle de sa son rapport au travail et à la notoriété.

SUPPOSEZ QU’ON VOUS INTERDISE D’ENTREPRENDRE QUOI QUE CE SOIT LIÉ À VOTRE TRAVAIL PENDANT UN JOUR, QUE FERIEZ-VOUS?

« Je me distrairais (il prononce cette phrase sans trop de conviction). Dernièrement, je
me suis mis au golf. Quand on n’a pas de conjoint ou d’enfants, forcément, c’est plus
difficile… D’ailleurs, je déteste le dimanche et la notion de loisirs en général. La plupart des gens consacrent 60 % de leur temps à leur famille. Alors, quand on n’en a pas, on remplit. Et puis j’adore la variété, passer d’une chose à une autre. Mon esprit vagabonde sans cesse. »

LE DIMANCHE SOIR, VOUS DÉCROCHEZ? OÙ PEUT-ON VOUS TROUVER?

« Au restaurant avec mon meilleur ami. C’est presque un rituel. On ne parle généralement pas de travail. Enfin, plus vraiment. Je suis moins obsessionnel qu’avant. À une époque, je passais des week-end entiers à travailler. Maintenant, beaucoup moins. »

« Quand les gens me font des compliments, j’ai souvent du mal à réaliser que c’est à moi qu’on s’adresse. »

VOUS NE LÂCHEZ TOUTEFOIS JAMAIS VRAIMENT PRISE...

« C’est difficile, mais j’ai tout de même découvert différents domaines liés au bien-être qui m’aident, lorsque c’est nécessaire, à dénouer des angoisses : la microkiné, par exemple (une technique mêlant acupuncture, ostéopathie et kinésithérapie, qui s’appuie sur le principe de l’homéopathie pour aider à se libérer de certaines tensions, NDLR). Je ne suis pas très branché sport et j’ai beaucoup de mal à rester concentré pendant une séance de méditation — j’ouvre les yeux en me demandant si les 20 minutes sont bientôt passées… —, mais une heure de marche dans la forêt me procure en revanche un vrai apaisement. Je crois beaucoup en l’énergie de la nature. »

LA NOTORIÉTÉ DONT VOUS JOUISSEZ EST-ELLE COMPLIQUÉE A GÉRER?

« Nous avons tous, à un niveau ou à un autre, besoin de reconnaissance. Quand les gens me font des compliments, j’ai souvent du mal à réaliser que c’est à moi qu’on s’adresse. Mes amis me disent que je n’ai pas changé. Ça tombe bien, car je refuse de changer! »

« Finalement, l’humour m’a permis de compenser ma timidité. »

LÀ, C’EST ENCORE VOTRE ÉDUCATION QUI VOUS GUIDE. DANS VOTRE FAMILLE, ON SE DOIT DE RESTER HUMBLE, NON?

« On peut côtoyer des gens célèbres tout en restant vrai. Quant à l’envie de réussir dans
la vie, elle part toujours d’un manque. Moi, c’était ma timidité et mon choix de ne pasfaire d’études qu’il fallait que je compense par ma réussite professionnelle. Être dans la
lumière, pour moi, c’est une source d’adrénaline, le moteur de mon enthousiasme.
À côté de ça, j’ai toujours l’angoisse de déplaire. Je déteste les conflits. Je ne pourrais
pas diriger une société où l’atmosphère ne serait pas sereine. Si un conflit survient, je
dois le désamorcer au plus vite. »

VOUS CÔTOYEZ DES GENS FORTUNÉS ET FRÉQUENTEZ DE BEAUX ENDROITS. VOUS ARRIVE-T-IL D’ÊTRE MAL À L’AISE DANS CERTAINES CIRCONSTANCES OU VOUS SENTEZ-VOUS BIEN PARTOUT?

« Je suis extrêmement timide. Dans une soirée, j’ai du mal à aller vers les gens. L’an dernier, lors de la visite du couple Macron en Belgique, Stéphane Bern a absolument voulu me présenter à eux. Je ne voulais pas, mais il a insisté. J’ai entamé la conversation en demandant à Emmanuel Macron « ce qu’un couturier pourrait trouver d’intéressant à raconter à un président de la République ». Comme Brigitte Macron me suggérait de m’installer à Paris, je leur ai proposé de me louer le rez-de-chaussée de l’Élysée. C’est là que le président m’a répondu en riant : « Je vous le déconseille. Il y a beaucoup trop peu de passage. » Finalement, l’humour m’a permis de compenser ma timidité. »

Avec Melania Trump lors de sa visite en Belgique. Photo © Photo News.
VOUS AVEZ ÉTÉ ÉLEVÉ, EN MÊME TEMPS QUE LE CRÉATEUR DRIES VAN NOTEN, AU RANG DE BARON. ÇA VOUS A FAIT QUOI?

« Je suis, de par mon éducation, très attaché à la monarchie. J’ai donc été flatté, mais je n’ai pas eu envie d’en faire trop autour de cette distinction. On m’a demandé si j’allais changer l’en-tête de mon papier à lettres. Ça ne me serait jamais venu à l’esprit. En fait, je ne réalise pas encore vraiment.« 

« C’est le début d’une nouvelle ère. J’ai choisi ce moment de ma vie pour me faire construire une maison à la mer. C’est un projet qui me tient à cœur puisqu’il me replonge dans mes souvenirs d’enfance. »

VOUS AVEZ PASSÉ LE CAP DE LA SOIXANTAINE. C’ÉTAIT DIFFICILE?

« Je dirais que c’était plus facile que celui de la cinquantaine où, là, vous basculez tout à coup dans un autre monde. À 60 ans, c’est différent. Vous êtes le plus jeune parmi les vieux (il rit). C’est le début d’une nouvelle ère. J’ai choisi ce moment de ma vie pour me faire construire une maison à la mer. C’est un projet qui me tient à cœur puisqu’il me replonge dans mes souvenirs d’enfance. C’est là que j’allais tous les dimanches avec mes parents quand j’étais enfant. C’est un lieu qui me rassure. Pour moi qui n’ai pas l’intention de m’arrêter de travailler, ce cap des 60 ans est aussi l’occasion de revoir mes priorités au sein de la maison. Professionnellement et à titre personnel, mon prochain rêve serait de donner une dimension internationale à Natan. Voir mes collections côtoyer celles d’autres grandes maisons au Bon Marché ou chez Selfridges me procurerait le même enthousiasme qu’il y a 35 ans, lorsque je démarrais ma carrière dans la mode. Je serais, c’est une certitude, aussi excité qu’un enfant. »

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