Un fabuleux voyage au centre de la ville de Jules Verne
120 ans après sa mort, Jules Vernes reste l’auteur français le plus traduit dans le monde, le deuxième plus important de l’histoire de la littérature mondiale, après Agatha Christie. Rien d’étonnant à ce que Amiens, pourtant déjà riche d’un fabuleux passé historique et culturel, le célèbre à chaque coin de rue. Une idée d’escapade littéraire et muséale, dans cette ville qu’il a tant aimée et dans laquelle son oeuvre a pris toute son ampleur. Par Nicky Depasse
La Maison de Jules Verne
Imaginez une demeure nichée au coeur d’un quartier bourgeois du XIXe siècle, la Maison de Jules Verne, ou « Maison de la Tour », comme on l’appelle ici, n’est pas un simple musée : c’est une invitation à l’évasion. Ouverte au public depuis 1987 après une restauration méticuleuse, cette élégante bâtisse de brique et de pierre, surmontée d’une tour élancée, fut l’antre de l’écrivain, de 1882 à 1900. Pendant ces dix-huit années fécondes, Jules Verne, alors au sommet de sa gloire, y écrivit pas moins de 34 romans, dont une bonne partie de ses mythiques Voyages extraordinaires. Ici, entre les murs qu’il affectionnait tant, vous foulez les traces d’un homme dont l’esprit hante encore chaque recoin.

Une maison vivante, fidèle au génie domestique
Poussez la porte du numéro 2 de la rue Charles Dubois, et laissez-vous envelopper par l’atmosphère feutrée d’un hôtel particulier du Second Empire, de ses cuisines jusqu’au grenier, en passant par le formidable et étourdissant escalier en colimaçon abrité dans la tour. Le rez-de-chaussée, restauré avec une précision d’horloger, recrée fidèlement l’univers intime des Verne. La salle à manger, avec son mobilier néo-gothique aux lignes élégantes, son plafond à caissons sculptés et ses objets personnels, une pendule qui tic-tac encore, des porcelaines délicates chinées par Honorine, l’épouse bien-aimée de Jules, vous transporte dans leur quotidien raffiné. Imaginez Honorine, cette femme discrète mais essentielle, présidant aux repas familiaux et mondains, tandis que Jules, plume en main, griffonne ses visions futuristes dans son bureau, à l’étage. La véranda d’hiver, baignée de lumière tamisée, évoque ces après-midis où l’écrivain, passionné de botanique, cultivait ses plantes exotiques, alors rares et hors de prix, rêvant de mondes sous-marins ou de voyages lunaires.

Mais la magie opère surtout dans les étages supérieurs, où l’exposition permanente comptant 30.000 pièces, déploie un trésor d’archives. Manuscrits, premières éditions reliées cuir, photographies jaunies par le temps, et de fascinantes reliques personnelles comme sa canne de promenade ou ses carnets de notes : tout concourt à faire revivre le créateur du Nautilus. Et pour les amatrices de détails touchants, des lettres d’amour échangées avec Honorine dévoilent un Jules Verne romantique, loin de l’image austère du vulgarisateur scientifique.
Le Monument à la mémoire : un buste qui murmure les voyages
Dès le hall de la gare d’Amiens, un spectacle son et lumière gratuit (tous les soirs à la nuit tombée, cycle de 20 minutes) projette les ombres du Nautilus sur les murs, comme un clin d’oeil au départ d’aventures. De là, filez vers le Monument à la mémoire de Jules Verne, niché dans les jardins publics ombragés de la Place Joffre. Sculpté en 1908 par Albert Roze, ce buste de l’écrivain, auréolé de trois enfants lisant ses livres, trône sur une colonne de pierre discrète. Un arrêt émouvant, où, en 1909 déjà, on sentait l’hommage d’une ville reconnaissante.

