Témoignage: comment le Brexit a failli mettre notre couple en péril

Un an après le résultat du référendum et alors que les négociations après le divorce du Royaume-Uni et de l’Union européenne viennent de débuter, ce couple belgo-britannique se fait du souci pour l’avenir. Et si l’un d’eux devait rentrer dans son pays?

Le temps de la rencontre

JORIS «Je vis à Londres depuis 2010. C’est cette année-là que j’ai rencontré Rose, lors d’un voyage en Inde. À la base, c’était un amour de vacances, mais nous avons gardé contact, nous discutions beaucoup par e-mail, nous nous appelions de temps à autre et en septembre, j’ai quitté mon job en Belgique pour m’installer avec Rose au Royaume-Uni.»

ROSE «Je suis venue quelques fois en Belgique, mais je ne voulais pas quitter Londres. À l’époque, je travaillais à la banque HSBC et je commençais juste à faire carrière. Joris, lui, n’était pas vraiment attaché à son job dans l’horeca, il était ouvert au changement.»

« Quand je suis tombée enceinte, on a décidé de quitter la capitale. »

JORIS «Trois mois plus tard, nous avons acheté notre premier appartement à Londres. C’était plus d’un an avant que les prix de l’immobilier atteignent des sommets dans la capitale. Fin 2010, on pouvait encore y faire des affaires. Nous avons rénové le logement et l’avons revendu à profit. À partir de ce moment-là, on a fait ça chaque année: acheter, repeindre, bricoler et revendre. Aujourd’hui, nous possédons six biens.»

ROSE «Quand je suis tombée enceinte et que j’ai voulu accoucher à la maison, on a décidé de quitter la capitale. Direction Brighton: cette ville, qui n’est pas loin de Londres, est plus calme, mais tout de même vivante, avec des restaurants branchés et beaucoup de jeunes. Joris a trouvé un job chez American Express; moi, je donnais des cours d’anglais à Londres.»

Et puis, le 23 juin 2016...

JORIS «Et puis le 23 juin 2016, il y a eu ce référendum sur le Brexit. On est littéralement tombés de nos chaises. On n’aurait jamais imaginé que ça puisse aller aussi loin. À Londres et à Brighton, plus de 70 % des Anglais ont choisi de rester dans l’Europe, nous avions supposé que ce serait le cas partout. Je me rappelle que cette nuit-là, je me suis réveillé à 4 h pour découvrir l’info sur mon téléphone. J’étais choqué. Le jour-même, j’ai quitté mon emploi, je ne voulais plus dépendre d’une multinationale. Le risque que de grandes entreprises et banques quittent le Royaume-Uni à cause du Brexit était bien réel.»

ROSE «Le résultat du référendum a été crucial. Quand il a été question du Brexit pour la première fois, j’arrivais encore à y trouver des avantages. Dans le cadre de la mondialisation, je pouvais comprendre que notre pays veuille se protéger. Il y a tant de chômeurs, tant de citoyens sans perspective. Le fossé entre les pauvres et les riches est immense. Selon moi, la plupart des gens n’ont pas vraiment voté pour le Brexit, il s’agissait plutôt de donner un signal d’alarme. Pourtant, il était clair pour moi que cette décision n’apporterait aucune amélioration, que les militants comme Nigel Farage créaient de fausses attentes. Tous nos amis partageaient cette impression. Quand la nouvelle est tombée, on a été effrayés, complètement abattus. J’étais honteuse, aussi. Je me souviens que le lendemain, dans la rue, je me demandais comment 51,9 % des Britanniques avaient pu choisir le retrait. C’était plus de la moitié de la population, je n’osais même pas croiser le regard de ceux et celles qui auraient pu faire partie de cette moitié-là.»

« peut-être que le moment viendra où nous devrons à nouveau nous organiser et choisir une autre vie... »

JORIS «On a décidé de ne pas se laisser abattre. À l’époque, Rose n’avait pas d’emploi fixe, elle s’est occupée de la rénovation de notre ancien appartement pour pouvoir le mettre en location. C’est comme ça qu’est née l’idée de devenir totalement indépendants, de considérer la rénovation et la location de nos biens comme un vrai travail. Cela nous donne la liberté de voyager davantage, avec notre enfant qui est encore petit.»

L’incertitude qui pèse

ROSE «Aujourd’hui, nous possédons trois maisons et nous avons trois prêts en cours. Pour le moment, nous louons des chambres à la journée dans la maison dans laquelle nous vi- vons, à Hastings, une cité balnéaire très touristique. Le week-end, nos chambres sont toujours louées. La maison a sept chambres, c’est idéal pour les groupes. Ce mode de vie nous offre plus de sécurité financière qu’un emploi dans l’une ou l’autre grande entreprise.»

JORIS «Au Royaume-Uni, il n’y a pas autant de PME qu’en Belgique. Beaucoup de nos amis travaillent au sein de multinationales et sont inquiets, parce qu’ils ont contracté un prêt hypothécaire assez conséquent avant le Brexit. S’ils perdaient leur emploi, ils seraient vraiment dans l’embarras. Mais il y a d’autres sujets de préoccupation pour lesquels nous dépendons des décisions politiques. Je ne sais pas si, en tant qu’Européen, je pourrai rester au Royaume-Uni. Rose a la nationalité anglaise, notre fils aussi. Il se pourrait que je doive un jour être parrainé par une grande entreprise pour bénéficier d’un permis de travail et de séjour. Et là, je serais face à un vrai problème.»

ROSE «Notre plus grande crainte, c’est l’économie. Le Royaume-Uni — surtout au début — va connaître des coups durs. Cela va également affecter le marché du logement et cette incertitude est difficile à gérer. J’ai toujours vécu dans des lieux pleins de vie, où les gens sont positifs. Si je sentais que la situation venait à empirer, je partirais. Pour l’instant, ça va encore, mais peut-être que le moment viendra où nous devrons à nouveau nous organiser et choisir une autre vie

JORIS «Les deux prochaines années vont être déterminantes. Nous devons patienter pour savoir quelles seront les conséquences du Brexit, quelles décisions politiques seront prises. Nous ne pouvons établir aucun plan concret. On préfère ne pas partir, nous avons construit une vie ici, sur la côte. Mais l’incertitude nous ronge.»

GAEL JUILLETMireille et Robert ont aussi fait face aux conséquences du Brexit. Retrouvez leur témoignage en intégralité dans le GAEL de juillet, disponible en librairie

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