(c)Laetizia Bazzoni

Justine Henin : “Je ne suis plus du tout celle que j’étais il y a 20 ans”

Justine Henin est notre GAEL Guest de ce mois de juin. L’occasion de revenir sur sa fabuleuse carrière et sa nouvelle vie. D’après un texte de Florence Hainaut. Photo: Laetizia Bazzoni.

Justine Henin notre GAEL Guest de ce mois parle de tout sans tabou. Sa santé mentale, son mari qui l’a aidée à trouver le côté lumineux de sa force, l’image austère qu’elle a pu avoir à une époque et les bêtises de Kim Clijsters, avec qui elle a pratiquement grandi.

Notre entretien avec Justine Henin

Pendant votre carrière, vous avez été d’une immense discrétion sur votre vie privée. Vous vous étiez rendue volontairement inaccessible ?

Justine Henin : « Oui et non, parce que j’ai toujours parlé de mon histoire familiale, je n’ai jamais caché l’impact du décès de ma maman. Ça a façonné ma personnalité et donc la joueuse de tennis que j’étais. Il y a quelques années, je n’ai pas spécialement protégé ma vie privée. J’ai trop dit oui. »

Le regrettez-vous aujourd’hui ?

Justine Henin : « Non, parce qu’on avait l’âge qu’on avait et on n’avait pas les codes. Et j’ai quand même aussi été capable de poser mes limites. Après, je me suis effectivement mise plus en retrait, il y a eu cette carapace. Elle était nécessaire pour ma carrière et pour mes objectifs. Je me suis protégée de toute cette influence extérieure et de toute cette pression. J’étais dans ma bulle. »

Une bulle qui a parfois donné une impression de froideur…

Justine Henin : « J’ai dû apprendre à dire non. C’est tellement difficile de le faire en sachant que l’on déçoit. Mais je pense qu’apprendre à décevoir, c’est fondamental. Je suis d’une nature très généreuse — je préfère quand ce sont les autres qui le disent —, mais là, je devais me protéger de beaucoup de choses. Parce que tout ce qui rentre peut amener du doute, de la distraction et ne représente pas forcément une avancée. Ça peut paraître très froid, très dur, ce que je dis. Mais à ce moment-là, moi, j’avais des objectifs de carrière et c’était tout ce qui comptait. »

j’ai revu récemment une interview de moi quand j’ai perdu en demi-finale à Roland-Garros, c’était en 2001, j’avais 19 ans. Et je me suis trouvée dure.

D’autant plus que vous êtes assez sensible.

Justine Henin : « Très, même si ça ne se voit pas forcément au premier abord. Et c’est aussi pour ça que tout ce qui pouvait venir de l’extérieur me touchait énormément. C’est marrant, j’ai revu récemment une interview de moi quand j’ai perdu en demi-finale à Roland-Garros, c’était en 2001, j’avais 19 ans. Et je me suis trouvée dure. Je ne sais plus exactement les mots que j’ai utilisés, mais c’était froid, parce qu’à ce moment-là, je n’avais pas envie d’arriver avec un grand sourire, je n’étais pas heureuse d’avoir perdu le match. J’étais lucide et très franche. Mais pas très chaleureuse. Comment j’étais à cette époque et comment je suis aujourd’hui, ça n’a plus rien à voir. Il y a vingt ans, j’avais une sacrée armure. »

Justement, on est d’accord quand même que cette casquette, que vous portiez tout le temps, c’était votre armure…

Justine Henin : « Bien sûr, oui. Quand j’étais dans les vestiaires et que je mettais ma casquette, j’étais prête à rentrer dans l’arène. »

Un peu comme un costume de superhéroïne.

Justine Henin : « Exactement ! Même si je l’ai compris plus tard. À ce moment-là, c’était une routine, un geste dont j’avais besoin, c’était un peu superstitieux. »

Il y a beaucoup de superstitions dans le tennis ?

Justine Henin : « Je pense que ce sont surtout des rituels qui ramènent à quelque chose de connu et de rassurant, parce qu’avant de monter sur le terrain, on est assailli de doutes et de questions. On est seul. Enfin, presque… L’énergie du public aide beaucoup. »

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Ça devait être quelque chose, ça…

Justine Henin : « C’était colossal. Ça non plus, je ne m’en suis pas toujours rendu compte sur le moment, mais c’étaient de tels moments de partage. Ça m’a vraiment portée dans des moments moins évidents. »

Et puis il y a ceci : on est en 2003, vous gagnez Roland-Garros et vous dites : « J’espère que tu es fière de moi, maman. » Je pourrais me mettre à pleurer rien qu’en l’évoquant…

Justine Henin : « Je n’avais pas prévu de discours si je gagnais. Je suis quelqu’un de très réfléchi, je fais rarement les choses sur un coup de tête, mais c’est ce qui m’est venu naturellement. Ce moment n’était pas calculé, or il a résonné chez beaucoup de gens et il a un peu scellé une histoire commune. »

Ce partage d’émotion avec le public, ça m’a nourrie pendant ma carrière, je l’ai vraiment réalisé après.

À un point parfois un peu envahissant, non ? Vous nous avez tellement fait vibrer que c’est comme si vous nous apparteniez un peu…

Justine Henin : « Je pense que je n’ai pas pris la mesure de tout ça à l’époque, parce que je ne comprenais pas. Et c’est pour ça que je me suis aussi tenue à distance. Je pense qu’à ma manière, j’étais accessible : neuf fois sur dix, je signais l’autographe, certes de manière moins chaleureuse qu’aujourd’hui, mais je faisais le job, comme on dit. Et puis la dixième fois, je ne signais pas l’autographe, et je sais que c’était mal vu. »

Et puis ce n’est pas votre métier, à la base.

Justine Henin : « Non, et je défends cette idée que pour faire des carrières comme ça, il faut penser à soi tout le temps. Et on a une équipe qui ne pense qu’à une chose : tout faire pour qu’on soit bien. Ce côté égocentrique est nécessaire. Mais ce partage d’émotion avec le public, ça m’a nourrie pendant ma carrière, je l’ai vraiment réalisé après, en parlant et en étant davantage disponible.

Retrouvez cette rencontre en intégralité dans le GAEL de juin disponible en librairie.

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