Agathe Lecaron: « La Belgique est mon pays de cœur »
Malgré ce que ses dix ans de carrière chez nous pourraient laisser penser, Agathe Lecaron n’est pas belge. Cette Parisienne d’origine, qui a fait ses débuts sur NRJ et chez RTL, a retrouvé son biotope il y a des années. Depuis, elle s’épanouit sur les antennes du service public français, dont elle est un visage incontournable. D’après un texte de Florence Hainaut. Photos : Laetizia Bazzoni.
En périphérie de Paris, là où elle peut voir les arbres depuis sa fenêtre (« J’ai trop besoin de la nature »), Agathe Lecaron nous ouvre la porte de sa maison. C’est une petite blonde rigolote, en jeans et pieds nus, comme si votre voisine favorite était tombée dans la marmite du mannequinnat quand elle était petite mais qu’elle en faisait peu de cas. On, donc nous les Belges, l’a connue toute jeunette. Sur NRJ, puis sur la chaîne de téléachat de Pierre Bellemare. Ensuite dans des émissions d’AB3 dont nous avons oublié le nom, puis comme speakerine et présentatrice chez RTL. Elle insiste, elle doit tout à la chaîne privée, mais elle pose néanmoins un regard un peu triste sur cette jeune femme qui se contorsionnait pour rentrer dans des cases. C’était l’époque où l’on attendait des présentatrices qu’elles soient juste sexy. Agathe a un cerveau qui turbine, elle s’intéresse à mille choses. C’est le service public qui lui a offert l’opportunité d’être tellement plus qu’une jolie plante. Depuis, elle s’est vu proposer des rôles à sa mesure. Plus consistants, avec plus de contenu. Comme La Maison des maternelles, pendant neuf ans. Puis Bel et bien, toujours sur France 2, depuis la rentrée. Tandis qu’elle prend la pose, elle met un peu de musique. « Malik Djoudi, il est génial, je vais le voir à l’Olympia bientôt. » Et chante à tue-tête : « Je suis enfin vivant, vivant comme je l’aime… »
J’aime cette chanson que vous venez de nous faire écouter. Ça vous évoque quoi, ces paroles ?
Agathe Lecaron : Que je n’ai jamais été aussi équilibrée et heureuse. Je me sens à ma place dans tous les domaines de ma vie. J’ai compris que le bonheur, ce n’était pas forcément de grandes envolées, mais l’équilibre. Et peut-être que grâce à l’âge, à la rencontre avec mon mari… Ça fait treize ans que je suis heureuse avec cet homme. Et ça fait quinze ans que je suis sur le service public français et que je me sens totalement à ma place. Grâce à tout ça et à mes enfants, j’ai trouvé mon équilibre.
C’est une belle fin d’interview ça ! Mais on va reprendre depuis le tout début. On est en 1997, vous avez 23 ans et vous quittez Paris pour Bruxelles. Pourquoi ?
Agathe Lecaron :J’étais amoureuse d’un Bruxellois, qui m’avait quittée, et je me suis dit que pour le reconquérir et faire semblant de le croiser par hasard dans un bar, il fallait que je sois sur place. Et j’étais surtout un peu malheureuse à Paris, je rêvais de faire de la radio, de la télé. Je ne savais pas par quel bout prendre tout ça. Puis j’ai un copain de Bruxelles qui m’a envoyé une annonce parue dans Le Soir, la radio NRJ cherchait des commerciaux. Je me suis dis que c’était une occasion de mettre un pied dans le milieu. Je suis allée passer l’entretien et j’ai été embauchée tout de suite.
Après, vous faites un peu de tout, dont du téléachat. Jusqu’au jour où on vous demande de vendre une crème contre les fissures rectales.
Agathe Lecaron : Mais comment vous savez ça ? (Rires.)
Je n’aime pas dévoiler mes sources, mais c’est votre vieux pote Jean-Michel Zecca qui me l’a dit.
