Témoignage: avoir un enfant souffrant quand l’aide psychologique est rare

Depuis le début de la pandémie, les listes d’attente chez les psys sont devenues quatre fois plus longues. Alors que sa petite fille de 9 ans souffre d’un trouble du spectre autistique, cette maman peine à trouver une aide psychologique.

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Cris de désespoir

« « Maman, je t’en supplie, fais que ça cesse ! Je veux que ça s’arrête ! » Ma fille est en larmes devant moi, sur le tapis, frappant son front de ses poings. Elle vient de déchirer un dessin splendide et de jeter sa boîte de feutres contre le mur, dans un accès de déception et de frustration. « Je me déteste. Je suis complètement ratée. Je n’aurais jamais dû naître. Si seulement je pouvais m’endormir et ne plus jamais me réveiller.” Ce sont des phrases que j’entends tous les jours, mais qui à chaque fois me fendent le cœur. Devant moi, je vois une petite fille magnifique qui hurle son désespoir. Une enfant que le monde extérieur voit comme une adorable petite fille, douée, drôle et joyeuse, mais qui mène un combat quotidien contre les pensées sombres qui sabotent son esprit. Un trouble du spectre autistique associé à une intelligence très élevée fait qu’elle remet sans cesse tout en question, à commencer par elle-même, et qu’elle retire peu de joies de son existence. »

« Nous faisons ce que nous pouvons, mais nous n’y arrivons pas seuls »

« Dans l’espoir de soulager sa douleur psychique, nous l’avons changée d’école, nous avons déménagé dans un endroit avec plus de verdure et moins de stimuli extérieurs et depuis un an, nous lui donnons aussi des anxiolytiques. Mais malgré tout cela, sa petite tête reste trop pleine et elle se considère comme “un problème”. Tous les jours, les yeux pleins de larmes, elle se demande ce qui cloche en elle, pourquoi elle ressent si peu de joie à vivre et pourquoi elle ne peut pas s’amuser comme ses copines, qui abordent la vie avec insouciance, comme toutes les petites filles de 9 ans devraient pouvoir le faire. En tant que parents, nous faisons de notre mieux pour répondre honnêtement à ses questions, pour la consoler quand elle pleure et pour encaisser ses cris de désespoir. Nous faisons ce que nous pouvons, mais nous n’y arrivons pas seuls. »

Sur listes d’attente

Les données collectées par les différents baromètres (notamment de Sciensano) et auprès des institutions de soin montrent que les demandes de soins de santé mentale ont augmenté, alors que les places d’accueil manquent pour le traitement des troubles psychiatriques généraux. Quant aux services d’accueil d’urgence psychiatrique, ils sont débordés.

« Il n’y a pas de place, il n’y a pas de temps.Tout ce qu’il y a, c’est une terrible pénurie de soignants »

« Ma fille a besoin d’un suivi psychologique intensif. Au début, quand nous avons reçu le diagnostic (elle avait 3 ans), ce n’était pas trop compliqué d’obtenir de l’aide. Mais au fur et à mesure qu’elle grandissait et que ses pensées devenaient plus destructrices, il a été de plus en plus difficile de trouver du soutien. Actuellement, le délai d’attente pour obtenir un premier rendez-vous chez un pédopsychiatre est d’un à deux ans. Avant, on stoppait les admissions, maintenant on stoppe même les listes d’attente. Les thérapeutes que j’ai en ligne après avoir beaucoup insisté me coupent la parole avant que j’aie commencé à esquisser la situation. Il n’y a pas de place, il n’y a pas de temps. Désolés. Tout ce qu’il y a, c’est une terrible pénurie de soignants. Et les parents comme nous sont abandonnés à leur sort. »

Les autorités ne sont pourtant pas sourdes aux signaux d’alarme lancés par la recherche scientifique, comme l’étude de Sciensano. Dans le cours de l’année 2021, le gouvernement a déjà décidé d’investir plus dans le secteur de la santé mentale. Il a été question d’abaisser le prix d’une consultation chez le psychologue, mais finalement, le projet n’a jamais dépassé la phase test et ne concernerait pas tous les psychothérapeutes. Quoi qu’il en soit, le nombre de consultations psychologiques a quadruplé, pesant encore plus sur les délais d’attente déjà trop longs.

Et pour l’avenir?

« Ma fille a la chance d’être née dans une famille qui peut mettre toutes les chances de son côté. Tous les jours, je me bats comme une lionne pour lui prouver qu’il y a bel et bien un espoir. J’ai aménagé ma vie de manière à faire de son bien-être ma priorité. Parce que je peux me le permettre. Mais j’avoue que ça exige énormément de moi, et qu’il y a des moments où j’ai envie d’abandonner. Je n’ose pas imaginer comment ça se passe pour les enfants comme elle qui grandissent avec des parents qui n’ont pas de tissu social, moins de moyens financiers et une résilience mentale plus réduite... Je crains le moment de la puberté, quand les émotions de ma fille deviendront encore plus envahissantes. Car si on peut encore redresser un jeune arbrisseau qui pousse de travers, une fois que le tronc d’arbre est fermement enraciné dans le sol, il ne pliera plus. Qu’est-ce que j’aimerais pouvoir aider ma fille à pousser dans la bonne direction... Vers le soleil plutôt que vers la partie la plus sombre de la forêt. Mais chaque jour, chaque semaine, chaque mois qui passe, je crains que l’aide n’arrive trop tard. »

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