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Stéphane Allix: « la mort n’existe pas, c’est un moment de passage où vous perdez connaissance »

Dans La mort n’existe pas, le journaliste et ancien reporter de guerre Stéphane Allix nous expose les conclusions troublantes d’une enquête personnelle menée depuis plus de 15 ans sur les frontières de la vie.

Si la mort n’existe pas, que se passe-t-il alors ?

Stéphane Allix: « D’après ce que j’ai pu observer et compiler en mélangeant à la fois mes enquêtes rationnelles et mes expériences personnelles, la mort est juste un moment de passage où vous perdez connaissance dans l’état de veille et vous reprenez connaissance dans le monde du rêve. Il n’y a pas de discontinuité dans votre sentiment d’exister, juste un moment de transition qui peut être confus. »

Quelle relation entretenez-vous avec vos morts ?

Stéphane Allix: « Comme avec des personnes qui sont parties pour un voyage très lointain. Ils ne sont plus là physiquement, il n’y a plus la même possibilité d’interagir avec eux, mais le lien d’amour perdure. »

Qu’est-ce que cette certitude change dans votre vie de tous les jours ?

Stéphane Allix: « Tout. Parce que j’ai découvert aussi, et c’est dit par différentes traditions spirituelles, que la séparation qui existe entre les êtres est une forme d’illusion. Ça change complètement le rapport à la morale, à l’éthique et le sens de la vie. »

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui vient de perdre un être cher ?

Stéphane Allix: « Prenez soin de vous et allez demander de l’aide. On a tendance dans notre société à minimiser l’impact de cette blessure psychologique. Et moi, le premier, après la mort de mon frère, je me suis dit que j’étais suffisamment costaud et que j’allais gérer. Sauf que quand vous vous cassez un bras, vous ne vous dites pas, je vais gérer, vous allez voir le médecin qui vous répare le bras, qui vous le met sous un plâtre. Le deuil, c’est pareil, ça vous casse quelque chose qui ne va pas se réparer tout seul comme par magie. Même si c’est notre maman très âgée qui s’en va et que c’est dans la continuité des choses, cela reste une déchirure et potentiellement une blessure émotionnelle. « 

Quelles que soient nos croyances, quelle que soit notre opinion sur l’après-vie ou pas d’après-vie, quelle que soit notre adhésion à une religion ou à une autre, il y a un processus de réinvention du lien qui doit se faire. Il ne s’agit pas de partir en psychanalyse pendant 15 ans mais de faire quelques séances avec quelqu’un dont c’est le métier de vous accompagner.

Vous avez écrit votre dernier livre en vous adressant à votre fille. Arrivez-vous à parler à votre entourage de votre travail sur la mort ?

Stéphane Allix: « Toutes les questions liées à la mort mettent mal à l’aise, on ne sait pas comment réagir et pour peu que ce qu’on a envie de dire autour de la mort dépasse un petit peu le cadre de ce qui semble normal, alors là, on part complètement dans la panique. On a un certain nombre d’idées préconçues et qui sont malheureusement très solides parce qu’elles ne sont jamais confrontées à des dialogues, à des échanges. Et moi, quand mon frère est mort je me suis rendu compte instinctivement qu’il fallait que je ne cache rien à ma fille, sans non plus l’abreuver de douleur et de tristesse.

Mais le jour où j’ai ramené le corps en France, elle était là, je l’ai prise sur mes genoux et je lui ai expliqué ce qui s’était passé. Et dans les années qui ont suivi, à certains moments clés, elle avait des questions et des émotions à exprimer. J’ai essayé de lui répondre à partir de ce que j’avais pu découvrir, à partir des entretiens que j’avais pu faire. Elle s’est intéressée à ces sujets et puis elle est à l’écoute des autres. Avant de se demander qu’est-ce qu’on doit dire en cas de deuil, on doit déjà écouter. L’écoute permet une libération d’espace extraordinaire. »

Avez-vous été tenté d’abandonner votre enquête ? Avez-vous eu des moments de découragement ?

Stéphane Allix: « On m’a parfois posé la question de savoir si le fait que j’enquête à cause de la mort de mon frère m’aurait rendu plus crédule parce que j’avais vraiment besoin d’y croire. C’est exactement l’inverse. Je dois à la mémoire de mon frère d’être extrêmement rigoureux, encore plus rigoureux que je le serais sur un autre sujet. J’enquête. Je suis là. Et quand j’ai été confronté aux frustrations inhérentes à la méthode scientifique et à ses limitations, je me suis tourné vers le chamanisme et d’autres approches qui permettent une autre relation au réel.