Agathe Lecaron : Ça ne m’étonne tellement pas ! C’est vrai, j’ai fait le téléachat pendant des années, avec Pierre Bellemare et toutes les vieilles gloires belges qui m’ont prise sous leur aile. J’étais fascinée, c’était incroyable. Puis Pierre Bellemare a vendu sa chaîne à des Allemands et on a perdu le côté familial, c’est devenu du pur business. Et donc un jour, je regarde sur ma fiche et vois que je dois vendre le Poposano, un porte-papier toilette dans lequel il y a un réservoir pour une crème anti-hémorroïdes. J’ai dit : « Non, ça, c’est pas possible. » En plus, il faut faire des démonstrations dans cette émission ! J’allais mimer comment ? « Sur une tomate dont tu enlèves le pédoncule », m’a-t-on répondu. Ça a été ma limite. Mais la chance que j’ai eue, c’est que cette chaîne était diffusée 24 h sur 24, donc les patrons des chaînes télé qui rentraient de boîte de nuit un peu saouls regardaient ça pour s’endormir. Et le patron d’AB3 de l’époque m’a vue.
Je crois que je n’ai jamais raconté ça, mais quand j’avais 14 ans, mes parents m’ont emmenée à Bruxelles. Sur la Grand-Place, une voix dans ma tête m’a dit : « Un jour, tu habiteras là. » C’était comme un coup de foudre.
AB3, puis RTL : vous avez travaillé dix ans en Belgique, en radio et en télé, avant de retourner en France. Vous avez toujours eu l’idée de vous réexporter ?
Agathe Lecaron : Pas du tout. Moi, j’étais partie pour vivre toute ma vie en Belgique. C’est mon pays de cœur. Je crois que je n’ai jamais raconté ça, mais quand j’avais 14 ans, mes parents m’ont emmenée à Bruxelles. Sur la Grand-Place, une voix dans ma tête m’a dit : « Un jour, tu habiteras là. » C’était comme un coup de foudre. Et donc non, je n’avais pas forcément envie de rentrer. Mais j’ai eu un gros chagrin d’amour et je n’arrivais pas à faire mon métier comme je voulais à RTL.
Pourquoi ?
Agathe Lecaron : Avec le recul, je pense que je ne correspondais pas à ce qu’ils recherchaient, donc je n’arrivais pas à être moi même. Et le manque de naturel en télé, ça ne pardonne pas. J’essayais de ressembler aux filles qu’ils aimaient bien, je me blondissais les cheveux, je m’habillais hyper sexy, ce n’était pas du tout mon genre, je ne suis pas une séductrice.
Vous dites que quand vous avez commencé à la télé, le critère principal, c’était d’être sexy et que le talent, c’était secondaire.
Agathe Lecaron : C’était une autre époque, c’est beaucoup moins le cas aujourd’hui, où on cherche d’abord des experts, de grosses personnalités. Mais à l’époque, les femmes étaient des faire-valoir, des accessoires qui correspondaient aux standards de l’époque : hyper jolies, hyper sexy. Je ne me reconnaissais pas là-dedans, je me suis même dit qu’il fallait que j’arrête ce métier. J’ai eu une grosse remise en question, qui a été salutaire.
Aujourd’hui, vous êtes une femme de télé de plus de 50 ans. C’est rare. Il y a quelques années, à part quelques journalistes vedettes, c’était même inimaginable.
Agathe Lecaron : Ça a quand même beaucoup évolué. Il reste des choses à faire, mais on revient de loin. À France Télévisions, à la tête du service public, on a une femme de plus de 50 ans, donc forcément, elle comprend un peu les enjeux. Et puis les mentalités changent. Quand j’ai commencé ce métier, mon modèle, c’était Pépita, celle qui apportait les cadeaux et tournait la roue de la fortune. Sinon, il n’y avait pas de nana !
