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Moqueries, sexisme & fans hardcore : Jill revient sur son passage à la Star Ac

Aujourd’hui à la tête d’une tribu recomposée et maîtresse d’un chat sans poils star des réseaux sociaux, elle n’était que « la Belge de la Star Ac » à une période de sa vie que notre prisme post-#metoo rend hallucinante. Désormais, plus de 2 millions d’abonnés la followent les yeux fermés pour leur dose quotidienne d’humour et d’amour. Par Florence Hainaut. Photos: Luc Praet.

En 2005, un épisode qui a tout changé, tu as fait partie du casting de la saison 5 de la Star Academy en France.

Ils m’avaient repérée dans Pour la gloire. Mais on hésitait. J’avais 17 ans, je n’avais pas fini l’école. La production a dit que c’était la chance de ma vie, et quelque part, je ne serais pas là où je suis si je ne n’avais pas fait la Star Ac.

Et ça ne s’est pas bien passé. Tu as été confrontée à des comportements sexistes de la part de la production de l’émission.

Déjà avant d’intégrer l’émission, j’ai rencontré une psychologue qui a dressé mon profil et vérifié si j’étais capable de vivre cette expérience. A posteriori, je pense que c’était une manière de voir ce qui pouvait être exploité chez moi, quelles étaient mes failles. Elle m’a demandé si j’étais vierge, mon rapport à la sexualité. Je trouvais ça louche, mais comme elle était psy, j’ai répondu. Ça a cloché dès le premier prime. Dans la vidéo qui me présentait, il était dit : « Jill est partie seule un an à New York pour bosser comme mannequin. » C’était totalement faux. Je pense qu’ils ont voulu faire de moi la biche de l’émission. Sur les directs, j’avais toujours des minijupes. Dans le château, je m’habillais en jogging et je me faisais rabrouer par la directrice qui me disait d’être plus sexy.

Je me suis retrouvée sur des plateaux où on me posait des questions horribles, ultra-sexuelles, où je recevais des remarques dégradantes. Puis tout s’est terminé. Je n’ai plus eu aucune nouvelle de personne, j’étais seule

Tu as dit dans une interview : « Je suis, aujourd’hui encore, offusquée par la manière dont j’ai été traitée à l’âge que j’avais. »

Quand j’ai été éliminée, on m’a mise dans un taxi et on m’a envoyée dans une boîte de nuit sur les Champs-Élysées, c’était le deal avec l’émission, apparemment. J’étais une gamine, j’étais perdue. Puis on m’a renvoyée à l’hôtel avec un planning des interviews pour les jours à venir. Personne ne m’a accompagnée, je n’avais pas d’attachée de presse, je n’ai reçu aucun conseil. Je n’avais jamais donné d’interview. Je me suis retrouvée sur des plateaux où on me posait des questions horribles, ultra-sexuelles, où je recevais des remarques dégradantes. Puis tout s’est terminé. Je n’ai plus eu aucune nouvelle de personne, j’étais seule.

Tu es rentrée chez toi. Et tu as découvert que tout avait changé.

C’étaient les débuts de ce type d’émission, il faut se replacer dans le contexte. J’étais la seule Belge, j’étais en couverture de tous les magazines. J’ai connu les fans hardcore qui me suivaient partout. Je ne pouvais plus sortir de chez moi, ça provoquait des mouvements de foule. C’était horrible parce que fondamentalement, je n’étais personne. Et moi, je voulais juste retourner à ma vie normale.

Un matin, alors que j’allais travailler, des filles m’ont suivie, insultée et tabassée. J’ai fini à l’hôpital. Le lendemain, j’ai avalé la boîte d’anxiolytiques qu’on m’avait donnée pour tenir le choc. Je ne voulais pas mourir, mais j’avais besoin d’aide.

J’ai voulu reprendre ma scolarité. Vu mes difficultés, je devais aller dans une école professionnelle. Quand je suis allée la visiter, des élèves m’ont fait le signe du couteau sous la gorge. Donc je ne suis pas retournée à l’école. J’ai voulu continuer à bosser comme mannequin, mais plus personne ne voulait être associé à une fille de la téléréalité. Pendant un an, j’ai perdu mon identité, j’étais « la Star Ac » ou « la fille de la Star Ac », je n’étais que ça.

Les choses sont allées encore plus loin...

J’ai complètement perdu pied. J’ai fugué et je suis allée vivre chez mon petit copain. Je passais mon temps en boîte de nuit, c’est comme ça que je gagnais ma vie. Les boîtes me payaient pour que je vienne. J’étais crevée, tout ce qui m’entourait était toxique. J’essayais de me sortir de ça, c’est là que je suis allée bosser pour mon grand-père et que j’ai tenu le stand Clarins à l’Inno. Et là, j’ai vécu un enfer. Tout le monde me reconnaissait, les écoles de la ville défilaient devant mon stand, on me crachait dessus, on me touchait. J’étais un singe dans une cage. Un matin, alors que j’allais travailler, des filles m’ont suivie, insultée et tabassée. J’ai fini à l’hôpital. Le lendemain, j’ai avalé la boîte d’anxiolytiques qu’on m’avait donnée pour tenir le choc. Je ne voulais pas mourir, mais j’avais besoin d’aide.

Ta mère t’a récupérée et a décidé de prendre les choses en main.

Elle m’a dit : « Soit je te mets dans un centre pour jeunes, soit c’est le service psychiatrie de l’hôpital. » Et je ne voulais pas être avec des jeunes, ça me terrifiait, donc j’ai passé un mois à l’hôpital, le temps de reprendre mes esprits. Et ça m’a fait un bien fou, même si l’environnement n’était pas génial. Je suis sortie de là, j’ai pris mon petit appart et j’ai continué à bosser.

Ça a cassé quelque chose aussi, ton envie de base : chanter.

Oui, je n’ai plus du tout voulu chanter, j’avais perdu toute confiance en moi. J’avais été tellement dézinguée. Raphaëlle Ricci, la prof d’expression scénique, me disait que j’étais nulle et que j’étais juste bonne à présenter la météo. Alors déjà, je suis devenue speakerine ! Puis présenter la météo, c’est super cool. Mais comment une adulte peut-elle dire ça à une jeune fille en pleine construction ? Comment veux-tu aller chanter sur un prime après ça ?

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