« Le chamanisme, ce n’est pas juste trois gars qui font des crises d’épilepsie et qui ramènent des délires. La littérature anthropologique et même les neurosciences aujourd’hui permette d’objectiver l’état de transe en montrant que cette tradition qui est peut-être la plus ancienne tradition spirituelle de l’humanité est un outil permettant d’accéder à d’autres niveaux de connaissance. « 

Elle permet de rapporter des informations utiles pour soigner sa communauté, pour trouver du gibier ou pour avoir une meilleure compréhension de l’environnement dans lequel on vit. J’ai donc utilisé deux chemins parallèles pour explorer cette question de la conscience. Un chemin très mental, très analytique, très en phase avec ma culture et ma formation de journaliste français. Et un autre chemin beaucoup plus mystérieux, beaucoup plus extraordinaire, qui est celui du chamanisme, et qui m’a permis de ressentir ce dont j’entendais parler, qui m’a permis de vivre moi-même une expérience de mort imminente, plusieurs même, qui m’a permis de voir de l’intérieur ce dont me parlaient les centaines de témoins que j’avais pu rencontrer. »

La quête du côté du chamanisme est-elle sans fin ?

Stéphane Allix:« Personnellement pour l’instant, elle est terminée et je n’éprouve pas forcément le besoin d’y revenir parce que ça a été un cheminement difficile, compliqué, parfois assez violent. Ce qu’on observe dans le cerveau qui est soumis à certains psychédéliques comme la psilocybine ou la DMT, c’est exactement similaire à ce qui se passe dans le cerveau quand on médite. Sauf que l’action du psychédélique est violente, brutale et irréversible, alors que l’action de la méditation s’installe tranquillement et elle développe quelque chose d’assez pérenne.

La méditation me permet de vivre parfois des expériences qui ne sont pas psychédéliques visuellement parlant, mais qui sont en termes d’intensité et de contact avec cette dimension fondamentale de la conscience aussi puissante que ce que je vivais en Amazonie. Et ça, c’est quelque chose que je cultive intérieurement au quotidien. C’est ça le vrai chemin spirituel. Ce livre résume 15 ans d’enquête. Aujourd’hui, je dirais que mon chemin de questionnement mental arrive effectivement à une forme de terme. Maintenant, je suis parti sur un autre cheminement. »

Quel est ce nouveau cheminement ?

Stéphane Allix: « D’essayer de vivre en cohérence avec ce que j’ai découvert. Si notre conscience fondamentale est infinie, si la vie ne se résume pas à notre existence terrestre, si la vie ne commence pas à notre naissance et ne se termine pas à notre mort, il y a quand même pas mal d’implications qui peuvent impacter notre existence au quotidien. »

Vous dites que vous méditez tous les jours, à quoi ressemblent ces méditations ?

Stéphane Allix: « Oui, il n’y a rien de plus simple en fait. C’est vraiment basique mais en même temps, ça peut être difficile. Moi, j’ai mis des années avant d’y arriver. Quand j’essaye de m’asseoir en tailleur, au bout de 20 minutes, la douleur me perturbe tellement que maintenant, je m’assieds sur une chaise. J’essaie d’avoir le dos droit, mais je m’adosse quand même. En fait, il faut oublier le corps. S’il y a des douleurs qui s’installent trop durablement, elles focalisent votre attention. Je sais qu’il y a des stages, notamment Vipassana, où là, le but, c’est de traverser justement ces douleurs mais moi, j’en ai un peu marre de me faire du mal. Je ne me suis pas ménagé et maintenant, j’ai envie de douceur. Je ferme les yeux et je ne me stresse pas parce que je commence à penser à plein de trucs, j’essaie juste de respirer dessus. Il faut trouver ses propres réglages.

Les méditations guidées de Fabrice Midal, par exemple, m’ont énormément aidé. Il faut trouver celles qui vous parlent le mieux. Philosophiquement, j’adhère vraiment à la vision de Fabrice qui ne voit pas la méditation comme un truc anti-stress. La méditation ne vous connecte pas à plus de bien-être, elle vous connecte à votre véritable être. Donc ça peut parfois être inconfortable, ça peut être parfois déstabilisant, mais c’est ça la spiritualité. C’est la liberté et le risque de la liberté. Et je trouve que Fabrice Midal incarne et défend ça. Il a un ancrage et un héritage qui lui vient de maîtres tibétains qui sont dans cette dimension spirituelle. Et pour moi, déspiritualiser la méditation, c’est presque un non-sens. Que ça nous fasse du bien, c’est cool, mais c’est un effet secondaire. Le premier bénéfice de la méditation, c’est de vous ancrer dans un chemin spirituel et de vous connecter à votre âme. »

  • LA MORT N’EXISTE PAS, 400 P, ÉD. HARPER-COLLINS.

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