Témoignage: “je pensais qu’avec un master et un job, je pourrais déménager de chez mes parents »
Avec la folie immobilière, déménager et quitter le nid parental est parfois difficile. Si tout le monde est heureux de profiter de l’autre un peu plus longtemps, il faut aussi réussir à cohabiter entre… adultes ! Le témoignage de Nikita, 26 ans. Par Marloes Zwagerman, avec la collaboration de Marie Aubin. Photos : Rebecca Fertinel.
Nikita n’imaginait pas qu’elle serait encore à la maison à 26 ans. Juliet (48 ans), elle, n’est pas prête à cesser de materner.
Le témoignage de Nikita
Nikita « Avec mon compagnon, nous avons visité plus de soixante maisons. Nous gagnons bien notre vie tous les deux, mais trouver quelque chose avec un PEB correct est compliqué. Et une grosse rénovation signifie qu’il faut prévoir encore plus.
J’ai réalisé tous les rêves de mes parents : j’ai un master et je travaille dans une boîte internationale. Mais je dois me débrouiller seule. Je pensais qu’après deux ans de travail et d’économies, je pourrais trouver un logement. Voilà un an que je cherche. Mes amies qui y sont arrivées ont reçu de l’argent de leurs parents. Maman a fait ce qu’elle a pu, mais elle n’a pas de réserves. Malheureusement, un passé d’immigration signifie moins de capital.
Avec mon compagnon, nous avons visité plus de soixante maisons. Nous gagnons bien notre vie tous les deux, mais trouver quelque chose avec un PEB correct est compliqué.
Plus j’avance en âge, plus j’ai envie d’être indépendante. Manger ce dont j’ai envie, par exemple. Et pour des tas de raisons pratiques aussi. J’ai notamment lancé une entreprise à côté de mon job à temps plein, Abena’s Sweets : je crée des gâteaux pour les mariages, baby showers et anniversaires. Le week-end, je commence à les fabriquer à 4 h du matin, pour que la cuisine soit libre à temps pour le reste de la maisonnée. Me lever aussi tôt est pesant. Mon copain trouve que je me complique la vie, mais j’accorde beaucoup d’importance à la fraîcheur de mes gâteaux.
Le grand avantage de la situation, c’est que j’ai pu faire des économies. J’arrive à mettre de côté plus de 60 % de mes revenus. Et ça a payé ! Nous venons de trouver une maison et nous emménageons cet été. Maman, mes sœurs et mon frère me manqueront, mais je me réjouis tellement. Je suis vraiment arrivée au bout de mon temps à la maison. »
La réaction de sa maman, Juliet
Juliet « Je n’ai pas à me faire de souci pour ma fille aînée tant qu’elle habite ici, puisque je la vois tous les jours. Sa sœur Venus, qui est en kot, je l’appelle parfois jusqu’à trois fois par jour. Je veux savoir si elle mange bien, si elle accorde assez de temps à ses études.
À mes yeux, 26 ans n’est pas un âge excessif pour être encore à la maison, mais je comprends que Nikita ait besoin d’indépendance. D’autant plus qu’ici, l’ambiance n’est pas de tout repos (rires) ! Et quand elle rentre du boulot, je dois parfois lui demander de l’aide pour les factures et les documents administratifs, parce que je ne maîtrise pas bien la langue. Ajoutez-y son business de gâteaux et, en effet, la vie n’est pas très reposante pour elle.
Je sais que Nikita aide autant qu’elle peut depuis qu’elle travaille à temps plein. Nous n’avons donc jamais discuté d’une participation financière. Je préfère que mes enfants se concentrent sur leurs études ou leur travail et prennent un bon départ dans la vie. C’est pour cela que je m’occupe de tout. Deux fois par jour, il y a un repas chaud qui attend mes enfants. J’achète tout ce dont ils ont besoin. Sinon, ils n’ont qu’à prendre ma carte bancaire, qui est toujours sur la table. C’est la manière africaine de penser, nous partageons tout. C’est pourquoi j’envoie aussi régulièrement de l’argent à ma famille au Ghana. C’est sûr, elle va me manquer. Heureusement, la solution est simple : elle sait que je vais l’appeler. Tous les jours. »
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