Le tendre souvenir de vacances de Victoire de Changy à Ostende

Dans Subvenir aux miracles, Victoire de Changy interroge notre rapport à l’habit sous toutes ses coutures. L’auteure nous partage un tendre souvenir de vacances à la côte belge où, là aussi, le vêtement a toute son importance... Par Paloma de Boismorel. Photo cover (c) Lou Verschueren.

L’instantané de Victoire de Changy

L'instantané de Victoire de Changy

Cette photo a été prise dans un des endroits que je préfère au monde, à Ostende, dans un bâtiment emblématique qui s’appelle le Thermae Palace. Cet ancien palace, qui a aujourd’hui largement perdu de sa superbe, a un côté désuet merveilleux. Il y a du sable qui passe sous les fenêtres, de la moquette usée par terre et cette vue imprenable sur la mer. Dans le restaurant, le service est aux gants blancs mais sans vraiment l’attitude qui devait, jadis, y être associée. Il y a dans le tout quelque chose d’un peu maladroit, qui fait tout le charme de l’endroit. L’hôtel est en train d’être entièrement rénové ; cela va redevenir un endroit luxueux, alors qu’au moment de cette image, les nuits restaient assez abordables. On était le 1er août 2020, jour de canicule. Ostende était transfigurée. Les gens étaient ensuite restés sur la plage jusqu’à 23 h. Nous venions, là, d’arriver à l’hôtel, nous avons ouvert la porte vitrée pour découvrir le paysage. J’ai demandé à ma mère de prendre cette photo, et c’est assez rare pour être souligné : je suis toujours celle qui déclenche, qui collecte, qui pense à figer les images.

« L’effacement de soi propre à la maternité est aussi relié à l’impossibilité, ou à l’oubli, de s’exprimer par l’habit »

Je porte une robe achetée au Japon alors que j’étais enceinte de mon fils Nour. J’étais certaine de ne plus la reporter par la suite tant elle était reliée à cette période. On le verbalise peu, mais s’habiller enceinte est une gageure : c’est quelque chose qui, sans me le formuler sur le moment, m’a fait perdre un peu de qui j’étais. Je l’évoque d’ailleurs dans mon livre (Subvenir aux miracles), l’effacement de soi propre à la maternité est aussi relié à l’impossibilité, ou à l’oubli, de s’exprimer par l’habit. Je m’habillais pour ma part dans les deux ou trois rares de mes tenues qui convenaient à corps portant. Puis  Nour est né et, l’allaitant, et je ne me suis plus habillée que par praticité. Quand il s’est agi de me rhabiller, d’y apposer une réflexion, je ne me souvenais plus de ce qui m’allait, de ce qui, à travers le textile, me définissait.

« C’est en habillant mon fils que j’ai retrouvé ce qui me plaisait et m’importait, le goût de m’habiller moi »

Sur cette photo, je re-porte cette robe-là, sans doute à cause de la chaleur harassante. Mais j’aime cette image, j’aime les couleurs qui s’y associent. J’aime y voir Nour si légèrement habillé. Je choisis les vêtements de mon fils avec beaucoup de soin, de réflexion, ce qui peut paraître futile ou inadapté pour quelque chose d’aussi provisoire. Je prends soin des choses qui se déposent sur sa peau, j’interroge leurs origines ; le plus souvent, c’est de la seconde main, mais dans des matières naturelles et compostables. Ou cousu par des artisans, ou tricoté par son arrière-grand-mère. Les inconnus qui le croisent commentent régulièrement les tenues de Nour ; alors il se regarde, s’admire, réalise, développe des préférences esthétiques. J’ose sur lui des choses qui ne sont d’ordinaire pas reliées à son genre : il porte des fleurs, il porte des paillettes, des couleurs pâles, et il adore ça. C’est en habillant mon fils que j’ai retrouvé ce qui me plaisait et m’importait, le goût de m’habiller moi. »

SON ACTU

Dans son dernier livre, Victoire de Changy interroge notre rapport aux vêtements en partant d’une robe de mariée exposée dans un musée. Filant la métaphore entre textes et textiles, l’auteure nous associe au fil des pages à sa réflexion en train de s’écrire et invite ses amis, souvenirs et lectures à témoigner de ce qui fait le vêtement et l’intérêt presque amoureux qu’on lui porte.

  • SUBVENIR AUX MIRACLES, 69 P., ÉD. CAMBOURAKIS.

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