Ma vie avec la Tourette: « Les gens ont peu de sympathie pour les personne avec un cerveau différent »

Un raclement de gorge, un balancement des jambes, une mèche que l’on replace sans cesse… Le syndrôme de Gilles de la Tourette a de nombreux visages. Nos témoins les ont reconnus chez eux. Camille, 28 ans et étudiante dans le social, souffre d’une forme ténue de Gilles de la Tourette, avec un léger trouble du spectre autistique. Par Hanne Vlogaert.

« Je ne sais pas s’il s’agissait des premiers signes du syndrome de Gilles de la Tourette ou plutôt des conséquences de mon autisme, mais je me souviens que, dès l’enfance, je ressentais le besoin de répéter sans cesse certaines actions : je marchais toujours de la même manière sur le bord du tapis du salon ou je touchais constamment certains objets. Plus tard, ces pulsions sont devenues vocales : je devais répéter encore et encore certains mots à voix haute, comme “Pythagore” ou “Jingle Bells”. Ne me demandez pas pourquoi je restais bloquée sur ces deux-là (rires).

« Mes tics étaient presque devenus invisibles »

Très vite, j’ai appris à réprimer ce besoin de faire ou de dire certaines choses. À l’âge de 6 ou 7 ans, j’ai lu un article expliquant comment les moines bouddhistes entraînaient leur corps et leur esprit à ne pas se laisser submerger par les sensations. Cela m’a inspirée et j’ai tenté de les imiter. Je n’ai bientôt plus eu besoin d’exécuter les actions que mon cerveau voulait m’imposer – élever la voix ou chipoter frénétiquement mon stylo en classe –, il me suffisait de les imaginer. Mes tics étaient presque devenus invisibles pour mes camarades de classe, mais c’était au prix de gros efforts qui me coûtaient beaucoup d’énergie. Pendant des heures, je restais cloîtrée dans ma tête pour essayer de me contrôler. Du coup, j’avais souvent du mal à suivre les cours.

Mes tics sont plus sévères lorsque je fais face à une situation excitante, mais qui suscite du stress.

Ce n’est que lorsque j’ai vu un documentaire sur le syndrome de Gilles de la Tourette, il y a trois ans, que le déclic a eu lieu. Comme ces personnes atteintes, je répétais souvent les mots prononcés par les autres et je reproduisais leurs tics. C’est un phénomène connu : voir des tics en engendre de nouveaux. Sur les conseils de mon thérapeute, j’ai consulté un neurologue qui a confirmé mes soupçons. Mes tics sont plus sévères lorsque je fais face à une situation excitante mais qui suscite du stress. Par exemple, j’ai donné une interview sur la maladie à la télévision, cela a évidemment déclenché une crise (rires).

Le plus difficile quand on vit avec un trouble du spectre autistique et la Tourette ? Les gens ont peu de sympathie quand ils rencontrent une personne dotée d’un cerveau qui fonctionne autrement. Ma neurodivergence me permet de traiter les informations de manière très large et très détaillée, ce qui me permet de faire des liens et des connexions qui pourraient échapper à d’autres. Mais du coup, je suis facilement surstimulée et il me faut plus de temps pour traiter la même quantité d’infos. Comme les tics imposés par le syndrome de Gilles de la Tourette sont aussi des stimuli, je m’épuise rapidement. J’ai besoin de plus de temps pour récupérer, ce qui rend le travail à temps plein difficile.

Les gens ne s’attendent pas à ce qu’à 28 ans, je ressente une telle fatigue : cela m’expose régulièrement à des préjugés. On me traite de paresseuse, on me dit que je ne fais pas assez d’efforts. Ou j’irrite les gens parce qu’il y a “toujours quelque chose qui ne va pas chez moi”. C’est dommage, car comme tout le monde, j’ai vraiment beaucoup à offrir. J’ai des qualités spécifiques qui peuvent contribuer au développement de la société. Et ce n’est pas parce que cette contribution se présente sous une forme légèrement différente qu’elle est inutile. »

Retrouvez ce dossier en intégralité dans le GAEL de septembre, disponible en librairie.

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