Felicity Jones: « Il faut mener la lutte féministe main dans la main »

Dans Une femme d’exception, la gracieuse actrice incarne Ruth Bader Ginsburg, la Simone Veil américaine en lutte contre le sexisme outre-Atlantique. D’après Juliette Goudot.

Incarner RBG en plein mouvement #MeToo, est-ce un accomplissement en tant qu’actrice ?

Oui, car je partage les mêmes convictions que Ruth et j’ai souvent voulu explorer ces questions dans mon travail. Trouver un film dans lequel tout cela est si explicite était très particulier, et jouer quelqu’un que j’admire était un défi, ça me faisait un peu peur d’ailleurs ! Mais j’ai tant appris en incarnant sa vie.

Le film montre toutes les facettes de Ruth, femme, mère, avocate et militante : qu’avez- vous préféré jouer ?

La première chose était de rendre compte des attentes et des injonctions qui pesaient sur les femmes qui avaient une vie hors du foyer dans les années 50 et 60. On attendait de Ruth qu’elle soit une mère parfaite, aimante, mais c’était aussi une femme passionnée par sa carrière et elle n’était pas parfaite. Étrangement, Marty était meilleur qu’elle dans le rôle maternant. Dans tous les sens du terme, ce couple était rock’n’roll et brisait les stéréotypes de genre, mais mon rôle était de montrer la complexité de ces luttes internes. Ruth se battait sur tous les fronts.

« Je ressentais surtout un respect immense devant une femme de ce statut alors que nous vivions tout ce qui se passait. »

Vous incarnez Ruth des années 50 à 70. Avez-vous ressenti une libération de la femme à travers les vêtements ?

Oui. Les années 50, c’est encore l’injonction d’être la femme au foyer parfaite, il y en a des résidus chez Ruth dans sa manière de parler, de s’asseoir. Les années 60, c’est la contraception, il y a ensuite une révolution des genres dans les années 70, avec moins d’attentes sur l’apparence féminine. En pantalon, on peut respirer et être un individu. Les vêtements des années 50 étaient si inconfortables, il y avait encore des corsets, ça m’a rappelé les femmes de l’époque victorienne. J’étais en colère chaque matin en mettant le costume, il fallait d’abord permettre aux femmes de respirer, après on pouvait leur demander de changer le monde !

Comment étiez-vous sûre de pouvoir profondément incarner RBG, au-delà du mimétisme, de son phrasé particulier et de son style ?

Mes convictions sont alignées avec les siennes, mais je savais aussi que la seule qui peut jouer RBG, c’est RBG, j’ai donc dû lâcher beaucoup de choses. Je ressentais surtout un respect immense devant une femme de ce statut alors que nous vivions tout ce qui se passait. Entre #MeToo et le procès Kavanaugh (juge américain conservateur accusé d’agression sexuelle aux USA, NDLR), je n’avais jamais vu ça, j’ai pensé que le public voudrait voir ce film.

La relation entre Ruth et Marty est incroyablement équilibrée, notamment dans le partage des tâches domestiques. Comment décririez-vous ce couple atypique ?

Leur relation était révolutionnaire. Ils étaient complètement décalés par rapport aux normes leur époque. Pour les gens de la génération de mes grands-parents, la femme était à la cuisine pour s’occuper des enfants. Et puis Marty n’a jamais eu peur du succès de Ruth. Or, on voit souvent dans les médias que les relations des femmes de succès se brisent car leurs hommes ne le supportent pas, c’est trop pour leur ego. Ça donne de l’espoir ici de voir que Marty ne se sentait pas menacé par le succès de sa femme, car il avait une très profonde confiance en lui. C’est la clé.

L’idée du film est que les hommes et les femmes doivent mener la lutte féministe main dans la main. Le scénario montre en effet comme les hommes et les femmes peuvent travailler ensemble. Ruth s’est battue dans les premiers cas pour des femmes travaillant dans l’industrie militaire, où les stéréotypes de genre sont forts, mais également pour des hommes veufs devant s’occuper d’enfants et à qui on refusait des allocations. Le film montre à quel point Ruth a inspiré ceux qui étaient autour d’elle, son mari, sa fille. Le film porte sur un groupe de super-héros, je reste persuadée qu’on ne change pas les choses seul.

« Les plateaux sont dominés par les hommes depuis les débuts de l’industrie, construits sur l’idée de séparation des genres. »

Que reste-t-il à changer principalement, selon vous ?

L’égalité salariale n’est pas acquise, et il faut aussi que les hommes soient encouragés à leur travail à prendre des congés de paternité, c’est la clé du changement. RBG en parle beaucoup.

Que reste-t-il du sexisme dans le show-business ?

Les plateaux sont dominés par les hommes depuis les débuts de l’industrie, construits sur l’idée de séparation des genres. On est en train de voir comment s’adapter, avoir des bus avec des crèches pour les équipes de cinéma, rendre les lieux de travail plus faciles pour la famille, c’est ce en quoi je crois.

Ruth est avocate, vous êtes actrice : y a-t-il des similarités entre vos métiers ?

Absolument, l’avocat performe aussi à la cour, il doit connaître son texte. Mais comme n’importe quel bon acteur, il faut croire en ce que l’on dit. C’est comme ça que RBG a acquis une influence, grâce à ses convictions et à son intégrité. Elle ne se battait pas pour son intérêt personnel, mais pour le bien du pays. Elle aime l’Amérique et son message aux leaders du monde est aussi celui-ci : ne vous mettez pas plus haut que votre pays.

• UNE FEMME D’EXCEPTION (ON THE BASIS OF SEX), RÉALISÉ PAR MIMI LEDER, EN SALLES LE 6/3.

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