Adeline Dieudonné: « les filles obéissantes vont au paradis, les autres vont où elles veulent »

Jusqu’où peut-on aller pour faire plaisir ? Contrairement à son personnage Julie, dans Kérozène, Adeline Dieudonné est devenue vigilante à ces violences qu’on s’inflige à soi-même. Photo: (c) Laetizia Bazzoni.

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« On attend de nous que nous disions oui »

« Les petites filles obéissantes vont au paradis, les autres vont où elles veulent ». Cette phrase évoque notre rapport à la docilité, à laquelle nous sommes conditionnés, surtout les filles. On attend de nous que nous disions oui, sans quoi on nous brandit l’épouvantail de la mégère, à qui il ne faut surtout pas ressembler. Il nous faut entrer dans des codes d’inoffensivité. Aujourd’hui encore, je me bats contre ce conditionnement. »

Quelles femmes « pas obéissantes » t’inspirent ?

« Quand j’étais au cours Florent, à Paris, j’habitais chez une tante, une femme libre qui a bénéficié du vent de liberté post-68, loin des codes, comme le mariage ou le fait d’être propriétaire. Elle avait par exemple vécu en Thaïlande, en Martinique... Qui nous oblige en effet à rester installé où on est né ? Avec son mode d’expression un peu brusque, pas “féminin”, elle a inspiré le personnage de Monica (dans La Vraie Vie et dans Kérozène). J’admire aussi Virginie Despentes, qui, bien qu’ayant un discours radical sur l’émancipation féminine (tout comme sur les questions de classe, de race, d’orientation sexuelle), reste toujours ultra-nuancée. Elle assume ses contradictions, ose dire qu’elle écoute Gainsbourg et lit Charles Bukowski. Elle n’obéit qu’aux règles qu’elle se fixe elle-même, faisant fi d’une allégeance inconditionnelle au “Mouvement”. Et c’est juste, car le féminisme est une révolution, un ensemble d’idées, il n’a pas de bible. »

Quand sens-tu encore en toi la petite fille obéissante ?

« Quand j’évite le conflit et que je prends plus que ma part pour aplanir les situations. J’essaie désormais de me défendre comme je défendrais ma meilleure amie, d’affirmer mes limites. Par exemple, de refuser une rémunération largement en dessous de ce que crois juste pour un travail demandé. D’oser dire : “Mon temps vaut ça.” »

Qu’aurais-tu fait de différent si tu n’avais pas été une petite fille obéissante ?

« À 15 ans, je n’aurais pas attendu que les mecs viennent me draguer : je serais allée vers eux dans un rapport plus égalitaire. Je me serais autorisé un autre type d’habitat : à 20 ans, j’avais entendu dire que Bouli Lanners vivait sur une péniche. Je trouvais ça formidable, mais si peu conventionnel... En couple, j’aurais éclaté dès le départ les règles d’exclusivité sexuelle et de vie commune, et j’aurais réfléchi à la question d’avoir des enfants au lieu de la considérer comme une évidence. »

Qu’est-ce qui te permettrait de te dire un jour : « OK, je suis allée où je voulais » ?

« D’avoir vécu des choses que je n’avais pas anticipées. Et c’est d’ailleurs ce qui se passe aujourd’hui. Je n’avais pas imaginé connaître le succès avec mes romans. Ni adorer à ce point un sport de lutte comme le ju-jitsu brésilien. Ou encore m’accorder de ne pas vivre en couple. Cela fait plusieurs années et je trouve cela extraordinaire : je fais enfin ma connaissance. »

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