Philippe Geluck: « L’humour, c’est une tradition familiale »

Gamin farceur, fils d’autodidacte passionné d’art et de culture: notre Guest Philippe Geluck replonge en enfance et nous livre sa vision de la transmission.

En 40 ans de dessins et de pitreries médiatiques, l’humoriste a évité les deux principaux écueils de son métier : la malveillance et le politiquement correct. Covid ou non, il a accepté de tomber le masque de son personnage public et nous a reçues dans son lieu de vie et de création à Ixelles.

D’où vient votre humour ?

J’étais un enfant farceur, joyeux, facétieux. Ça vient clairement de très loin. Je me souviens de mon premier gag conscient et construit. J’étais très petit et ma tante, qui était norvégienne, recevait une amie. Forcément, quand elles étaient toutes les deux, elles parlaient norvégien. La première fois que je les ai entendues, je me suis tourné vers mes parents et je leur ai dit : « Mais est-ce qu’on est certain qu’elles comprennent ce qu’elles sont en train de se dire ? » Ça les a fait rire, ils trouvaient que c’était un joli mot d’enfant ! Mais ça n’en était pas un.

Vous aviez conscience d’avoir dit quelque chose de drôle ?

Oui, c’était en moi. Et là, je viens de voir mon petit-fils aîné, Marcel. J’ai l’impression qu’on a une relation de complicité. Il adore rire. Il y a une tradition familiale parce que j’ai un grand-père et un père qui étaient très drôles.

Qu’est-ce que vos parents vous ont transmis, à part l’humour ?

En dehors des valeurs humanistes de solidarité, de justice sociale, de pacifisme et d’écologie dont ils étaient pétris, ils m’ont transmis un amour de la culture et des arts.

« Chaque semaine, il y avait deux arrivées importantes dans la famille, c’était Spirou pour moi et Chefs-d’œuvre de l’art pour mon père »

Et concrètement, comment se passait cette transmission ?

Mon père nous ouvrait des livres. Il était très, très curieux. C’était un autodidacte. Mes parents étaient jeunes pendant la guerre, ils n’avaient pas fait d’études longues et mon père a été en manque. Il s’est cultivé lui-même de façon intensive. Il était par exemple abonné à ces publications faites par Hachette qui s’appelaient Connaissance des arts et Chefs-d’œuvre de l’art. Il y avait de très belles reproductions, il les collectionnait et puis il achetait les reliures pour les mettre. Il n’avait pas beaucoup de moyens, mais ça, il n’y dérogeait pas. Chaque semaine, il y avait deux arrivées importantes dans la famille, c’était Spirou pour moi et Chefs-d’œuvre de l’art pour lui. Il nous commentait les reproductions des peintres qui le transportaient, Breughel, Le Greco, Rembrandt... Ça allait de la peinture classique à la peinture moderne et à l’abstraction. À 5 ans, je savais qui était Soulages et j’étais impressionné par ses œuvres. Mon père avait des goûts très tranchés. Il aimait beaucoup moins Rubens, la peinture italienne et la peinture religieuse, qu’il trouvait un petit peu écœurante façon chantilly. C’est lui aussi qui nous a fait découvrir Sempé, Topor, Steinberg, les pères fondateurs de notre envie, pour moi de devenir dessinateur et humoriste, pour mon frère de devenir graphiste.

Vous étiez donc deux garçons à la maison ?

Oui, mon frère est mon aîné de six ans et demi. Pour moi, c’était un modèle, un guide et presque un deuxième père. Ce qui, plus tard, a posé un tout petit problème puisque symboliquement, on doit tuer le père à un moment pour exister. Tout va bien aujourd’hui entre nous. On s’adore, même si lui a pu ressentir bizarrement le fait que je m’émancipe artistiquement. On en a parlé et on a décrypté tout le processus.

Vous venez d’une famille où l’on arrive à désamorcer les problèmes en parlant ?

Oui, je crois. On n’avait pas la télé, ce qui amène à parler.

C’était un choix délibéré de vos parents ?

C’était économique, parce que ça coûtait cher. Et puis ils avaient le sentiment que ça allait être un instrument anticulturel, ce que c’est devenu beaucoup plus tard. Ils ont tout de même craqué à un moment, je crois que j’avais 14 ans. Ils avaient acheté la toute petite télé Sony en noir et blanc avec une seule chaîne et pas toujours une très bonne image. Et là, on y regardait plutôt le Concours Reine Élisabeth et les conférences d’Henri Guillemin, qui, à la façon de Franck Ferrand, racontait l’Histoire face caméra sans le moindre décor. Ça durait 50 minutes et on se sentait un tout petit peu plus malin en éteignant la télé.

Découvrez notre rencontre avec Philippe Geluck en intégralité dans le GAEL de novembre, disponible en librairie.

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