Didier Van Cauwelaert : « Nos romans sont des multiplicateurs de rêves »

De nombreux best-sellers traduits en plus de trente langues rehaussés d’un Prix Goncourt, Didier Van Cauwelaert n’a jamais cessé d’explorer les frontières invisibles entre le réel et l’impossible. Par Nicky Depasse.

Ce mois-ci, nous vous proposons une rencontre avec Didier Van Cauwelaert. Cet écrivain au sourire contagieux et à la plume espiègle est un magicien des mots qui nous rappelle que le vrai miracle est de croire en eux.

Votre nouveau roman met en scène deux écrivains qui se voient retourner le manuscrit de l’autre par erreur. Est-ce une métaphore par rapport à votre écriture et l’identité littéraire ? 

Didier Van Cauwelaert: « Cela pourrait, mais au départ, il s’agit d’une situation vécue quand j’avais vingt ans. J’envoyais depuis tout jeune tous mes manuscrits aux éditeurs que je recevais de retour avec une lettre type disant qu’il ne correspondait pas à leur ligne éditoriale. Sauf qu’un jour, je reçois par erreur un manuscrit signé Anaïs Forge, intitulé “Je te tuerai dimanche prochain”. Je comprends qu’on a dû intervertir nos manuscrits par erreur et par curiosité, je commence à le lire. Fascination immédiate : je tombe amoureux. Mais de qui ? De l’héroïne ou de l’auteure, chez qui je ressens le même besoin que moi de s’exprimer et d’être publié. Ce livre est une bouteille à la mer, un appel au secours. Derrière cette histoire de couple parfait où dans la réalité le mari est un pervers narcissique dont la femme projette le meurtre pour se protéger, elle et ses filles, est-il une réalité racontée ? Cet appel est tellement fort que je prends ma voiture pour me rendre à l’adresse indiquée sur le manuscrit et je débarque, à l’improviste, en Haute Savoie dans le décor du roman. L’auteure ressemble comme deux gouttes d’eau à son personnage et le sentiment amoureux que j’ai développé durant ma lecture s’incarne de manière fulgurante.

Je comprends, de plus, qu’elle a lu mon texte de la même manière. Et quand j’entends une voix venir de la cuisine et demander “C’est pour moi ?”, “Non, non, chéri, c’est pour moi”, je comprends également qu’il y a un mari...

Je comprends, de plus, qu’elle a lu mon texte de la même manière. Et quand j’entends une voix venir de la cuisine et demander “C’est pour moi ?”, “Non, non, chéri, c’est pour moi”, je comprends également qu’il y a un mari. A l’étage, j’entends des cris d’enfants, les filles existent donc bien. Par conséquent, toute cette histoire est-elle vraie ? Le mari arrive, je lui explique avoir reçu un manuscrit par erreur et me rends compte qu’il ignorait que sa femme avait écrit un livre, encore moins qu’elle l’avait envoyé à un éditeur. Je me dis : quelle catastrophe je viens de déclencher, si le portrait de cet homme est vrai. Dans quoi ai-je mis les pieds ? Mais l’homme charmant, me propose de rester dîner en disant : “vous avez fait un long chemin pour rapporter ce livre. Mais au juste, de quoi parle le livre de ma femme ?”. Cette situation absolument intolérable mêlant le sentiment amoureux et l’incertitude absolue que j’ai connue, en partie, traîne tellement dans ma tête depuis une trentaine d’années que je me devais de la raconter un jour. » 

Dans quelle mesure croyez-vous au pouvoir des livres ? Peuvent-ils changer une vie ? 

Didier Van Cauwelaert: « Nos romans sont des révélateurs de nous-mêmes, des multiplicateurs de rêves : la densité de ce qui est créé ne demande qu’à avoir des répercussions dans la réalité, à travers déjà le regard de ceux qui le lisent. Notre imagination a-t-elle le pouvoir d’influencer la réalité est une question que se sont posée beaucoup d’auteurs, je pense. L’exemple le plus frappant est celui de mon grand ami Frédéric Dard quand il écrit un San Antonio où il imagine un romancier dont la fille est enlevée par un ravisseur qui s’est introduit chez lui au sein d’une équipe de télé. C’est exactement ce qui va lui arriver dans la réalité, jusqu’au montant de la rançon, alors que le manuscrit est toujours dans un tiroir. C’est un exemple limite mais ce genre de situation est également arrivé à André Breton ou encore à Oscar Wilde où, dans Le Portrait de Dorian Gray, il décrit avec exactitude Lord Alfred Douglas, l’homme qui va un jour provoquer sa perte, l’envoyer en prison. » 

Si vous deviez résumer L’impasse des rêves en une seule phrase destinée à convaincre une personne qui n’a jamais lu un de vos livres, que diriez-vous ? 

Didier Van Cauwelaert: « Plongez dans cette histoire qui deviendra la vôtre. Car j’écris toujours pour dialoguer avec mes lectrices et mes lecteurs. » 

  • L’IMPASSE DES RÊVES, DIDIER VAN CAUWELAERT, 228P., Ed. ALBIN MICHEL 

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