Notre périple insolite à bord d’un train en Ouzbékistan
Coupoles en mosaïque vertigineuses, bazars hauts en couleur et épices parfumées… Les villes ouzbèkes respirent encore la beauté de la route de la soie. Découvrez-la en TGV, sur les traces des caravanes d’autrefois. Texte et photos : Margaux Vandamme, avec la collaboration de Marie Aubin.
Tulipes, roses et cerisiers en fleurs bordent les rues de Samarcande… Pas exactement ce à quoi je m’attendais dans un pays à 80 % désertique. Et pourtant, les fleurs sont partout, et à midi, on nous sert toujours des coupelles de cerises et d’abricots sur de longues tables basses, en plus des pistaches et amandes qui accompagnent les brochettes de viande grillée. Notre voyage en train à travers ce pays fascinant est une surprise constante.
Le TGV Afrosiyob fait de l’Ouzbékistan l’un des pays idéaux à découvrir en train. Une idée brillante, qui s’est vite retrouvée sur notre bucket-list. Après la chute de l’Union soviétique, le pays est longtemps resté inaccessible, mais ces dix dernières années, des hôtels et des lignes ferroviaires ont vu le jour, et les anciennes haltes sur la route des caravanes – comme Samarcande, Khiva ou Boukhara – sont à nouveau ouvertes aux visiteurs. Une destination parfaite pour les curieux qui tiennent quand même au confort, exactement comme nous. Bien installés à bord de l’Afrosiyob, nous contemplons avec bonheur les grandes plaines jadis traversées par Marco Polo, Alexandre le Grand ou Gengis Khan.
Samarcande, joyau de la route de la soie
Premier arrêt : Samarcande, dont le nom suffit à évoquer l’âge d’or de la route de la soie, qui reliait l’Extrême-Orient, l’Asie centrale, le Moyen-Orient et le bassin méditerranéen. Des caravanes de marchands des quatre coins du monde y vendaient soie, or, épices, pierres précieuses, porcelaine, tapis et bétail. L’art et la science s’épanouissaient aussi dans ce creuset de cultures. Il n’est pas étonnant que le grand émir Tamerlan (ou Timour, « l’homme de fer ») ait choisi Samarcande comme capitale de son empire turco-mongol au 14e siècle.
La grandeur n’est d’ailleurs pas toujours synonyme de dimensions impressionnantes, comme le prouve la mosquée Hazrat-i-Khizr.
Notre guide évoque ce personnage crucial dans la région : « L’amour de Tamerlan pour l’Asie centrale et son ambition de diffuser l’islam ont engendré une croissance jamais vue, ainsi qu’une série de pépites architecturales. » L’une d’elles est le mausolée de Gour-Émir, la dernière demeure de Tamerlan : un bel exemple de l’art timouride, célèbre pour ses somptueuses incrustations turquoise dans les façades. Je suis fascinée par les mosaïques minutieusement posées et les élégantes sculptures en bois. Mais à l’intérieur, je reste sans voix : chaque recoin de la salle funéraire est peint en opulent bleu et or, en hommage aux figures légendaires qui reposent sous les tombes de marbre.
Orient chatoyant
Samarcande est une succession ininterrompue de bâtiments et de sites somptueux, autant de témoins silencieux d’une riche histoire culturelle. Nous visitons les magnifiques tombeaux royaux de Shah-i-Zinda, qui datent des 14e et 15e siècles. C’est toujours un lieu de pèlerinage, comme en témoignent les nombreux hommes et femmes réunis pour la prière du vendredi. Ils viennent aussi rendre hommage au tombeau de Quam ibn-Abbas, cousin du prophète Mahomet. En tant que non-musulmans, nous ne pouvons pas entrer dans ce lieu sacré, mais ce n’est pas grave, il y a plein d’autres merveilleux espaces à explorer.
La grandeur n’est d’ailleurs pas toujours synonyme de dimensions impressionnantes, comme le prouve la mosquée Hazrat-i-Khizr. Moins connu, ce bâtiment coloré dégage pourtant une élégance raffinée. Nous y trouvons un peu de fraîcheur sur un banc ombragé, à côté d’une maman ouzbèke et sa fille, visiblement curieuses d’engager la conversation – elles ne doivent pas souvent voir des femmes étrangères. Les femmes locales portent un joyeux mélange de couleurs et de motifs, ce qui rend la rue encore plus vivante. Même si nous ne parlons pas la même langue, le moment est chaleureux. Nous gesticulons, sourions et montrons les photos que nous venons de prendre au pied du minaret.
La légendaire mosquée Bibi Khanym
L’imposante mosquée Bibi Khanym, de l’autre côté de la rue, montre que les femmes ont contribué à façonner la culture de la région. Notre guide Marjona – « perle » en ouzbek – nous explique que c’était autrefois la plus grande mosquée du monde. « La légende dit que l’épouse de Tamerlan l’aurait fait construire comme surprise pour son mari, parti au combat. L’architecte était tombé amoureux de Bibi Khanym et réclamait un baiser comme récompense. Motivé par cette promesse, il mobilisa pas moins de 8 000 ouvriers et même un troupeau d’éléphants pour terminer l’édifice en un temps record de cinq ans. Mais le fameux baiser laissa une trace sur sa joue et à son retour, Tamerlan fit exécuter l’architecte et imposa désormais le port du voile à toutes les femmes. » Si, comme moi, vous espériez plutôt une belle histoire d’amour, on peut aussi s’en tenir à la version officielle, selon laquelle Tamerlan aurait voulu offrir à son épouse la plus belle mosquée du monde.
