Témoignage: « J’ai tout fait pour que mon amie malade puisse partir en paix »

C’est dans le malheur que l’on reconnaît les amis. Et quand ce malheur prend la forme d’une maladie incurable, il faut espérer qu’ils soient en or. Anne (42 ans) a tout fait pour qu’Anne-Michèle (43 ans) puisse profiter pleinement de la vie et partir en paix.

Le témoignage d’Anne

« Nous avons tout de suite su que la maladie d’Anne-Michèle était incurable. Mais je n’ai pas beaucoup utilisé ce mot. C’était délibéré, car je trouvais qu’il n’était pas nécessaire de le lui rappeler constamment. Nous ne voulions pas cacher sa maladie, au contraire. Lorsque je me rendais chez elle — nous avions convenu de nous voir tous les quinze jours —, nous terminions souvent nos petites réunions par un selfie que nous postions sur les réseaux sociaux afin de montrer que nous nous soutenions et que la vie reprenait le dessus. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour qu’elle profite pleinement de notre amitié et de tout ce qu’elle aimait le plus dans la vie : ses deux fils (11 et 13 ans), pour lesquels elle s’inquiétait tant, son nouveau compagnon. On a ri, on a pleuré et on a parlé de tout. De nos peurs et de nos incertitudes. De l’avenir et aussi de la mort.

« Quand elle m’a annoncé qu’elle était atteinte d’un cancer et qu’il ne lui restait que quelques mois à vivre, je me suis littéralement effondrée. Je ne pouvais pas et ne voulais pas le croire »

En 2020, on lui a annoncé qu’elle avait un cancer du poumon et de l’intestin. Elle avait 42 ans et était pleine de vie. Anne-Michèle était divorcée. Elle en avait beaucoup souffert, mais avait repris le dessus. Elle vivait pour ses deux fils, son nouveau petit ami et son travail. Elle était professeure d’anglais dans un lycée. C’est d’ailleurs là que nous nous sommes rencontrées, lorsque j’ai déménagé en Wallonie en 2003 et que je suis également devenue professeure. Lors de la journée portes ouvertes organisée par l’école, elle m’a accueillie à bras ouverts. Le courant est tout de suite passé. Nous sommes devenues les meilleures amies, même en dehors de l’école. Quand elle m’a annoncé qu’elle était atteinte d’un cancer et qu’il ne lui restait que quelques mois à vivre, je me suis littéralement effondrée. Je ne pouvais pas et ne voulais pas le croire. Mais j’ai pris la décision de ne pas me morfondre. Que ce soit pour elle ou pour moi.

Ne pas se morfondre

J’ai décidé de tout faire pour que le temps qui lui reste soit aussi agréable que possible. Je voulais tout le temps être là pour elle, mais je me demandais constamment si j’en faisais assez. Heureusement, nous avons pu en discuter. Elle m’a toujours rassurée, elle m’a redonné confiance. Pendant ce temps, j’ai mobilisé nos collègues afin qu’Anne-Michèle reçoive chaque jour un peu de soutien, que ce soit sous forme de cartes, de fleurs ou de messages vidéo. J’avais l’impression d’être utile et cela semblait lui convenir. Si c’est ce dont j’avais besoin pour me sentir mieux, c’était bon pour elle, me répétait-elle.
La dernière fois que je l’ai vue à la maison, elle était sous oxygène. Elle ne pouvait pas faire plus de deux pas sans être à bout de souffle. Ses poumons la lâchaient. Elle est entrée à l’hôpital quelques jours plus tard, nous faisions des appels vidéo tous les jours. Les règles Covid étaient toujours d’application, nous n’avions pas le droit de lui rendre visite.

« Elle m’a demandé de ne pas me laisser envahir par le chagrin quand elle serait partie, de ne pas m’isoler, mais de partir pour mes missions. De me battre pour les choses auxquelles je croyais »

Elle m’a demandé de ne pas me laisser envahir par le chagrin quand elle serait partie, de ne pas m’isoler, mais de partir pour mes missions. De me battre pour les choses aux- quelles je croyais. J’ai été adoptée en Inde et j’ai finalement entrepris ce voyage pour me retrouver et découvrir mes racines. Elle savait à quel point ce voyage était important pour moi et elle ne voulait pas que je le repousse sous prétexte qu’elle allait mourir. Ma vie continue, même si la sienne s’arrête, c’est ce qu’elle me répétait. Elle est décédée trois semaines plus tard. Elle avait 43 ans. J’ai manqué de confiance en moi toute ma vie. Mais grâce à Anne-Michèle, j’ai enfin commencé à croire en moi. Je lui en serai toujours reconnaissante. Je ressens encore la puissance de ses mots : “Reste forte. Fais-leur se demander comment tu fais pour toujours sourire. On ne peut pas tuer l’esprit vif des battants.” »

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