Mon métier insolite : à 24 ans, Camille est gardienne de musée
Ils ont le goût du beau, qu’ils pratiquent en passant leurs journées parmi les œuvres d’art, tout en contribuant à rendre les musées qui les abritent les plus accueillants possible. Rencontre avec Camille pour parler de son métier de gardien de musée. Par Hanne Vlogaert. Image : Filip Van Roe. Avec la collaboration de Kathleen Wuyard.
Camille (24 ans) a grandi dans l’amour de l’art. Aujourd’hui, en plus d’être étudiante en lettres et peintre amateure, elle est aussi « hôte » au GUM, le Musée universitaire de Gand.
Être gardien dans un musée atypique
« Lorsqu’une amie m’a informée début 2020 que des jobs étudiants étaient disponibles au GUM, j’ai immédiatement postulé. Cela fait maintenant quatre ans que je travaille comme “hôte” : nous accueillons les visiteurs pour des visites guidées et lors d’événements publics, nous donnons des explications sur les œuvres à ceux qui le souhaitent et nous veillons au bon déroulement des visites.
L’une de mes œuvres préférées au GUM est une tête de femme conservée dans de l’alcool.
Le GUM est un musée atypique : de nombreuses pièces exposées – des animaux empaillés aux squelettes en passant par d’anciens instruments de mesure – sont parfois utilisées comme matériel pédagogique pour les étudiants. Le musée est divisé en sept thèmes tels que “le chaos”, “le doute” ou encore “l’imagination”. L’objectif : permettre aux visiteurs de se glisser dans la peau d’un scientifique et leur montrer comment les découvertes scientifiques voient le jour.
Une passion pour l’art
J’ai choisi de travailler au GUM par amour de l’art. Je viens d’une famille artistique où tout le monde, même si ce n’est qu’à un niveau amateur, s’y intéresse. Mon grand-père est peintre et ma mère a suivi des cours. C’est d’ailleurs surtout elle qui a éveillé ma passion pour l’art. Quand j’étais enfant, elle m’emmenait à toutes sortes d’expositions, et au lieu des aventures de Peppa Pig, je recevais des livres sur les grands peintres (rires).
Mais mon “éveil artistique” s’est produit avec l’œuvre de Vincent van Gogh. Ado, j’étais complètement fascinée par ses peintures. Plus tard, j’ai suivi des cours d’art à temps partiel, et je continue à peindre. Mes études à l’université sont très cérébrales, elles se déroulent principalement dans ma tête, et grâce au dessin, à la peinture ou simplement au fait d’avoir les mains occupées, je peux m’évader de temps en temps, et cela m’apaise.
L’art qui interroge
L’une de mes œuvres préférées au GUM est une tête de femme conservée dans de l’alcool. Cela peut sembler étrange ou même morbide, mais pour moi, c’est avant tout impressionnant. Lorsque je me promène seule dans le musée avant l’ouverture pour dépoussiérer les collections, je ressens toujours un grand respect pour elle. Ainsi qu’un sentiment de crainte révérencielle que tout le monde ne partage pas (rires).
Une fois, une femme est sortie de la salle où l’œuvre est exposée, très choquée. Elle trouvait inadmissible que les visiteurs ne soient pas prévenus de ce qu’ils allaient y voir. Cela m’a fait réfléchir à l’éthique de la science et de l’art. Cette œuvre a au moins cent ans, il y a peu de chances que cette femme ait donné son accord pour que son corps soit exposé ainsi. Mais c’est aussi le rôle du GUM : il nous fait réfléchir à la moralité de la science et à l’évolution des méthodes scientifiques.
Une source d’inspiration
Mon job étudiant m’inspire également pour mon propre travail. Je n’ai généralement pas le temps de dessiner ou de peindre au GUM : ma tâche principale est bien sûr de surveiller les visiteurs et de les aider si nécessaire. Mais quand je rentre chez moi, mon cerveau a tendance à transformer toutes ces impressions en travail. Un dessin dont je suis assez satisfaite est celui qui s’inspire d’une œuvre illustrant l’évolution de la contraception.
Ce cadre représentait tous les types de stérilets, d’un dispositif en forme d’anneau avec de la soie et du fil d’argent sur du plastique jusqu’au stérilet hormonal le plus avancé d’aujourd’hui en passant par des modèles en cuivre. Cet aperçu m’a touchée : depuis des siècles, on demande aux femmes de tolérer un inconfort physique si elles veulent jouir d’une certaine liberté sexuelle, et cela m’a donné matière à réfléchir, et à créer. »
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