Mauvaises mères: pourquoi vos enfants vous remercieront

Cette rentrée, elles ne posteront pas sur Instagram de collations bio faites maison. Possible même qu’elles ont laissé leurs rejetons à la garderie le tout premier jour d’école. Vive les mamans imparfaites: elles sauvent leur peau, leur couple et arment leurs enfants pour la vie!

Début septembre. C’est reparti, le rythme de fou, l’horaire cadenassé, la famille à arracher du lit... 9 h, vous roulez vers le bureau (ou savourez les embouteillages, c’est selon) en vous reprochant de vous être déjà énervée sur votre ado en mode limace au réveil. Et aussi d’avoir déposé le plus jeune sans les 18 marqueurs à pointe fine de marque S pourtant soulignés deux fois sur la liste du matériel scolaire. Pssst, vous n’êtes pas tout seule. Rejoignez-nous, nous les autres mères imparfaites!

FICHUE CULPABILITÉ!

Car on a bien besoin de lâcher un peu la pression dans cette société prônant si bien la maman zen, hyper disponible (autant que l’étaient nos mères?), aux enfants instagramables vêtus de coton bio, inscrits dans des écoles à pédagogie active, nourris de tartes sans gluten à la rhubarbe du jardin. Aujourd’hui, le «bon parent» croit juste protéger ses rejetons de toutes les expériences négatives possibles, de la malbouffe industrielle à la punition débile d’un prof exaspéré en passant par ses propres états de stress «qu’ils n’ont pas demandé à subir». Avec autant de défis parentaux à relever, il y a de quoi stresser, justement! Cela explique le nombre impressionnant de bouquins sur le burn-out parental. La psychologue spécialisée en thérapie brève et coach parentale Marina Blanchart nous détend encore d’un cran.

L’avis de Marina Blanchart, coach parentale

Vous êtes en train d’écrire un livre à destination des parents et vous y consacrez toute une partie aux «mamans parfaites». Pourquoi?

Je vois tant de femmes arriver en consultation, disant «Je suis une mauvaise mère!» Pourtant, quand j’explore, je me rends compte que ce n’est pas leur façon d’être mère qui est mauvaise, mais bien leur vision de la «bonne mère». Selon elles, ce serait être souriante, zen, s’exprimer avec tempérance, ne pas s’énerver sur leurs enfants... qui doivent donc être tout le temps calmes. S’ils ne les écoutent pas, elles ont l’impression d’avoir raté quelque chose. Il y a pas mal de souffrance liée à cela dans les familles. Quand elles appellent les enfants pour faire les devoirs et qu’ils ne viennent pas tout de suite, elles se disent: «C’est que j’ai mal fait, mes enfants sont infernaux.» Alors que ce sont juste des enfants, qui préfèrent jouer plutôt que de faire leurs devoirs. De mon point de vue, elles mettent la barre beaucoup trop haut. Forcément, elles passent en dessous! Le hic, c’est qu’après, elles se déprécient, commencent à douter de tout et culpabilisent... Et là, elles se mettent à protéger leurs enfants de tout, pour compenser.

« Depuis Dolto, on ne voit plus l’enfant comme un petit animal à dresser, on le respecte bien plus, on l’écoute »

Peut-on «trop» protéger son enfant?

Oui. Depuis Dolto, on ne voit plus l’enfant comme un petit animal à dresser, on le respecte bien plus, on l’écoute, ce qui est génial. Mais le mouvement de balancier a été exagéré et l’enfant est devenu décideur. La parole à l’enfant, oui, mais ce n’est quand même pas à l’enfant de décider! Cela va de pair avec cette ultra-protection que j’observe, encore plus chez les jeunes parents. Et la technologie les outille à merveille: des babyphones de plus en plus sophistiqués, des maxi-cosi hyper sécurisés... Quand je vois comment moi je trimbalais mes enfants, parfois pas attachés, j’aurais pu témoigner dans cet article sur les «mauvaises mères»! J’ai laissé mes enfants seuls à la maison très jeunes. Quand je dis ça aujourd’hui, je me rends compte que c’est tabou. «Comment as-tu pu faire ça? Tu es complètement inconsciente! Et s’il y avait eu un incendie, ou ci, ou ça?» Oui, mais avec des si...

