Ses débuts, ses moments de doute: les confidences d’Eric-Emmanuel Schmitt

Les enfants l’étudient à l’école, les adultes le lisent dans le métro, il est traduit dans 46 langues et joué dans les théâtres du monde entier. Impossible d’ignorer qui est Éric-Emmanuel Schmitt. Et pourtant, l’homme chauve et souriant derrière les photos reste un mystère à percer. Interview: Paloma de Boismorel. Photo: Filip Van Roe.

Quel roman vous a donné envie de lire ?

Ma sœur me prenait sur ses genoux pour me lire des histoires. Un jour, j’avais un peu plus de 4 ans, elle me lisait Tintin et le Lotus bleu et je lui ai dit qu’elle s’était trompée en lisant une bulle. Au lieu de me féliciter parce que je savais lire, elle s’est énervée en me disant que je lui faisais perdre son temps et qu’elle ne me lirait plus jamais rien. Comme je suis un affectif, j’avais envie que ce soit ma grande sœur qui me lise des livres et je les ai boudés. On m’a forcé à lire les Oui-oui et la Bibliothèque rose, mais très sincèrement, je trouvais ça débile. Et puis à 8 ans, on a emménagé dans une maison en pleine nature et je me suis retrouvé radicalement seul. Dans la bibliothèque de mon père, j’ai sorti un livre dont la couverture était belle. C’était Les Trois Mousquetaires...

Quel roman vous a donné envie d’écrire ?

Le Petit Prince, que j’ai lu au même âge. J’étais bouleversé par cette histoire, même si aujourd’hui je comprends autre chose. C’est ça un livre riche, c’est inépuisable. L’intelligence et les émotions sont au même niveau et c’est toujours ce que j’essaie de faire dans mes livres alors que je suis un intellectuel de formation et que j’aurais pu fuir l’émotion ou m’en débarrasser. Une vie est tissée de grandes émotions et si on s’éloigne d’elles, on passe à côté de soi et de sa vie.

« Je sais que vous n’allez pas me croire, mais je me bats continuellement contre une forme d’oisiveté. »

Cela doit être difficile, en tant qu’auteur connu, de répondre aux sollicitations de chacun...

J’ai toujours eu peur moi-même de manifester de l’indifférence aux autres en étant préoccupé ou perdu dans mes pensées. Je la déteste chez les autres, mais je la traque chez moi aussi, même si je pense que parfois, il est impossible d’y échapper.

Qu’est-ce qui vous agace chez vous ?

Je sais que vous n’allez pas me croire, mais je me bats continuellement contre une forme d’oisiveté.

En effet, j’ai du mal à y croire...

Je sais que je fais facilement les choses, c’est d’ailleurs pour ça que j’arrive à en faire autant. Parfois, je peux me contenter de faire les choses vite alors que je pourrais
les faire mieux en y consacrant plus de temps. Ma facilité crée une forme de paresse. Ma mère y était d’ailleurs très sensible parce que c’est apparu très tôt.

« Une fois que j’ai lancé mon roman et que je dois juste tirer le fil de la bobine, je peux écrire partout. »

Est-ce que vous avez l’impression d’avoir progressé dans l’écriture ?

Non, parce que c’est une illusion. Il y a certaines pages que j’ai écrites et je ne ferais pas mieux aujourd’hui. Certaines heures, on a la grâce et quand on relit on se dit waouh, mais ça n’arrive pas tout le temps et on est donc forcé d’écrire aussi des pages qui ont moins de grâce. Celles-ci, je sais mieux les retravailler qu’avant, j’arrive mieux à homogénéiser mes textes.

Qui vous lit en premier ?

Ce sont mes amis, parce que c’est à eux que je m’adresse. Je suis à un moment de ma vie où je pourrais douter de la véracité de ce que me disent les professionnels à cause du poids économique ou littéraire que je représente. Qui, dans une maison d’édition, va me dire la vérité ? La pression que je fais peser sur mes amis est extrêmement forte. Ils me disent : « Tu te rends compte, tu as vendu 22 millions de livres, tu es traduit dans le monde entier, tu es un poids lourd de la littérature, et tu nous demande notre avis, nous qui faisons tout à fait autre chose ? » Mais ce sont de vrais gens, comme les lecteurs.

Où et quand écrivez-vous en général ?

Une fois que j’ai lancé mon roman et que je dois juste tirer le fil de la bobine, je peux écrire partout. À ce moment-là, le livre continue de se dérouler dans ma tête et je suis comme un somnambule. Mes proches me disent souvent qu’ils me retrouvent quand j’ai fini l’écriture d’un livre.

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