D’ingénieur à chocolatier: l’étonnant parcours de Benoît Nihant
Rencontre avec Benoît Nihant, celui qui fait des chocolats qui donnent envie de hurler de bonheur. Derrière une réussite éclatante, il y a un parcours totalement atypique et une vraie envie de faire les choses avec respect et éthique. Et surtout dans la joie. D’après un texte de Florence Hainaut. Photo: Laetizia Bazzoni.
Benoît Nihant est un punk. On ne dirait pas, avec son air doux et son sourire timide de premier chocolatier de la classe. Mais je vous jure, c’est un punk. À 30 ans, cet ingénieur à la carrière toute tracée a tout plaqué pour aller travailler gratuitement chez un pâtissier et apprendre le métier. Un métier qu’il a réinventé, en refusant de travailler avec les multinationales qui contrôlent le commerce du cacao. Tout le monde ou presque le faisait, mais lui n’a jamais envisagé de respecter les règles. Il les trouvait injustes, il a donc créé les siennes. Depuis vingt ans, il n’en fait qu’à sa tête — et surtout à ses tripes — et est devenu l’un des grands noms du chocolat. Modeste, il met tout sur le dos de la chance. À côté de lui, et pas du tout dans son ombre, il y a Anne, sa femme, rencontrée sur les bancs de l’université. Et leur envie commune de se créer un métier passion qui a du sens.
Bonjour Benoît. Je vous ai découvert il y a dix ans en mangeant vos croustillants aux amandes et suis directement tombée en amour parce que c’était violemment bon. Comment on crée quelque chose d’aussi violemment bon ?
Benoît Nihant: « En étant sincère. Les recettes sont créées de manière totalement égoïste. Elles sont faites pour nous faire plaisir. On veut proposer des choses qu’on aime avant tout. »
Vous répondez gentiment aux interviews, parlez avec facilité de votre métier, de votre philosophie, mais vous racontez peu de choses de vous et de votre vie privée.
Benoît Nihant: « Je trouve que ce qui est intéressant, c’est ce que je fais, pas que je parle de moi. Je mets beaucoup de cœur dans mon métier, j’en suis très fier, et j’ai envie qu’on me découvre via lui. »
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Désolée, j’ai quelques anecdotes personnelles. Entre autres grâce à votre femme, qui m’a pistonnée ! D’ailleurs, quand on dit « Benoît Nihant », en réalité, il faudrait dire « Anne et Benoît Nihant », c’est vous deux derrière le concept. Pourquoi il n’y a que votre nom ?
Benoît Nihant: « On est d’accord. J’ai été le premier à quitter mon emploi, à créer l’entreprise et il fallait un nom. À l’époque, on n’a pas pensé aux répercussions. Mais ça aurait été beaucoup plus juste de mettre nos deux noms, ou un nom tout à fait autre. »
Anne et vous, vous vous êtes rencontrés à l’Université de Liège. Où, à ma connaissance, il n’y a pas de filière chocolat. On va donc reprendre votre parcours…
Benoît Nihant: « À ce moment-là, j’étudiais pour être ingénieur commercial. J’avais des cours d’économie, mais aussi des cours plus techniques comme l’électricité, la physique, la chimie, etc. Et avant même d’obtenir mon diplôme, j’ai été engagé dans un grand groupe sidérurgique et militaire. Ou j’ai travaillé sept ans. Anne, elle, était en sciences éco. Puis elle a travaillé dans le domaine bancaire. »
Mais vous rêviez d’avoir un projet à deux.
On travaillait dans de grosses sociétés, on manquait de choses concrètes et du côté créatif. On sentait qu’on ne pourrait pas faire ça toute notre vie. Avec Anne, on a toujours eu un attrait commun pour la gastronomie en général et l’envie de travailler ensemble au quotidien. On voulait un métier de cœur, qui nous fasse oublier la différence entre vie privée et vie professionnelle. »
Mais alors, vous vous êtes trompés de filière tous les deux en commençant vos études ?
Benoît Nihant: « Ah non, c’était très bien de commencer comme ça. Mais je crois qu’on n’a pas la maturité suffisante quand on choisit ses études. 18 ans, c’est trop jeune pour savoir ce qu’on veut faire de sa vie. On a fini nos études à 23 ans. C’est un âge où on n’a encore rien vécu, on ne sait pas ce que c’est un métier au quotidien. On a eu de la chance, finalement, parce que on a pu se rendre compte que ce n’était pas ça qui nous rendait heureux. »
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La suite de l’histoire, c’est que vous avez lâché votre poste stable d’ingénieur et êtes allé travailler gratuitement comme stagiaire chez Wittamer, pour apprendre la pâtisserie.
J’ai d’abord été accueilli avec une certaine réserve, mon profil n’était pas habituel, donc ils m’ont bien testé pour voir ce que j’avais dans le ventre. Les apprentis ont 18 ans maximum, moi j’étais là, à 30 ans, avec mon diplôme d’ingénieur. Ils se sont un peu demandé quelle mouche m’avait piqué. Mais la confiance s’est vite installée, parce qu’ils ont compris que j’étais très motivé, et ça a été une expérience fondatrice. »
Et puis Anne a sauté le pas également et vous vous êtes retrouvés tous les deux en cours du soir en chocolaterie à l’IFAPME. Vous bidouilliez vos recettes dans votre cuisine, qui s’est vite avérée trop petite, et puis après dans le garage de vos parents.
Benoît Nihant: « Oui, c’est marrant parce qu’en fait, quand on recevait les premiers fournisseurs dans notre cuisine, la moitié partait sans même nous remettre un prix parce qu’ils nous prenaient pour des rigolos. Mais ceux qui nous ont fait confiance, on travaille encore avec eux aujourd’hui. On est très fidèles. Et puis travailler avec des gens qui ont une vision assez large pour se dire : « Bon, ce couple de trentenaires qui fait des trucs dans sa cuisine, pourquoi pas ? », c’est important. »
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Vos premières recettes, vous les avez fait goûter à des chefs étoilés, pour avoir leur avis. Et vous êtes sortis avec vos premiers clients parce qu’ils n’avaient rien à vous conseiller, ils ont adoré.
Benoît Nihant: « On l’a fait de manière très naïve et on a été surpris de constater qu’on était reçus si gentiment. Le propriétaire de La Villa Lorraine m’avait même proposé de me rembourser les échantillons avec lesquels j’étais venu ! On a senti un respect pour notre démarche d’artisans. »
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