En quoi est-ce néfaste pour un enfant d’avoir des parents qui calfeutrent tout?

Ça l’empêche de vivre les conséquences de ses actes, des conséquences pourtant hyper instructives. Par exemple, si on empêche un petit de s’approcher de la taque électrique, ça lui évite effectivement de se brûler, mais ça l’empêche aussi d’apprendre, dans ses sensations à lui, que la plaque électrique est brûlante. Pour certains enfants, l’expérience que c’est chaud sera nécéssaire et les priver de la vivre pourrait les conduire à se brûler plus gravement quand le parent ne sera plus là pour les surveiller. On protège les petits et on continue avec les grands, par exemple en introduisant un recours à l’école pour s’opposer à un redoublement pourtant demandé par le conseil de classe. Certes, il y a des cas où ce recours est utile, mais c’est aussi soustraire son enfant de la sanction qui tombe quand on n’a pas assez étudié. Même chose avec les parents qui négocient les punitions avec les profs: ils veulent remettre de la justice là où ils trouvent qu’il n’y en a pas. Ça part d’une bonne intention. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions. Et la vie n’est pas juste. Là, ils protègent leur enfant de la rencontre avec la vraie vie. Et comme ils ne pourront pas protéger leur enfant éternellement, il y a un moment où il va se fracasser le nez. Et plus il sera grand, plus ce sera douloureux.

« Lorsque vous exprimez vos propres fragilités, vous autorisez votre enfant à s’extérioriser quand il ne va pas bien. C’est très précieux. »

Qu’est-ce qu’il serait mieux de faire, alors, pour que nos enfants grandissent heureux?

Il ne faut pas essayer de les empêcher d’être parfois malheureux. Il faut au contraire les laisser vivre leurs émotions négatives d’enfants. Quand ils pleurent, ne pas se précipiter pour effacer l’objet de leur tristesse, de leur colère, de leur peur. Comme parent, ce n’est pas agréable, mais en même temps c’est en leur permettant de vivre et de finalement surmonter des petits chagrins à 4 ans, 6 ans, 10 ans qu’ils pourront traverser sans s’écrouler le terrible chagrin d’amour de leurs 16 ans.

Quand on voit notre enfant triste, on peut au moins lui dire qu’on est triste avec lui?

Bien sûr. On peut lui dire qu’il a de bonnes raisons d’être triste, fâché, effrayé, que la vie est difficile parfois. C’est positif de le rejoindre avec empathie dans sa crainte de partir en stage de langues, dans sa colère d’avoir été sanctionné à l’école... À condition de ne pas le dispenser du stage et de ne pas faire lever la sanction du prof. Par ailleurs, lorsque vous exprimez vos propres fragilités, vous autorisez votre enfant à s’extérioriser quand il ne va pas bien. C’est très précieux. Certains «parents parfaits» tiennent à se montrer forts en toutes circonstances, comme cette dame qui, alors qu’elle avait perdu sa propre mère, se félicitait de ne pas avoir pleuré devant sa fille. Encore une fois, l’enfer est pavé de bonnes intentions... Parce que cela génère une vraie incompréhension chez l’enfant de ne pas voir sa mère triste d’avoir perdu sa maman.

Que risquent-ils plus tard, ces jeunes qui ont été très protégés?

Il y a de fortes chances qu’ils aient peur de la vie, qu’ils deviennent champions de l’évitement. Et aussi qu’ils estiment que tout doit leur tomber du ciel, sans effort, puisqu’à la maison, ça a toujours fonctionné comme ça. Ils se retrouvent parfois dans les études supérieures à ramer, en situation d’échec, mais sans avoir jamais redoublé parce que les parents sont allés demander des recours. Ils ont en prime une confiance en eux très basse, car ils n’ont pas engrangé beaucoup de mérites, puisque la plupart du temps ce sont leurs parents qui se sont battus à leur place. Leurs parents voulaient tout le contraire, pourtant.

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