Le Cirque Jules Verne : un chapiteau d’acier où l’histoire fait le grand saut
Poursuivez vers le Cirque Jules Verne, à deux pas en longeant la rivière scintillante. Inauguré en 1889 sous les applaudissements de l’écrivain lui-même qui, conseiller municipal visionnaire, en fut le parrain enthousiaste, ce joyau architectural métallique est un vestige du Second Empire, avec ses arches élancées et son dôme aérien.
Le Nautipoulpe : une créature bronze qui émerge des eaux de l’imaginaire
Inauguré le 24 mars 2025, le Nautipoulpe trône devant la Halle Freyssinet dans un quartier en reconstruction. Signée par notre compatriote François Schuiten, maître de l’univers graphique, cette sculpture monumentale de six mètres, douze tonnes de bronze, que nous avons découverte en primeur à Bruxelles l’hiver dernier, déploie ses tentacules comme un poulpe géant surgissant d’un bassin. Inspirée du kraken de Vingt Mille Lieues sous les mers, elle évoque le Nautilus remontant des abysses.
La tombe de Jules Verne : un adieu sculpté vers l’éternelle jeunesse
Le parcours culmine en émotion au Cimetière de la Madeleine, aux allées verdoyantes. Enterré le 28 mars 1905 après une cérémonie grandiose attirant 5 000 personnes malgré un froid mordant, Verne repose sous une sépulture magistrale, Vers l’immortalité et l’éternelle jeunesse. Taillée dans le marbre de Carrare et la pierre calcaire de Bourgogne, modelée sur son masque mortuaire, elle dépeint l’écrivain en gisant victorieux.
Le Musée de Picardie : un palais d’ombres et de lumières sous le regard de Verne
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Poussez les portes massives du Musée de Picardie, ce colosse néo-renaissance inauguré en 1867. L’écrivain, déjà visionnaire, salua cette nef d’art comme un vaisseau prêt à voguer vers les âges. Une spirale temporelle du Paléolithique picard (outils taillés qui rappellent les fouilles de Voyage au centre de la Terre) aux chefs-d’oeuvre du XIXe, en passant par les sculptures gothiques, originales, de la cathédrale, et des toiles italiennes, impressionnistes. On y entend toujours résonner la voix et le rire de Jules Verne dont il fut un des membres illustres et influents des premières heures.
Chez Jules : une brasserie où les saveurs dansent
Affamée par ces voyages extraordinaires, on s’arrête à la Brasserie Jules, un cocon Art déco, à cinq minutes à pied du musée, une allusion à peine voilée à l’écrivain, et une adresse qui en capture l’esprit convivial. Avec ses vitraux tamisés et ses banquettes de velours rouge, c’est un refuge où le service courtois et l’ambiance feutrée évoquent les dîners familiaux d’Honorine et Jules. Imaginez-le : murs ornés de gravures maritimes rappelant le Nautilus, et une carte où les produits de saison picards, les hortillonnages ne sont pas loin, se muent en poésie culinaire.

Les quais de la Somme, les hortillonnages et la cathédrale
Descendez enfin vers les Quais de la Somme, ce ruban d’eau et de pierre qui enlace Amiens comme un serpent bienveillant, où Verne puisait son inspiration pour Une ville idéale en 1875, rêvant d’une cité harmonieuse inspirée de ces berges paisibles. C’est une balade pour les sens : l’air frais chargé d’humus des Hortillonnages (ces jardins flottants, visitables en barque électrique, théâtre d’une exposition à ciel ouvert), le chant des péniches qui glissent comme des ombres du Nautilus. Pourquoi ne pas y tester une autre table d’exception. Au Quai, la cuisine est une exploration, une alchimie locale et créative qui fait écho aux Voyages extraordinaires : des ingrédients de saison venant des Hortillonnages, transformés en plats qui surprennent et réconfortent, comme si le chef, passionné par les utopies verniennes, avait transcendé ses recettes d’un esprit d’anticipation.
Amiens est une escapade où l’esprit de Jules Verne se glisse dans chaque détail : des canaux verdoyants des Hortillonnages dominés par la cathédrale gothique au raffinement du Musée de Picardie, en passant par les saveurs réconfortantes de ses restaurants, ou la tombe émouvante de l’écrivain. Amiens vous ouvre ses pages comme le roman à vivre d’un très grand homme.
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