De professeur à humoriste: le parcours atypique de Véronique Gallo

On a craqué pour elle sur YouTube il y a trois ans, lorsque cette ancienne prof racontait sa Vie de mère face caméra à son psy. On a ri et on s’est senties moins seules avec nos prises de tête de mères imparfaites. On découvre ici une hyper passionnée qui réalise ses rêves coûte que coûte.  PAR ANNE-SOPHIE KERSTEN. PHOTOS : LAETIZIA BAZZONI.

Ça a toujours eu une place importante dans ta vie, l’écriture ?

Dès l’âge de 5, 6 ans j’ai eu un rapport très fort à la lecture et à l’écriture. Je me levais très tôt le matin, ce qui rendait ma mère folle. J’étais priée de rester dans ma chambre et de lire des livres. J’ai dévoré tout ce que j’ai pu. Et surtout, j’ai commencé à écrire des histoires dans des carnets. Je collais un timbre de pingouin en haut d’une page, et j’inventais une histoire autour. Toute seule, sans qu’on me freine ou m’encourage à le faire.

Tout le monde dormait, de toute façon !

Oui, mais par la suite, mes parents m’ont beaucoup encouragée. À 12 ans, mon père m’a emmenée choisir un journal intime. À partir de là, je ne me suis plus arrêtée d’écrire, jusqu’à ce que je me marie, à 23 ans. J’ai 15 volumes avec toute ma vie, des poèmes, des tickets de cinéma... Écrire m’a aidée à mettre des mots sur mes émotions aux moments difficiles, par exemple quand après dix ans d’enfance dorée, j’ai vécu la séparation de mes parents et l’alcoolisme de mon père. Une terrible sensation de tout perdre. En parallèle, je faisais beau- coup de danse et du piano. Les musiques m’évoquaient es histoires, des personnages. Ma prof de danse était toute ma vie. C’est à un de ses stages, à 12 ans, que j’ai joué mon premier sketch et que j’ai entendu rire un public. Quel moment ! Là, on m’a dit : « Si tu fais autre chose que de la danse, toi, il faut que tu racontes des histoires. »

« Je faisais aussi du théâtre, passionnément, en rêvant de la carrière de Muriel Robin. »

Tu étais une petite fille joyeuse ?

Oui, très. Mais plus tard, j’ai développé un côté mélancolique, avec des grands hauts et bas. J’étais très anxieuse par rapport à la mort, à l’idée de manquer de temps pour réaliser tout ce que je voulais. Je faisais aussi du théâtre, passionnément, en rêvant de la carrière de Muriel Robin. Mais vivant à Liège et pas à Bruxelles et encore moins à Paris, je me sentais perdue dans le trou du cul du monde. Une Lituanienne qui voulait devenir présidente des États-Unis !

Finalement, tes vidéos Vie de mère t’ont aidée à dépasser les frontières.

Ah ça oui, sans YouTube, pas sûr qu’un producteur parisien serait arrivé jusqu’à moi.

Tu dis avoir arrêté d’écrire après ton mariage ?

J’avais une telle obsession de créer la famille perdue au divorce de mes parents que j’ai mis mes bics dans un tiroir. J’avais 23 ans, mon diplôme de romanes en poche, je suis devenue prof de français et de sciences sociales en secondaires.

« Je devais trouver un théâtre qui voulait bien de moi. Je me prenais râteau sur râteau. »

À quel moment as-tu décidé d’arrêter ton métier de prof ?

Dix ans plus tard, mais ça s’est fait progressivement. Il y a d’abord eu le choc de la mort de mon père, à seulement 54 ans. Cela a augmenté mon sentiment d’urgence à bouger. Après les premières années joyeuses d’enseignement où il fallait tout créer, je commençais à étouffer dans cette vie rythmée chaque année par la même cloche. J’ai créé une troupe de théâtre avec mes élèves, écrit une pièce pour un spectacle de fin d’année et aussi un recueil de nouvelles. Puis, en 2005, je me suis offert « ma semaine à moi », un stage de théâtre à l’académie d’été de Neufchâteau. À la fin du stage, Jean Lambert m’a dit : « Si un jour tu veux écrire ton seule-en-scène, tu me tiens au courant. » J’avais pile 30 ans. Il ne fallait pas me le dire deux fois.

Mais là, tu étais toujours prof ?

Oui, du coup, j’avais deux mois de congé en été. J’ai passé tout le mois d’août à écrire, plutôt de nuit, car la journée j’étais avec les enfants. Fin août, j’ai recontacté Jean Lambert : « Voilà, j’ai écrit ! » Sa réponse m’a fait languir jusqu’à fin septembre. Là, j’ai retravaillé, et j’ai attendu, attendu... Finalement, mi-décembre, Jean m’a recontactée : il voulait bien me mettre en scène, mais on allait encore re- travailler le texte. J’ai retravaillé, j’en pleurais, je m’y remettais. On a atteint la version finale au mois d’août suivant. Là, je devais trouver un théâtre qui voulait bien de moi. Je me prenais râteau sur râteau. En janvier, mon texte végétait depuis des mois à la Samaritaine, un café-théâtre du Sablon à Bruxelles, chez Huguette Van Dijk. Je lui ai téléphoné pour prendre des nouvelles. Elle m’a hurlé dessus : « Madame, vous allez cesser de m’importuner ! Je vous ai déjà dit que vous écriviez de la merde ! » et elle m’a raccroché au nez. Je l’ai rappellée, je jouais ma vie : « Je suis désolée, je suppose que vous faites erreur, c’est la première fois que je vous parle. » Mais peu lui importait, elle croulait sous les textes et m’a à nouveau raccroché au nez. C’était ma dernière cartouche, j’ai pleuré. Le drame. Trois jours après, j’ai reçu un e-mail d’Huguette : elle avait adoré mon texte, voulait me voir. Par le plus grand des hasards, le 9 septembre 2008, dans la salle, il y avait Catherine Makereel, une journaliste enceinte jusqu’aux yeux, qui a ri, ri ! Ses trois étoiles dans Le Soir ont tout lancé. Je me suis mise à tourner dans tous les centres culturels, une tournée de malade. Un truc de ouf.

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