Julien Doré: « Je suis un peu comme tout le monde : je ne sais pas »

Trois ans que Julien Doré s’est reconnecté à sa terre natale. Un changement de vie radical qui a influencé son dernier album, aimée, regard doux-amer bourré de fantaisie sur notre monde désaxé. Par Isabelle Blandiaux.

Terre Adorée

Nous retrouvons Julien Doré sur la terrasse d’un hôtel du centre de Bruxelles, avant le lockdown d’automne. Il vient de déjeuner avec Brice VDH, ami et réalisateur belge avec lequel il a passé une bonne partie de l’été dernier à mettre en images l’univers tendre, coloré, surréaliste de son 5e album, aimée. L’humilité à fleur de peau et le Sud dans la voix, l’artiste a ressenti le besoin de se recentrer en retournant vivre sur la terre de son enfance, dans les Cévennes. Une sorte de confinement volontaire avant la lettre, dans un repaire perdu au milieu de la nature, où Julien Doré vit entouré de ses chiens blancs, Simone et Jean-Marie, avec lesquels il s’offre même un « duo » sur le titre Waf. Il y savoure la solitude sans s’être transformé en ermite pour autant, privilégiant les relations vraies aux sourires de circonstance. Sur son disque aussi, il assume une parole plus authentique sur ses doutes et angoisses quant à l’avenir de la planète et la problématique lancinante des réfugiés, tout en enrobant ces thématiques plus sombres d’un cocon de tendresse infinie et d’une couche d’autodérision bien barrée. Écrites et enregistrées avant la pandémie, ses chansons semblent parfois prémonitoires (La Fièvre, La Bise, Nous...) ou prennent en tout cas une tonalité encore plus intense à la lumière de ce qu’est devenu notre quotidien. Rencontre avec un homme en chemin.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Te réinstaller dans le Sud, c’était pour toi adopter une position de repli pour mieux observer le monde, y voir plus clair ?

C’est comme une mise à distance de mes propres semblables. Paradoxalement, dans une forme d’isolement temporaire dans cet endroit où je vis, je n’ai jamais eu autant de personnes qui viennent me rendre visite quand la situation sanitaire le permet. Je suis effectivement tout seul à la campagne, dans une maison isolée. J’essaye d’y voir plus clair sur ce que je suis en tant qu’être humain sur cette planète. Chose que j’exprime aussi dans ma musique. Je suis un peu comme tout le monde : je ne sais pas. Mes chansons ne répondent pas aux questions que je pose. Surtout à une époque où beaucoup ont tendance à crier leur vérité au micro des radios et des télés. Dans cette vérité absolue où chacun doit avoir un avis sur tout, il y a une violence qui m’inquiète.

Elle ressemble à quoi, ta vie, là-bas ?

Je fais de la musique, je vois des amis, je bricole, je m’occupe de mon potager (il produit aussi de l’huile d’olive, NDLR), de mes chiens... C’est très simple et en même temps très intense, avec une autre énergie. Les journées passent très vite : été comme hiver, je vis dehors. Cela permet de reprendre conscience de la nature autour de soi mais aussi des moments du jour, avec des lumières différentes. On est sensibilisé aux choses beaucoup plus essentielles. Le téléphone, l’ordinateur ou même le poste de télévision ne sont plus du tout un automatisme.

« Il m’a fallu du temps pour savoir à nouveau de quelle sensibilité je pouvais être suffisamment habité pour écrire. »

Ce changement de vie s’est accompagné d’un changement d’approche pour ton 5e album, dans le son et les thématiques abordées...

J’ai toujours écrit mes chansons en fonction d’une urgence ressentie, d’émotions vives qui m’habitent. Auparavant, mes histoires d’amour déçues nourrissaient ma plume sur l’instant. Là, il m’a fallu du temps pour savoir à nouveau de quelle sensibilité je pouvais être suffisamment habité pour écrire. Il y a dans le lieu où je vis à présent un sas de décompression par rapport à mon époque et, en même temps, c’est un endroit dans lequel je peux me remettre en question sainement. Quand je me suis mis au piano, les premières choses intenses qui sont venues parlaient moins de moi et plus de mon regard sur notre temps. Il était important que je confie au coeur de mes chansons mon questionnement, mes doutes sur notre monde, tout en proposant aussi, visuellement et par des formules dans les textes, une poésie qui continue de nous faire voyager. Le clip de Barracuda II, en piano voix, dans un château abandonné, avec un choeur d’enfants, porte cette part d’imaginaire. Ce disque parle de transmission, de l’humain, de la part d’enfance qu’il nous reste et des enfants de demain.

Ton enfant intérieur à toi, il a l’air toujours bien présent...

Oui, ma part d’enfance est essentielle. Cela m’est encore plus apparu en ayant la chance de chanter avec les deux petites filles de mon pianiste sur certaines de mes chansons. On se comprend, on a un langage commun. Et puis, cet imaginaire est salvateur pour moi. Il continue de me porter, même si j’ai aussi des pensées plus sombres pour demain. Des idées que j’exprime également, parce que c’est important de ne pas masquer cette partie de la personne que je suis.

Découvrez cet entretien en intégralité dans le GAEL de janvier, disponible dès maintenant.

Goodbye, 2020: le GAEL de janvier est disponible!

LISEZ AUSSI:

 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu des partenaires

Contenu sponsorisé