Sepideh Farsi, (c)Getty

4 questions à Sepideh Farsi, réalisatrice de Put Your Soul on Your Hand and Walk  

À l’occasion d’une exposition au cinema Galeries à Bruxelles et de la sortie en salle de son film, nous avons interviewé la réalisatrice Sepideh Farsi. Par Juliette Goudot

Grand film politique, aussi déchirant que combatif,le documentaire de la cinéaste iranienne Sepideh Farsi Put Your Soul on Your Hand and Walk (littéralement Mets ton âme au creux de ta main et marche) tire son titre d’un poème de la photographe palestinienne Fatma (Fatem) Hassona, assassinée à Gaza le 16 avril 2025 à l’âge de 25 ans, alors que le film venait d’être sélectionné au festival de Cannes.

A distance, depuis Le Caire ou le Canada, la cinéaste filme sur son GSM ses conversations hachées avec la jeune photographe qui raconte, de l’intérieur, l’enfer de Gaza sous les assauts de l’armée israélienne. Un documentaire choc et nécessaire pour faire passer un message de paix, dont nous avons parlé avec la cinéaste à la mi-août alors qu’elle présentait son film aux Etats généraux du film documentaire de Lussas en Ardèche.

Comment avez-vous rencontrée Fatma (Fatem) Hassouna ?

Sepideh Farsi: Je cherchais des images pour documenter le génocide en cours à Gaza. J’étais au Caire et je pensais aller à Gaza en traversant depuis Rafah à la frontière, mais c’était très naïf de ma part. Au Caire j’avais des contacts avec des réfugiés palestiniens qui avaient quitté Gaza début avril 2024 (six mois après les massacres du 7 octobre Ndlr). Je suivais une fratrie palestinienne, deux frères et une sœur, tous trois étudiants en médecine. L’un des frères était particulièrement peiné de ne pouvoir rentrer. Quand il a su que je voulais aller à Gaza pour obtenir des images il m’a proposé de rencontrer Fatem comme nous l’appelions, une amie à lui photojournaliste à Gaza. Je me suis rendu compte dès le premier entretien avec Fatem que j’étais prête à la filmer. Dès la première conversation, j’ai compris qu’elle était quelqu’un de très spécial. Le lendemain, elle m’a envoyé des centaines de photos du Gaza dans lequel elle vivait, j’ai compris que je pouvais faire un film.

Dans le film vous dites que Fatem est comme « un miroir » pour vous, qui avez vécu la guerre en Iran. Ressentez-vous toujours cela ?

Sepideh Farsi: Les trajectoires sont uniques, aucune n’est comparable, mais il existe des dénominateurs communs. Comme Fatem, j’ai commencé par étudier la photographie très jeune, j’ai fait de la prison en Iran, puis j’ai été bloquée dans mon pays pour des raisons politiques. Je connais ce sentiment incomparable d’être enfermé dans son propre pays. Ces similitudes ont dû faciliter nos échanges, mais nos trajectoires diffèrent évidemment dans la tragédie finale de son existence.

À quelle nécessité répondait cette démarche ?

Sepideh Farsi: La nécessité de documenter la guerre, le génocide, la destruction. Fatem ne m’a jamais dit qu’elle ne voulait pas répondre à mes questions. Cette nécessité était aussi en elle, c’est ce pourquoi elle a donné sa vie. On a retrouvé des textes après son assassinat dans lesquels elle disait : « Je veux une mort bruyante, pas un entrefilet en fin de journal. » C’est quasi un texte testamentaire pour moi.

« À Gaza on espère et on meurt », dit Fatem dans le film. Votre film reste-t-il une manière d’espérer ?

Sepideh Farsi: Le mot « espoir » revêt plusieurs sens pour moi. Si dans « espoir », il y a celui de continuer à résister, la réponse est oui. S’il y a l’espoir de penser que la guerre puisse un jour finir, la réponse est oui. Si dans espoir on pense que le film peut sauver une vie, la réponse est non. Mon film n’a pas pu sauver Fatem. Pourtant j’y croyais, je voulais la faire sortir de cet enfer, mais je n’ai pas eu le temps. L’armée israélienne m’a précédée, mon film ne l’a pas sauvée. Ça casse l’espoir. Mais le but du film, qui était de partager et de faire circuler son message, est atteint. Le film va être vu dans dix pays, une quinzaine d’expositions de ses photographies se mettent en place (dont une à Bruxelles, voir plus bas, NDLR), un livre sort aux éditions Textuel. C’est extraordinaire pour une jeune photographe, mais sa mort y est pour quelque chose. De son vivant, on n’aurait pas eu la même attention. La mort transforme tout. Fatem est devenue une icône.

  • Exposition : Fatma Hassona The eye of Gaza, au cinema Galeries à Bruxelles à partir du 13/9.
  • A lire : Les yeux de Gaza, photographies de Fatma Hassona, réunies par Sepideh Farsi (en librairie le 24/9, éditions Textuel).
  • En salles le 24/9 : Put Your Soul on Your Hand and Walk, de Sepideh Farsi.

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