La beauté cachée de Boukhara
Les villes magnifiques ne manquent pas en Ouzbékistan ; après quelques heures dans le train Afrosiyob, nous arrivons déjà à notre deuxième étape sur la route de la soie : Boukhara, autrefois visitée par Marco Polo en route vers la Chine. Enthousiaste, notre guide locale, Nilufar, décrit sa ville natale avec une pointe de chauvinisme et en riant, comme une beauté naturelle, « sans les artifices de sa grande sœur Samarcande ». La ville affiche en effet une architecture plus sobre et se révèle bien plus compacte : de notre hôtel, nous nous perdons très vite dans le labyrinthe de ruelles, où chaque tournant cache une synagogue, une mosquée ou une madrasa oubliée.
Quand, en fin de journée, nous demandons à Diyor quel est son endroit préféré à Tachkent, il n’hésite pas une seconde : la maison de sa babouchka !
Une imposante muraille relie la Citadelle Ark – ancien palais royal du 5e siècle – aux cinq grandes coupoles marchandes où on vend tapis, soieries, épices et bien d’autres trésors. Boukhara est restée relativement intacte malgré les sièges de Gengis Khan et, des siècles plus tard, des Russes. Cela lui a valu une place méritée au patrimoine mondial. Nous flânons dans la ville, cherchant un peu de fraîcheur sous les mûriers chargés de fruits sucrés. Au Kukaldosh Garden, nous goûtons la version locale du pilav (ou plov), le plat national. Riz cuit ou sauté, avec graisse animale ou huile d’olive, agneau ou bœuf… Les nombreuses variantes régionales de ce plat sont toutes simples, mais toujours très savoureuses.
Accueil à bras ouverts à Tachkent
L’influence russe de l’époque des Soviets est loin d’être un simple souvenir nostalgique dans la capitale, Tachkent. Ses larges avenues rectilignes et ses bâtiments à l’allure soviétique sont en contraste cru avec l’agréable ville du désert où nous nous sommes réveillés il y a quelques heures à peine. Ce n’est pas le genre de ville qui charme au premier regard. Mais notre guide Diyor va nous faire changer d’avis.
D’abord un peu timide, puis de plus en plus enthousiaste, il nous entraîne d’abord vers le métro. Et de fait, c’est un véritable spectacle ! Nous allons d’une station féerique à l’autre. Elles font écho à la grandeur passée de l’ère soviétique, avec des colonnes de marbre, des lustres en cristal et des fresques célébrant l’histoire russe et ouzbèke. Et une ponctualité irréprochable. Pour moi, le réseau souterrain de Tachkent restera à jamais le roi des métros.
Un festival de couleurs sur les étals
Nous descendons ensuite à Chorsu Bazaar, le marché le plus connu de Tachkent, reconnaissable à son grand dôme bleu qui domine la rue trépidante. Noix, épices, céramiques, viandes, fruits… on y trouve absolument de tout, soigneusement regroupé, pour qu’on s’y retrouve facilement pour les courses quotidiennes. Nous repérons le vendeur le plus sympa et faisons le plein de noix de macadamia fraîches et de dattes à ramener chez nous.
Quand, en fin de journée, nous demandons à Diyor quel est son endroit préféré à Tachkent, il n’hésite pas une seconde : la maison de sa babouchka ! Et voilà comment nous nous retrouvons sur le pas de la porte de sa grand-mère. L’hospitalité légendaire de l’Ouzbékistan n’est donc pas juste du marketing : nous sommes accueillis avec une chaleur incroyable, comme de vieux amis perdus de vue, pour un thé chez la grand-mère de Diyor. Dans le patio, elle nous sert en riant une tasse de chaï dans une magnifique théière en céramique décorée de fleurs – un rituel d’accueil – et fait apparaître un plateau rempli de douceurs ouzbèkes. La cerise sur le gâteau de notre voyage dans ce pays incroyable, qui ne cessera jamais d’éblouir ses visiteurs.
Ouzbékistan en pratique
Y aller
* Turkish Airlines vous emmène, via Istanbul, de Bruxelles à Tachkent, la capitale ouzbèke, en 10 heures environ. Compensez les émissions de CO2 de votre vol. Àpd 779 € aller-retour. turkishairlines.com.
Le TGV Afrosiyob est le mode de déplacement le plus rapide pour visiter les grandes villes de la route de la soie. Àpd 20 €. uzrailpass.uz.
* Votre passeport doit être valable minimum trois mois après votre date de retour. Pour un séjour de moins d’un mois, les touristes belges n’ont pas besoin de visa. diplomatie.belgium.be.
Utilisez une app de traduction pour communiquer sur place, car l’ouzbek est la langue pratiquée partout.
* Achetez une carte e-sim ou une carte sim locale : vous éviterez les frais de téléphone et de data élevés.
Meilleure période
En été, il peut faire très chaud – surtout à Boukhara. Et en hiver, il fait très froid. Mieux vaut visiter le pays au printemps ou en automne. Avril et octobre sont parfaits, avec des températures autour des 25 °C.
Boutiques-hôtels bien situés
Au Mövenpick Hotel à Samarcande, les chambres sont grandes et dotées de tout le confort moderne, mais l’hôtel est surtout très bien situé, près de Registan et du mausolée Gour-Émir.
Àpd 164 € pour 2 personnes. all.accor.com.
Kukaldosh Boutique-Hotel à Boukhara : vivez l’hospitalité ouzbèke grâce au charme des chambres et du patio. Et ce, en plein cœur de la ville. Àpd 98 € pour 2 personnes. booking.com.
Ichan Qal’a Premium Class Hotel à Tachkent : un resort élégant, imitant le style des madrasas, avec 60 chambres à la décoration ouzbèke typique, 3 piscines et un centre de wellness. Àpd 147 € pour 2 personnes. ichanqala.uz.
Plus d’infos sur Uzbekistan.travel.
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