Témoignage: Regula, 38 ans, est ce qu’on appelle une « vieille âme »

Certains ne se sentent pas nés à la bonne époque ou paraissent depuis l’enfance plus âgés qu’en réalité. Regula, 38 ans — dans les faits — nous fait faire un voyage dans le temps de son esprit suranné. Par Jorik Leemans. Photo: Diego Franssens

Le témoignage de Régula, 38 ans

« J’ai vraiment la sensation d’être née à la mauvaise époque, même si la nôtre est de loin celle où l’on vit le mieux. Si j’avais vu le jour il y a deux ou trois siècles, je serais probablement déjà morte (rires). Mais d’une manière romantique, purement au niveau du ressenti, je sais que je ne suis pas à ma place ici. Par exemple, je me sens parfois très mal rien qu’en marchant dans la rue et que je vois ces splendides bâtiments complètement défigurés par des magasins modernes. Franchement, fallait-il vraiment faire ça ? Comment parler de progrès alors que l’apparence de nos villes est plus laide aujourd’hui qu’il y a cent ans ? Ça me rend triste quand je découvre des photos anciennes et que je les compare à ce que le monde moderne a fait.

En fait, je me suis toujours sentie comme ça, mais il m’a fallu du temps avant d’arriver à mettre des mots dessus. Enfant, dès que j’ai été capable de choisir, je ne voulais que des livres parlant d’histoire. Les robes des reines britanniques me faisaient rêver, les fêtes, les bâtisses élégantes... Je n’ai toujours voulu porter que des jupettes et des robes, comme à l’époque. L’apparence est importante. Quand je vois aujourd’hui tout le monde en jeans et en t-shirt, il me semble que la société a abandonné toute ambition de civilisation.

« Je n’ai jamais eu à me justifier sur mes choix vestimentaires auprès de mon entourage. »

Pendant ma jeunesse, je portais des robes noires victoriennes, j’étais comme une princesse toute de noir vêtue. À un moment donné, j’ai dû me résigner à chercher des choses plus faciles à porter au quotidien... Mais aujourd’hui, quand je vais dans un magasin, rien ne me va, puisque tout est fait pour les femmes sans seins ni hanches. Bref, pour des corps qui n’existent quasiment pas. Comme j’ai fait des études de mode, je sais que les vêtements des années 50 étaient coupés pour mettre en valeur le corps de la femme. Je n’ai jamais eu à me justifier sur mes choix vestimentaires auprès de mon entourage. Il faut dire que j’ai du répondant... Peut-être que personne n’a jamais osé me critiquer ? (Rires.) Adolescente, cela m’était bien égal de ne pas avoir la même coupe à la Jennifer Aniston que les autres. J’ai toujours trouvé ça positif, la différence.

« J’ai l’impression que ma vie est plus riche que celle de ceux qui n’accordent pas d’importance aux détails. »

Une vielle âme a la capacité de rêver. C’est quelqu’un qui cherche toujours la valeur ajoutée des choses. J’ai l’impression que ma vie est plus riche que celle de ceux qui n’accordent pas d’importance aux détails. Alors que la plupart des gens marchent dans la rue sans regarder le monde qui les entoure, je peux m’émerveiller devant une poignée porte qui a quelque chose de spécial ou un vitrail remarquable. Je me passionne aussi pour les cafés authentiques. Les vieux bistrots populaires disparaissent et je trouve cela tellement dommage ; il s’agit de notre patrimoine, aussi bien architectural que social. Ces endroits, dont la décoration n’a généralement pas changé depuis un demi-siècle, sont l’un des rares lieux où toutes les couches de la société peuvent se fréquenter. Comment peut-on détruire des endroits aussi beaux, où on a l’impression de pouvoir voyager dans le temps ? Qu’est-ce que ce serait bien, d’ailleurs, si on pouvait réellement voyager dans le temps... Je ne ferais certainement pas un city trip à Barcelone, comme tout le monde : j’irais dans l’Angleterre de 1920 ! »

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