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Mon job toxique: « Le pire, c’était la culture de la dénonciation »

Les dirigeants exemplaires semblent être l’exception plutôt que la norme. Or, un management toxique peut causer des dégâts profonds chez les collaborateurs, aussi bien sur le plan professionnel que privé. Sonia panse encore ses plaies.

Le témoignage de Sonia

« Mon histoire en quelques mots : je travaillais dans le secteur de la santé depuis 20 ans lorsque j’ai senti que j’en avais assez. J’ai vu une offre d’emploi de guide dans la ville où je vis et que j’adore. L’histoire me fascine, alors j’ai tenté ma chance, j’ai décroché le poste et je n’en revenais pas. J’avais l’impression d’être payée pour mon hobby.

De job de rêve à cauchemar

Malheureusement, cinq mois plus tard, la crise de la Covid a éclaté. Mon contrat temporaire a expiré pendant un nouveau lockdown et n’a pas été renouvelé, ce qui est compréhensible. Je n’avais pas d’autre choix que de retourner dans le secteur des soins – ce que, à l’époque, je souhaitais, car les collègues avaient bien besoin d’aide.

Après le corona, j’ai vu une nouvelle offre d’emploi. Un employeur différent, mais le même descriptif de job. Enthousiaste, j’ai décidé de retenter ma chance. L’hôpital m’a informée que je ne devrais pas revenir une deuxième fois, mais ce n’était pas un problème : je voulais vraiment être guide. J’ai présenté ma démission. Deux semaines plus tard, la formation commençait. C’est là que commence la partie toxique de mon histoire.

Le premier avertissement

Mon père a des besoins mentaux ; je suis son aidante proche. Un rendez-vous important chez le notaire, auquel il ne pouvait pas se rendre seul, est tombé juste au cours de la première semaine de formation. Je devais partir une demi-heure plus tôt. J’ai envoyé un e-mail poli à C., l’employeur, avec les justificatifs du notaire et de la mutuelle, expliquant que le rendez-vous avait été fixé avant que je sois embauchée. Sa réponse a été sèche : “Veuillez reporter le rendez-vous.” Et d’ajouter : “Dans le cas précité, nous ne pouvons pas poursuivre votre recrutement.”

 
« Par la suite, les incidents se sont multipliés. À l’extérieur, C. prônait la convivialité et le service. En interne, c’était l’inverse. Il n’avait aucune considération pour l’émotion, aucune empathie ».

Une collègue fiévreuse a été priée de venir travailler. Une autre collègue, mère célibataire dont la petite fille était grippée, s’est vu refuser un congé social. Le pire, c’était la culture de la dénonciation. C. a fait comprendre qu’il était bon de lui signaler les irrégularités. L’ambiance entre collègues est tombée au-dessous de zéro. Personne n’osait plus rien dire. En ce qui me concerne, cela a fini par aboutir à mon licenciement.

Licenciée du jour au lendemain

Ce jour-là, je devais guider un bus de touristes français avec une jeune collègue. Elle avait un gros rhume et n’était manifestement pas dans son assiette. Je l’ai entendue s’en prendre à un homme. Elle s’est rendu compte que je l’avais vue et a peut-être eu peur que je le signale à C. La tension montait. Encore et encore… Dans l’après-midi, j’ai tiré une bouffée de ma e-cigarette.

Je savais que c’était interdit. Mais c’était l’heure de la pause et il n’y avait pas de touristes. Ma collègue l’a vu. Après le travail, elle s’est rendue directement chez C. Elle voulait peut-être me devancer, craignant que je dénonce son comportement inamical. Je n’avais pas l’intention de le faire, mais elle l’a fait. Le lendemain, j’étais en congé, et le surlendemain, le facteur m’apportait un courrier recommandé. De la part de C.

J’avais été sommairement licenciée : “Pour avoir mis en danger la sécurité des passagers.” Et aussi : “Le service et la convivialité sont nos plus grandes valeurs.” Je les avais “violées de manière flagrante”. De plus, comme il s’agissait d’un licenciement pour raisons impérieuses, ce serait inscrit sur mon C4, de sorte que je ne pourrais plus trouver du travail dans le secteur.

« J’ai appelé C., il n’était pas joignable. J’ai appelé cette collègue, qui ne répondait pas non plus au téléphone. Je n’étais même pas en colère contre elle, je me rendais compte qu’elle aussi n’était qu’une victime de l’atmosphère toxique qui régnait. »

Une autre collègue m’a dit qu’elle avait également fumé une fois au travail. Elle n’avait reçu qu’un avertissement et convenait qu’il y avait deux poids, deux mesures. Finalement, j’ai appelé le syndicat. Ce fut un autre choc : il s’est avéré que plusieurs plaintes avaient déjà été déposées contre C. Toutes pour leadership toxique.

Injustice

On m’a encouragée à porter plainte à mon tour, mais je ne sais pas encore si je le ferai. Ma première préoccupation est maintenant de trouver un nouvel emploi : je n’ai pas de revenus pour le moment, et le fait d’être licenciée pour raisons impérieuses ne facilitera pas les choses. Après tout cela, je me demande vraiment si les travailleurs ne peuvent pas être protégés d’une manière ou d’une autre contre les patrons toxiques. Si j’avais su qu’il y avait eu des plaintes contre C., je n’aurais pas abandonné mon emploi régulier, je ne me serais pas retrouvée dans cette situation. Pendant ce temps-là, il peut continuer à travailler. Je suis de tout coeur avec ses futurs employés.»

Retrouvez ce dossier en intégralité dans le GAEL de septembre, disponible en librairie.

Bien dans son job

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