(c) Pierre-Ange Carlotti

Etienne Daho: « On peut tomber amoureux jusqu’à son dernier souffle »

Un 13e album décoiffant, traversé de part en part par l’iode breton, gorgé d’émotions, de sensualité, de beauté, de poésie. Etienne Daho ne vieillit pas, il irradie. Et réenchante notre époque par son énergie vitale communicative. Par Isabelle Blandiaux. 

Souffle de vie

Ava Gardner et Frank Sinatra tirant la nuit sur les étoiles. Au revolver, en plein désert. Cette image haute en fantaisie et en délire amoureux a nourri l’imaginaire prolifique d’Étienne Daho, conteur hors pair depuis plus de quatre décennies, qui s’ingénie à capturer des instants d’émotion et à les envoyer sur les ondes en chansons. Comme autant de petits bouts d’éternité, de poésie raffinée. Treizième album studio de l’artiste, Tirer la nuit sur les étoiles révèle une ampleur symphonique, un groove électrique, une profondeur soul, des chœurs chaleureux, une multitude de collaborateurs (son complice Jean-Louis Piérot qui coréalise, le groupe californien Unloved, le duo latin Italoconnection...) tout en offrant une évidence mélodique.

À 67 ans, Daho témoigne d’une vitalité peu commune et parvient à se connecter parfaitement à son époque, pour la bonne raison qu’il ne vit qu’au présent

À 67 ans, Daho témoigne d’une vitalité peu commune et parvient à se connecter parfaitement à son époque, pour la bonne raison qu’il ne vit qu’au présent. « J’ai besoin d’être dans une perpétuelle rencontre, artistique ou amicale », nous dit-il lorsque nous le rencontrons, d’une humeur radieuse. « J’embrasse ce qui est neuf sans arrêt, je suis perméable à l’air du temps. Tout le temps. Je ne suis pas du tout à dire que c’était mieux avant. Je n’ai aucune raison d’être mélancolique, parce que ma vie est meilleure aujourd’hui. Tout est bien mieux : ma musique, mon existence. Physiquement, c’est vrai qu’on change, mais c’est comme ça. »

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L’énergie vitale qui vous anime et qui habite votre dernier album, on la sent très forte. Quel est votre secret ?

Je crois que c’est quelque chose en soi, c’est difficile de l’expliquer. J’ai la chance aussi d’avoir le capital le plus important : une bonne santé. Et puis l’envie toujours, l’appétit pour ce que je fais. Et la chance que cela continue d’intéresser le public. Là, le fait que ça dure depuis 40 ans et que j’arrive à me connecter aux autres grâce aux chansons, c’est assez merveilleux. C’est quelque chose qui me fait me sentir très vivant, très privilégié.

Le son de tout l’album est vaste, donne un sentiment d’ouverture, de liberté, dans notre monde qui semble se refermer...

Oui, cela s’imposait. Je ne réfléchis pas. Je suis mon instinct, qui sait où aller. Je n’ai besoin de rien faire, en fait (rires). C’est un disque de vie, bourré d’oxygène.

Cette période de Covid, on l’a traversée au même rythme. Avec plus ou moins de facilités. Mais on a vécu collectivement cette espèce de mise à l’arrêt, de punition

Il sonne comme la célébration d’un retour frénétique à la vie, à un rythme encore plus accéléré après la pandémie, que vous abordez aussi sur Virus X et Respire.

Cette période de Covid, on l’a traversée au même rythme. Avec plus ou moins de facilités. Mais on a vécu collectivement cette espèce de mise à l’arrêt, de punition. J’écris sur ce qui me touche. Uniquement. Ce qui me traverse et nous traverse. On est tous entrés dans un monde très particulier. Très violent, très cloisonné.

Des premières notes de Tirer la nuit sur les étoiles, qui ouvre le disque, aux dernières de Roman inachevé, qui le referme, on entend le souffle de l’air marin. L’air de Saint-Malo, où se trouvent vos racines – même si vous êtes né à Oran.

Je suis breton d’adoption, j’y suis arrivé à l’âge de 8 ans. J’étais à Rennes, à 60 km de Saint-Malo. Donc c’est là que j’allais en vacances, l’été, en colonie ou, plus tard, à la fac, c’est là que je finissais les soirées arrosées, tout en continuant à les arroser, d’ailleurs (rires). C’est un lieu très familier pour moi. Et un lieu d’écriture, puisqu’il y a quand même deux albums que j’ai écrits là-bas (La notte, la notte et Tirer la nuit sur les étoiles, NDLR). Cela m’inspire beaucoup, je m’y sens bien. C’est comme retourner dans un endroit qui est sa base, son nid. Avec de longues balades sur la plage, la musique dans les oreilles.

Les artifices de la nuit sont aussi ce qui fait son charme. On peut tout à coup parler à des inconnus et leur raconter des choses très intimes.

Plus que tout le reste, l’amour est au cœur de l’album, ou plutôt la relation...

Oui, je pense que chaque rencontre est vraiment la plus belle aventure. C’est ce qui permet de rentrer en vous, de soigner des blessures, cela vous fait vous dépasser, sortir de votre cadre. Cela vous donne beaucoup d’envies, comme celle de tirer la nuit sur les étoiles. Une chose folle et excentrique, extrême. C’est drôle, parce que j’ai fait plein d’interviews avec les Québécois. Et tous m’ont demandé si on pouvait vraiment tomber amoureux à mon âge. Pour moi, c’est évident qu’on peut tomber amoureux jusqu’à son dernier souffle. C’est l’état d’être transporté par un regard, cela n’a pas d’âge, heureusement.

La nuit est très présente sur ce disque, dans le titre déjà. Pourquoi la nuit vous intéresse-t-elle autant depuis toujours, si on pense à l’album La notte, la notte il y a presque 40 ans ?

C’est un moment où les gens sont un peu plus authentiques, ils ont lâché leurs obligations de la matinée. Les masques tombent plus facilement. Enfin, peut-être. Parce que les artifices de la nuit sont aussi ce qui fait son charme. On peut tout à coup parler à des inconnus et leur raconter des choses très intimes. Parce qu’il n’y a plus de cadre et qu’on est dans une autre réalité.

Lisez cette rencontre en intégralité dans le GAEL de septembre, disponible en librairie.

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