Nathalie Maleux: « Ce siège de présentateur, il est en location »

Le JT, c’est le moment de toute la laideur, de la petitesse mais aussi parfois de la beauté du monde. Pour les restituer aux téléspectateurs, la journaliste ne laisse rien au hasard. Derrière le sourire et le professionnalisme de la plus secrète des présentatrices info de la RTBF, notre Guest du mois Nathalie Maleux, il y a de la passion. Pour ce métier, pour le contact, pour le réel. Par Florence Hainaut. Photos: Laetizia Bazzoni.

Nathalie Maleux en vrai

La « petite rouquine » originaire de Waremme qui, en 1998, a attiré l’œil de sa hiérarchie en gérant parfaitement ses interventions en direct depuis Liège est aujourd’hui installée dans un siège convoité et exposé. La présentation du JT de 19 h 30, en alternance avec l’indéboulonnable François de Brigode. Ça ne s’est pas fait tout seul, ni du jour au lendemain. Et elle l’assure : ça n’a jamais été un but en soi. Elle ne rêvait ni de gloire ni de tapis rouge. Son truc à elle, son premier amour, c’est le travail sur le terrain. Elle le répète d’ailleurs souvent, comme si on pouvait l’oublier : elle est avant tout journaliste. Bien plus qu’un visage, elle est une bosseuse acharnée, une professionnelle qui force l’admiration bien au-delà de son milieu professionnel. Certaines de ses interviews, sans concession ni agressivité, restent dans les mémoires. Elle est aussi une petite célébrité, à l’insu de son plein gré. C’est la fonction qui veut ça. À une époque où la tendance est plutôt à l’exposition, Nathalie Maleux a tout verrouillé. Son métier est public, mais sa vie est privée. Pas de presse people, pas de réseaux sociaux, pas d’interviews sur des sujets qui ne concernent pas sa profession. « Quel intérêt ? » On ne sait d’elle que ce qu’elle dévoile avec parcimonie. D’ailleurs, elle nous prévient : elle n’est pas une bonne cliente ! Elle est pourtant parfaite comme elle est, avec ses murs d’enceinte qui protègent ce qui lui tient à cœur. Certains lui trouvent un côté strict. L’enregistrement de cette interview est la preuve qu’ils se trompent. On a beaucoup rigolé.

Comment tu décrirais ton métier ?

Un renouvellement permanent et un enseignement quotidien. Une fenêtre ouverte sur le monde qu’on doit observer avec un œil critique. Essayer de comprendre parfaitement une situation afin d’expliquer les informations le plus clairement possible, entre faits et enjeux. C’est aussi une gestion permanente du stress et des imprévus, une réactivité sur une actualité qui évolue au fil des minutes et des heures. Pour la forme, je suis présentatrice. Pour le fond, je suis journaliste.

En quoi il est important pour toi, ce métier ?

Il me passionne, il m’emmène de découverte en découverte et de rencontre en rencontre. Il me permet d’évoluer, d’apprendre. Et d’apprendre à apprendre. Et puis, j’ai toujours été attirée par l’expression orale. Avec cette fonction, je joue avec les mots, je communique, je dois improviser parfois tout en gardant la maîtrise du propos. C’est mon adrénaline.

Ça veut dire quoi, apprendre à apprendre ?

J’espère donner aux téléspectateurs des clés pour décrypter une actualité qui est sans cesse en mouvement, contestée et contestable aussi parfois. Et qui en plus est sous le feu des réseaux sociaux. Il y a donc des entrants permanents, de sources multiples et contradictoires. Et notre métier, notre force, avec l’expérience et le regard professionnel et objectif d’une équipe de journalistes, c’est de faire le tri, d’être critique et de faire comprendre l’actu, ses causes, ses conséquences et ses impacts.

À la base, avant la présentation, ce qui te passionne, c’est le journalisme de terrain. Quel est, en quelques mots, ton parcours ?

À l’université, à l’ULB, premier contact avec le terrain grâce à Radio Campus. Après quelques piges à la RTBF Liège, je suis partie travailler pour Radio Contact Malmedy, où je faisais la présentation à la fois des journaux et des reportages. C’était un vrai plaisir, c’était du vrai terrain, de la vraie proximité. J’allie les deux mots, terrain et proximité, ça compte pour moi dans le métier de journaliste.

Cela nourrit ton travail actuel ?

Je pense qu’un bon présentateur doit avoir fait du terrain, ne fût-ce que pour connaître les difficultés que rencontrent chaque jour les journalistes sur place : le timing, la réalisation, la recherche de personnes à interroger... Un journal télévisé, ça n’est pas un visage, c’est une quantité de bras déployés, c’est un travail d’équipe.

« Quand on apprécie plusieurs facettes du métier, on n’a pas peur de perdre l’une d’entre elles, en tout cas pas moi. »

Figure du JT, c’est un but, un rêve pour pas mal de journalistes. Tu dis souvent que pour toi, ça n’était pas du tout le cas.

Mon premier rêve, c’était la radio. Par la force des choses, ça s’est mué en télévision. Et quand j’ai découvert la télé, j’ai découvert le pouvoir de l’image. Pas de mon image, mais de celle rapportée par les caméras, le pouvoir d’un plan, large ou serré, d’un détail, d’un visage. J’ai aimé jouer avec tout ça pour faire du reportage. La présentation, c’est venu petit à petit. J’ai dit oui aux propositions, aux défis à relever, mais à chaque fois, je me suis assurée de pouvoir continuer à faire du terrain. Cette année, je n’ai fait que quatre reportages, mais je les ai faits ! Dont un dans un service de néonat, en pleine pandémie, avec des mamans qui venaient d’accoucher et qui étaient seules, sans visite. C’est la réalité et aller s’y confronter, c’est important.

On me dit que tu ne mets pas d’ego dans ta fonction, que le jour où on te dit que c’est fini, bah c’est fini et puis voilà.

C’est comme ça que je vois les choses. Ce siège de présentateur, il est en location, d’ailleurs on est plein à se le passer, à présenter des journaux différents, on règle juste la hauteur en fonction des personnes. À nouveau, je me présente d’abord comme journaliste et puis je suis présentatrice. La tâche est liée à ma fonction et si ça doit s’arrêter, parce que ma hiérarchie décide qu’il faut du changement ou parce que je décide qu’il est temps pour moi de passer à autre chose, on passera à autre chose. Quand on apprécie plusieurs facettes du métier, on n’a pas peur de perdre l’une d’entre elles, en tout cas pas moi.

Quelle autre facette aurais-tu envie d’explorer ?

Le reportage de plus longue haleine, celui en immersion. Ce service de maternité, je voudrais pouvoir y rester plusieurs semaines, rapporter des pépites, des émotions, du vécu, ça c’est un de mes objectifs, pouvoir me consacrer pleinement et beaucoup plus longtemps à des thématiques et donc à des personnes que l’on voit, parfois sur plusieurs mois. Je parle de reportage, pas d’investigation, je ne me sens pas l’âme d’une enquêtrice. Mais je pense avoir la force et l’humanité pour écouter les gens. Sinon, je prendrais bien la place de Cédric Wauthier dans Une brique dans le ventre.

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