Témoignage: « J’avais besoin de dire à voix haute que j’étais bisexuelle »

Les femmes que nous avons rencontrées le savent aujourd’hui, et elles le revendiquent : elles sont bisexuelles. Mais avant d’arriver à le dire haut et fort, le chemin, très peu pavé, a parfois été long et jalonné de questions. Par Florence Hainaut. Photo: Ophélie Longuépée.

Découvrez ici notre rencontre avec Caroline Taillet, auteure et réalisatrice de La Théorie du Y.

RACHAEL, COORDINATRICE DE LA RAINBOWHOUSE

« La RainbowHouse, c’est la coupole des associations bruxelloises LGBTQI (lesbiennes, gays, bisexuel·le·s, transgenres, queer et intersexué·e·s). Oui, ça fait beaucoup de lettres, je sais. Et ça en énerve certains, même dans le milieu. Mais pour moi, on peut mettre tout l’alphabet et même en double s’il le faut, jusqu’à ce qu’on prenne en compte tout le monde. Le B est pour “bisexuel·le”. C’est comme ça que je me définis.

Je ne sais pas si c’est important de se définir. Mais est‐ce qu’on a le choix ? Les gens veulent avoir des définitions, tout savoir, mettre les personnes dans des cases. Je rêve de vivre dans un monde où on n’aurait plus besoin de définition sur la sexualité, le genre, la couleur de peau. Mais en attendant, pour se battre contre des discriminations spécifiques et pour ses droits, c’est important de définir, délimiter des groupes. Moi, je suis bi et noire.

Pour mon premier coming out, en tant que lesbienne, j’étais ado. Ça ne s’est pas très bien passé avec ma famille. Je vivais chez mon père, en Angleterre, il n’a pas supporté et il m’a mise à la porte. J’ai vécu un an et demi dans la rue. Après, je suis arrivée en Belgique, où vit ma mère. Avec elle, ça s’est un peu mieux passé. Elle a toujours eu du mal à me comprendre, mais elle n’a jamais cherché à créer des problèmes. Elle respecte sans comprendre, on va dire.

« Il existe cette idée, même dans le milieu LGBTQI, que tu dois faire un choix ; soit les femmes, soit les hommes. »

Quand j’ai fait mon coming out de bisexuelle, par contre, elle était très contente, elle s’est dit qu’il y avait de l’espoir, qu’elle aurait des petits‐enfants. Après, je lui ai dit que je n’en voulais pas, mais heureusement ma sœur en a fait trois, donc elle est comblée. Ça fait un paquet de discriminations et d’insultes, je vous assure.

Je n’ai pas tout de suite réalisé que j’étais bisexuelle, ça a pris plusieurs années. Je savais que j’étais lesbienne, mais j’étais aussi attirée par des hommes. Je me disais que c’était un chemin, que j’avais vécu toute ma vie en étant persuadée que l’hétérosexualité était le seul schéma et que logiquement, je devais encore être empreinte de ça. Puis j’ai fait l’expérience, je suis sortie avec des hommes et je me suis dit que c’était pas si mal que ça. Mais bon, attention, je suis quand même plus attirée par les femmes. On va dire que les hommes, c’est un peu des femmes ratées ! (Elle rigole.)

Plus sérieusement, je vois beaucoup de similarités entre les corps des hommes et des femmes. Il y a des différences, ce qui rend la chose intéressante, mais il y a tellement de similitudes que ça me semble logique d’être attirée par eux aussi. Mais ça ne l’est pas pour tout le monde. Il existe cette idée, même dans le milieu LGBTQI, que tu dois faire un choix ; soit les femmes, soit les hommes. Les choses que j’entends souvent, c’est que je suis attirée par tout le monde tout le temps, que les bi ne savent pas choisir, qu’on veut faire des partouzes. Le nombre de fois où on m’a proposé des plans à trois, comme si j’étais un objet...

« Avec ma sœur, je n’ai jamais fait mon coming out. Je crois qu’elle s’en fout, on ne se juge pas, c’est comme ça et puis voilà. »

Pourquoi c’est important de faire un coming out ? Dans la société, tout est construit autour du fait que tu es hétéro par défaut. Donc que tu ne dois pas faire ton coming out. Quand tu as une autre sexualité, je pense que c’est important de le dire. Mais ça n’est pas primordial, personne n’est obligé, évidemment. Moi, j’avais besoin de le dire à voix haute, de l’admettre pour moi‐même et les personnes qui m’entourent. Il faut cependant garder à l’esprit qu’on vit tous des réalités différentes. Pour quelqu’un qui vit en Ukraine, c’est plus dur que pour quelqu’un aux Pays‐Bas. Et puis il y a plusieurs manières de le faire. Aux États‐Unis, il y a une mode de la mise en scène du coming out, avec maison décorée, ballons, paillettes et vidéos postées sur YouTube. C’est un style. Mais parfois, il ne faut même pas de mots, il suffit juste de vivre ta vie en étant toi‐même. Avec ma sœur, je n’ai jamais fait mon coming out. Je crois qu’elle s’en fout, on ne se juge pas, c’est comme ça et puis voilà.

Ce que je voudrais dire aux parents d’enfants qui font leur coming out : ça n’est pas facile de comprendre, mais il ne faut pas tout comprendre. En tant que parents, vous êtes là pour aimer et soutenir votre enfant. Tant qu’il est heureux, en bonne santé et vit bien sa vie... De quoi on peut rêver de plus ? Votre enfant attend que vous l’aimiez et que vous le souteniez, parce qu’il y aura des moments difficiles. Soyez là dans ces moments. »

Retrouvez ce dossier en intégralité dans le GAEL de novembre, disponible en librairie.

GAEL novembre

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