Son histoire, ses combats: rencontre avec notre guest Khadja Nin

Femme engagée, icône d’élégance, l’ex-chanteuse a le caractère très trempé. Sa confiance en elle, perceptible dans ses prises de parole militantes comme dans sa façon assumée de poser pour notre photographe, lui vient d’une sagesse précieuse : elle sait qui elle est. TEXTE ANNE-SOPHIE KERSTEN. PHOTOS : LAETIZIA BAZZONI

Pendant quinze ans, vous avez été ambassadrice de l’Unicef. Récemment, c’est au sujet des violences conjugales qu’on vous a entendue.

Comme je m’implique depuis six ans dans un projet sur les féminicides, je suis particulièrement sensible à l’effrayante augmentation des violences intrafamiliales. Je soutiens des associations belges qui demandent aux autorités un cadre fédéral pour gérer ces situations. Ces violences ont augmenté pendant le confinement, les familles ayant été cloîtrées et les victimes coincées avec leur agresseur.

Qu’est-ce qui vous pousse à soutenir cette cause ?

Je n’ai jamais subi aucune violence, mes parents ne m’ont jamais frappée, je ne me suis jamais battue... Mon moteur, ce sont les enfants qui grandissent en voyant leur maman violentée, insultée, soumise, contrôlée, apeurée. On ne peut pas laisser des enfants vivre dans ces conditions dans un pays comme la Belgique, en Europe, dans des pays de droit, de liberté, où il y a un cadre, des moyens.

Vous avez rencontré des victimes, à Liège...

Je me suis rendue dans l’une de ces maisons d’accueil où elles tentent de souffler. On les y aide à se reprendre en main, à retrouver confiance en elles. J’ai été frappée par leur jeunesse : leurs enfants les plus âgés avaient à peine 3 ans. On a beaucoup ri, beaucoup partagé, les larmes ont coulé. J’étais tellement sonnée qu’au retour, j’ai dû dormir une demi-heure sur le bord de l’autoroute. La charge émotionnelle était importante parce que j’ai voulu leur donner de la force.

Comment faites-vous cela ?

On arrive, on ne se connaît pas, on ne peut pas se toucher à cause de la Covid, on s’assoit autour d’une table. Chacune dit son nom, son âge, depuis combien de temps elle est là, si elle a des enfants. Pas plus. Je n’interroge personne sur sa situation personnelle, parce que je sais déjà. Ce sont toujours les mêmes schémas, quel que soit le milieu social, la religion, la race, le continent. Ensuite, je me présente. Elles avaient tout étudié sur moi avant que je n’arrive, écouté ma musique, s’étaient faites belles ! Elles restent des filles comme les autres.

Personne n’a le droit de vous faire du mal, car vous êtes l’enfant de quelqu’un. Quand votre agresseur vous a rencontrée, vous étiez quelqu’un. Il ne faut jamais oublier qui vous êtes, vos ambitions, vos rêves.

Je leur ai dit : « Vous savez, on a droit à plusieurs vies. Moi, par exemple, je suis arrivée en Belgique en 1980 avec mon mari et mon petit garçon. On m’a envoyé ma mère, malade, qui est morte la même année. Mon mari a eu un cancer, il est mort en 1981. Ma belle-mère, qui s’occupait énormément de moi et de mon petit garçon, parce que je travaillais presque jour et nuit, est décédée en 1982... J’ai passé trois ans à l’hôpital et je n’en ai ramené personne. » J’ai raconté à ces filles ma vie de femme de 22 ans, orpheline, veuve, sans argent, dans un pays inconnu et avec un petit garçon de presque 3 ans. Et là, certaines ont commencé à parler de leur histoire.

Une rencontre à découvrir en intégralité dans le GAEL d’octobre, disponible en librairie.

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