David Foenkinos : « Avoir été confronté à la mort m’a rendu sensible aux signes »
Vingt ans depuis le succès d’estime et mérité du potentiel érotique de ma femme, quinze années après le triomphe de La délicatesse, David Foenkinos n’a pas perdu la fidélité de l’important public qu’il s’est constitué et qu’il entretient avec d’étonnantes oeuvres comme Charlotte ou des adaptations réussies au cinéma et au théâtre. PAR NICKY DEPASSE
Avec son dernier roman, Tout le monde aime Clara, David Foenkinos désormais quinquagénaire rebondit une nouvelle fois avec un thème qui dévoile un pan méconnu de sa personnalité pourtant publique.
Entretien avec David Foenkinos
Vous abordez le sujet de l’ésotérisme dans votre vingtième roman. Pourquoi ? Cela vous intéresse en dehors de la fiction ?
David Foenkinos : « C’est la première fois que je l’aborde aussi frontalement alors que que je suis très mystique : je m’intéresse à l’astrologie, la numérologie. Tout cela est peut-être lié à ma propre expérience puisqu’à l’âge de seize ans, j’ai été très gravement malade et que j’ai passé de nombreux mois à l’hôpital. Le fait d’avoir été confronté à la mort m’a sans doute rendu sensible aux signes. Pour raconter cette jeune fille dotée d’un don de voyance, j’ai rencontré plusieurs voyants pour savoir comment on prend conscience de ce don d’être en connexion avec l’avenir, d’avoir l’intuition de celui des autres. Et cela a nourri le personnage de Clara. »
C’est un monde parallèle qui vous fascine ? Vous avez déjà tenté des expériences paranormales comme l’ont fait Didier van Cauwelaert ou Bernard Werber ?
David Foenkinos : « Non car ce n’est pas présent dans ma vie. J’aime bien connaître le signe astral des gens, calculer leur numérologie, savoir où ils en sont dans leur cycle mais ça ne va pas plus loin que ça. Ce qui me passionne, ce sont les forces de l’esprit, pourquoi se sent-on bien dans un lieu ou avec une personne qu’on ne connaît pas. Je suis attentif à ces petits signes de la vie. Comme cette phrase de Modiano, “J’avais vingt ans mais ma mémoire précédait ma naissance”, j’ai le sentiment, sans croire à la réincarnation, qu’on peut porter en nous le fruit du passé. »
C’est aussi un livre qui dit de ne jamais renoncer à ses rêves, de ne pas les oublier.
David Foenkinos : « C’est votre côté romantique, de rêveuse de dire ça mais vous avez raison, j’ai voulu dire qu’il ne faut pas passer à côté de ce pourquoi on est fait. Ainsi le personnage de Clara est tout d’abord débordé par le fait d’avoir des visions et d’attirer des gens malveillants. Je voulais décrire le chemin pour comprendre ce qu’on peut faire de nos dons, nos talents en montrant comment Clara va réussir à améliorer la vie des autres et être dans la bienveillance. »
Cela fait longtemps que vous pratiquez la numérologie ?
David Foenkinos : « Assez longtemps, oui, j’aime le fait que nous ayons des énigmes autour de nous et que nous pouvons déchiffrer, vérifier. Je pense aussi que les chiffres portent une vibration, une tonalité. Je crois aussi dans les cycles : je suis dans l’année 2 au moment où nous nous parlons, qui est une année plutôt sentimentale. »
On découvre de belles choses dans ce roman comme l’Ange du chagrin, à Rome, une sculpture d’une beauté insondable. J’ai très envie d’aller la voir à présent.
David Foenkinos : « Je parle beaucoup d’art dans mes livres mais c’est la première fois que j’insère une illustration dans le texte. Cette statue est en effet très belle et touchante mais son histoire l’est encore plus : celle de ce sculpteur qui l’entreprend par chagrin, à la mort de sa femme. Il va mettre 8 mois pour la réaliser (encore le chiffre 8) et elle va devenir leur tombeau à tous les deux. Il y a beaucoup de beauté dans la postérité amoureuse. »
Comment l’avez-vous découverte ? Vous fréquentez les cimetières ?
David Foenkinos : « Non, c’est ma compagne qui est italienne qui m’a conseillé d’aller la voir car elle avait senti que cette statue allait me bouleverser. »
Cela fait vingt ans, vingt romans que vous publiez. Où trouvez-vous vos histoires ?
David Foenkinos : « Je suis boulimique d’informations, de faits, toujours en recherche de sujet. Pour ce roman, la rencontre avec cette statue a fait jaillir l’idée, pour Numéro deux, actuellement adapté au théâtre, c’est la lecture d’une interview de la directrice de casting d’Harry Potter. Pour La vie heureuse, c’est au cours d’une interview avec une journaliste belge qui m’a parlé de ces gens en Corée du Sud qui se couchaient dans un cercueil. Vous allez peut-être me donner une idée au cours de cette interview, qui sait. »
Numéro deux est actuellement joué au théâtre. Participez-vous à l’adaptation ?
David Foenkinos : « Concernant Numéro deux, c’est une double chance car la pièce est à la fois jouée à Paris et à Londres. J’ai pas mal d’adaptations au théâtre mais celle-ci me réjouit particulièrement. C’est un énorme carton. L’adaptateur y a ajouté pas mal de choses réjouissantes, les gens rient mais elle est très fidèle au livre en ce sens qu’elle reste une tragi-comédie, avec sa part sombre. C’est absolument magnifique de voir ces quatre acteurs s’emparer du texte. Ce qui me touche le plus, c’est de voir qu’il y a beaucoup d’enfants dans le public. Il y a aussi un projet d’adaptation au cinéma. J’espère qu’il va aboutir. »
- TOUT LE MONDE AIME CLARA, David Foenkinos, 208P., Ed. Gallimard.
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