Si les choses ont changé, c’est peut-être aussi parce que quelque chose s’est adouci dans l’œil des téléspectateurs et téléspectatrices, non ?
Agathe Lecaron : On a de plus en plus de modèles. Je ne prête pas beaucoup de vertus aux réseaux sociaux, mais s’il y en a une, c’est celle-là. Soudainement, ces femmes invisibles ont eu l’occasion de s’exposer, de revendiquer, de faire rire et de s’indigner. Et ça nous permet à toutes d’avoir des modèles positifs et enviables. Et c’est le reflet de la réalité ! Moi je vais bien mieux que quand j’avais 30 ans. J’ai restauré mon estime de moi et j’arrive à m’exposer telle que je suis vraiment.
La culture des mains au cul, c’était dans mon ADN. Enfin, ça ne me choquait pas, c’est ça qui est terrible. Et c’est en ça que je ne remercierai jamais assez cette génération de nous avoir permis de rejouer le film à l’envers et de voir enfin que ce qu’on avait appris à trouver normal ne l’était pas du tout.
Et puis metoo est passé par là, aussi.
Agathe Lecaron : Et ça nous a quand même beaucoup aidées. Moi, avec mes 51 ans, la culture des mains au cul, c’était dans mon ADN. Enfin, ça ne me choquait pas, c’est ça qui est terrible. Et c’est en ça que je ne remercierai jamais assez cette génération de nous avoir permis de rejouer le film à l’envers et de voir enfin que ce qu’on avait appris à trouver normal ne l’était pas du tout.
Vous dites que travailler pour le service public français vous a énormément aidée…
Agathe Lecaron : Pour la première fois, on n’a pas regardé comment je m’habillais, mais on a écouté ce que je disais. C’était un truc de dingue pour moi. Il n’y avait pas de styliste, ce que je portais à l’antenne n’avait aucune importance. Toute l’attention était portée sur la manière dont je m’exprimais, sur le fait que j’explique bien les choses. J’ai compris que mon métier, ça pouvait aussi être le contenu. Une journaliste sait ça, mais une animatrice télé, elle est là pour mettre en valeur ce que les autres ont fait. J’ai découvert de nouvelles possibilités et mon rôle aujourd’hui, c’est de mettre en valeur le contenu, mais aussi de travailler des manières de bien le transmettre.
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Vous avez présenté La Maison des maternelles pendant neuf ans et déclaré que cette émission avait fait de vous quelqu’un de plus intelligent et d’un peu moins superficiel. C’est très beau et en même temps, un peur dur pour vous.
Agathe Lecaron : Mais c’est totalement vrai ! Je pense néanmoins que je n’ai jamais été superficielle, j’ai toujours été un mélange, comme tout le monde, de légèreté et de profondeur. Sauf que je ne laissais pas vivre toutes les idées que j’avais en moi, entre autres parce que j’avais peur du jugement des autres. Cette émission, à force de rencontrer des gens qui vivaient des choses compliquées, à force de parler de problèmes de société, m’a permis d’apprendre, de m’indigner. Elle m’a rendue plus profonde, plus engagée, là où avant j’avais l’impression que je n’avais pas beaucoup de courage dans mes idées.
Et depuis la rentrée, même chaîne, nouveau job, vous présentez deux talk-shows, dont un quotidien et un le samedi matin, qui parlent de bien être. Dire « bien être », ce n’est pas un peu réducteur ?
Agathe Lecaron : C’est réducteur parce qu’en fait, c’est une émission de gai savoir.
Oh, c’est mignon, ça !
Agathe Lecaron : L’objectif, c’est d’améliorer notre bien-être, ça c’est sûr. Mais le bien-être ne passe pas uniquement par le développement personnel, le yoga et tout ce qui est à la mode. Il passe aussi par la culture, notre rapport à la nature, la manière dont on prend soin de notre corps et de notre tête. Il y a plein de conseils de prévention pour que notre cerveau marche bien, concrets et étayés par des études scientifiques.
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