Diane Kruger: « Je n’ai plus l’âge de jouer les jeunes premières »

L’actrice allemande électrise In the Fade, un drame coup de poing lui ayant valu le prix d’interprétation à Cannes. Un film, nous a-t-elle confié, qui l’a profondément changée.
Par Juliette Goudot.

Il y a des rôles qui changent une carrière. La performance de Diane Kruger dans la peau de Katja, une femme allemande qui va devoir survivre à la mort son homme et son fils visés par un attentat, est de ceux-là. Dévastée, vengeresse, totalement à nu, l’actrice de 41 ans habite chaque plan d’In the Fade, thriller halluciné du cinéaste germano-turc Fatih Akin, nominé dans la catégorie meilleur film étranger aux prochains Golden Globes — l’antichambre des Oscars. Tiré d’une histoire vraie (un attentat néo-nazi qui a ébranlé l’Allemagne des années 1990), le film a été réécrit pour elle. C’est depuis New-York, où elle vit désormais, que Diane nous a raconté ce film qui a changé sa vie. L’actrice allemande (ayant grandi à la campagne, naturalisée américaine, mais qui débuté sa carrière en France) a ce léger accent qui la rapproche de Romy Schneider, la gouaille parisienne en plus. Mariée cinq ans avec l’acteur Guillaume Canet (qu’elle pousse à réaliser son premier film, Mon Idole, et resté pour elle «un très bon souvenir»), l’ex-mannequin devenue actrice après un rêve de danse brisé s’est taillé une voie vers le cinéma international, naviguant tranquillement de Quentin Tarantino à Jaco Van Dormael. Avec In the Fade (d’après un titre du groupe punk rock Queens of the Stone Age qui signe la musique du film), l’actrice a trouvé un rôle qui lui colle à la peau, au point de se faire tatouer pour de vrai une ancre de Hambourg lorsque le film est sélectionné au dernier festival de Cannes en mai dernier. Retour sur une année charnière.

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C’est le premier film que vous tournez en langue allemande. Était-ce important pour vous de tourner enfin dans votre langue maternelle?

« Complètement. Cela faisait longtemps que j’attendais ça. Mais j’ai quitté l’Allemagne il y a vingt-cinq ans et rien ne venait; je n’y croyais plus. J’ai donc pris la décision d’aller moi-même parler à Fatih Akin lors d’un festival. J’adorais son film Head-on (Ours d’or à Berlin en 2004, NDLR), je voulais tourner avec lui et en allemand. Même si je ne pourrais plus vivre en Allemagne aujourd’hui, mes racines sont allemandes, je parle allemand toutes les semaines avec ma mère, c’est ma culture. En fait, le personnage de Katja était déjà complètement en moi, il était là. »

Ça vous a manqué l’Allemagne?

« Non, car j’y vais une ou deux fois par an quand même. L’Allemagne, ça reste chez moi, c’est l’endroit où je vote, mais aujourd’hui, ma place est en France ou aux États-Unis. »

« Je me sentais responsable de montrer la vie et la douleur des survivants au plus juste »

Vous interprétez une femme victime de terrorisme. Comment avez-vous assumé cette responsabilité?

« Je me suis préparée pendant six mois, ce qui est beaucoup pour un rôle. J’ai rencontré de nombreuses familles victimes de terrorisme ou de crimes très violents. Ces histoires m’ont fortement hantée et cela pèse encore aujourd’hui tant l’empathie que j’avais pour Katja était forte. Je peux dire que le film a changé la personne je suis. Des attentats arrivent tous les jours, quand le film était à Cannes, les attentats de Manchester ont eu lieu, suivis à quelques jours près par des attentats dans un bus en Égypte. Quand ces événements arrivent, on ne parle plus que de chiffres et de nombres de morts. Avec ce film, on voulait parler des gens qui restent derrière, des traces que ça laisse et de comment on fait pour survivre, pour continuer. Quand on voit ça à travers un écran, on est blindé par les images, mais en réalité ces gens sont brisés, vidés par ces épreuves. Parfois c’est étrange de promouvoir un film qui dénonce cette réalité de plus en plus présente. Mais ce qui m’a vraiment attirée dans le rôle, c’est le travail de deuil qui peut nous toucher tous. Chacun travaille le deuil différemment. Je me sentais responsable de montrer la vie et la douleur des survivants au plus juste. »

Comment avez-vous trouvé la bonne distance pour aborder la douleur de votre personnage?

« Je n’ai pas réussi à avoir cette distance, ça n’était juste pas possible. C’est d’ailleurs la première fois que ça m’arrive pour un rôle. Peut-être parce que j’ai aussi perdu deux proches pendant le tournage, mon beau-père et ma grand-mère, et je pense que je me suis un peu noyée dans cette douleur, sans m’en protéger. Et puis j’étais de chaque plan, je tournais tous les jours, je ne pouvais pas décrocher de ce truc-là. J’ai mis plusieurs mois à m’en sortir avant de recommencer à travailler. »

Le Prix d’interprétation à Cannes, ça a changé quoi pour vous?

« C’est surtout pour le film que c’est important – ça donne une visibilité, ça permet au film de voyager et de toucher plus de gens. L’écho de Cannes est très important dans le cinéma. »

« J’ai beaucoup aimé jouer les ingénues, mais je n’ai plus l’âge des jeunes premières. »

Vos rôles sont de plus en plus forts: l’âge est-il un atout?

« Je pense que pour un acteur ou une actrice, il n’y a que l’âge et l’expérience qui comptent pour nourrir vos rôles. J’ai beaucoup aimé jouer les ingénues, mais je n’ai plus l’âge des jeunes premières. Aujourd’hui, j’ai accès à plus de rôles et je trouve qu’en Europe, on a une certaine avance sur les États-Unis sur ce point. Quoique, les choses changent avec le renouveau des séries sur Netflix ou Amazon, qui offrent plus de rôles et plus de possibilités aux femmes. Les temps changent, les femmes sont de plus en plus fortes et n’attendent plus de plaire aux hommes pour trouver de l’audience. »

2017 est une année charnière à Hollywood. Comment vous positionnez-vous par rapport à cette libération de la parole concernant la place des femmes dans le cinéma depuis l’affaire Weinstein?

« Je pense que par rapport au sexisme ambiant, les choses changent vraiment. Et pas seulement à Hollywood, également dans le monde, dans la politique, à la télévision. Vous savez, quand j’ai débuté dans la mode, il y avait pire qu’Harvey Weinstein. Certains photographes étaient vraiment à éviter. Ce qui est important, c’est que les femmes prennent enfin le pouvoir sur leurs vies, leurs films, leurs carrières. Je ressens une solidarité très forte entre femmes, qu’il n’y avait pas avant à Hollywood. Ensemble, entre femmes, on est plus fortes, on peut être comme des sœurs. Vous voyez ce que je veux dire? »

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