Témoignage: « J’ai harcelé le même garçon pendant 3 ans »

Pour GAEL, une victime, une repentie et une maman inquiète pansent leurs plaies et montrent à quel point une situation de harcèlement peut marquer des vies. À jamais.

Eva nous livre son témoignage. À 34 ans, elle se rend compte qu’elle n’a pas toujours été la plus gentille des camarades.

Le témoignage d’Eva

« Enfant, j’avais une vilaine dentition. Les enfants de ma classe se moquaient de moi. Un jour, l’un d’eux m’a traité de lapin. Le jour suivant, en réplique aux moqueries, j’ai débarqué à l’école avec deux petites oreilles sur la tête, comme des oreilles de lapin. La fois où l’on m’a dit que je ressemblais à un garçon, je me suis coupé les cheveux très courts. Quoi qu’on me dise, j’en rajoutais une couche. Et ça calmait le jeu. J’étais forte et je m’attendais à ce que les autres sachent se défendre, comme moi. En quatrième secondaire, j’ai changé d’école. Très vite, j’ai trouvé une nouvelle bande de copains. Nous étions tous un peu étranges, le genre “ados zarbis”. Bien que très différents les uns des autres, nous nous soutenions énormément. J’imagine que c’est pour ça que Pierre voulait tellement entrer dans notre cercle.

« Nos “bons mots” avaient quelque chose de violent, j’en ai conscience aujourd’hui »

Il était un de ces élèves qui ont du mal à se faire de nouveaux amis. Plus il tentait de se rapprocher de nous, plus on avait envie de se moquer de lui. Avec le temps, on s’est mis à faire des remarques désobligeantes à son sujet. Même en sa présence. Nos “bons mots” avaient quelque chose de violent, j’en ai conscience aujourd’hui. Pierre avait un tic au niveau du visage. Une occasion rêvée pour inspirer d’autres “traits d’humour”. On s’est mis à l’imiter en public, devant tous les autres élèves. Quand il s’approchait, on partait dans la direction opposée. Le pire, c’est que nous avions l’impression d’avoir raison d’agir ainsi. Au sein de notre groupe, c’était presque devenu un signe d’appartenance. Pierre était très fermé. Il répliquait rarement. Et plus le temps passait, plus son tic s’intensifiait, preuve qu’il n’était pas indifférent à tout ça... Quand il a commencé à pleurer, ça nous a un peu calmés. Enfin, pendant un certain temps.

La rencontre

Quand on fait le compte, mes amis et moi nous sommes moqués de lui pendant pas moins de trois ans. Je pense que les gens ne se rendent souvent pas compte qu’ils se comportent en véritables harceleurs. Sur le moment, vous ne réalisez pas l’impact de votre attitude sur cette personne. Quelques années plus tard, j’ai rencontré Pierre dans la rue. J’ai eu besoin d’aller le voir pour lui dire combien j’étais désolée. En soi, c’est une attitude très égoïste, j’en suis consciente. Il n’avait peut-être pas du tout envie de repenser à ces années de souffrance. Quand je lui ai parlé, j’ai remarqué que son tic revenait presque automatiquement. Il était très nerveux. Je pouvais le voir à son regard.

« Si je pouvais parler à la fille de 16 ans que j’ai été, je lui dirais d’être moins cruelle. »

Nous avons discuté un peu et je me suis excusée. Il a dit qu’il était content que nous ayons eu cette conversation. Sa copine a également confirmé que ça avait eu un impact sur lui. Ces excuses n’ont pas tout balayé, bien sûr. Je me sens encore fort coupable, mais il me semblait tout de même important de reconnaître mes erreurs face à lui et pour moi-même. Ça m’a aidé à donner une place à toute cette culpabilité. Si je pouvais parler à la fille de 16 ans que j’ai été, je lui dirais d’être moins cruelle. Tout le monde est différent. Et aujourd’hui, je sais que c’est une bonne chose. »

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