Joëlle Scoriels en vrai

Joëlle Scoriels, 36 ans, est encore plus épatante en 3 qu’en 2 D. Pour GAEL, celle qui cuisine les people dans 69 minutes sans chichis (sur La Deux) s‘est retrouvée à leur place. J’ai savouré ce moment d’authenticité avec une femme dotée de tellement de talents qu’on dirait parfois qu’elle les camoufle de peur de susciter trop d’attentes.

Qu’adorais-tu faire quand tu était petite?

Aller au Quick! C’était le genre de choses qu’on faisait très rarement dans ma famille classico-bohème. Je suis la dernière de quatre enfants. Nos loisirs, c’était du dessin, de la peinture, de la lecture, du théâtre, des promenades. Les jouets à piles ou les hamburgers, quelle fête!

Tu incarnes le syndrome de la petite dernière?

Pas spécialement, je pense. À part que mes deux sœurs et mon frère ont toujours pensé que j’étais la chouchoute, alors que moi j’ai toujours été frustrée: à moi les vieilles fringues déjà portées, mais pas le montage des films super-huit.

Quel regard porte cette famille sur ton métier de présentatrice?

Je crois qu’ils ne sont pas tellement surpris par le fait que je sois mise en avant: je l’ai toujours un peu fait. Ils sont amusés par ce qui m’arrive.

Tu dis: «par ce qui m’arrive», comme si les choses étaient venues à toi...

J’aime bien me réfugier derrière cette idée. Et à la fois, je dois admettre que je provoque ce qui m’arrive. Mais du bout des doigts et en essayant de ne surtout pas y croire. Dès les premières interviews auxquelles j’ai répondu, on me demandait ce que j’avais envie de faire à la télévision, et je répondais: «Ben, rien», et c’était sincère. Je n’avais aucune espèce d’ambition. Mes parents étaient fâchés, ils me disaient: «Tu dois montrer que tu en veux!» C’est quelque chose de viscéral chez moi: ne rien espérer. Du coup, je ne fais aucun plan, zéro, rien.

Comment travailles-tu?

Un peu à la dernière minute, mais à fond, minutieusement. Je ne laisse plutôt rien au hasard. Par exemple dans 69 minutes, même si un sujet n’a qu’une chance sur mille d’être abordé, je préfère quand même m’informer. Lors du direct, une quarantaine de personnes travaillent sur l’émission. Étant la partie émergée de l’iceberg, je ne veux en aucune façon nuire à l’ensemble du travail des autres.

Tu dis: «ne pas nuire à leur travail» et pas «mettre leur travail en lumière». Et tout à l’heure, lorsqu’on choisissait les vêtements à porter pour la photo, tu as dit: «J’ai faux beau corps» et un «Ça n’ira pas avec mon teint jaune»...

Oui, je sais, je sais... Ma sempiternelle tendance à me dénigrer...

Si tu n’étais pas animatrice télé, que ferais-tu?

De nouveau, je n’en sais rien. Quand on me posait cette question, petite, je disais que je serais écrivain parce qu’en première primaire, mon instituteur avait dit: «Tu es la fée de l’écriture» car j’avais une jolie écriture. Plus tard, j’ai pensé à faire le droit. Il y avait beaucoup de juristes du côté de papa. Ça avait l’air normal et standard. Après, j’ai choisi les romanes parce que la langue française, le fonctionnement de la langue, m’éclatait. Comme ma mère a été prof et nous a beaucoup parlé de son métier, il y avait quelque chose de naturel à envisager de devenir prof de français. Sinon, je pourrais tenter ma chance en radio. Il y a tellement moyen de bien faire ce métier! J’adore être attentive à ceux qui parlent de la vraie vie, qui sont en contact avec les gens, contrairement à ceux qui récitent, ne sont pas en connexion.

Qui admires-tu dans le monde de la télé?

Presque tout le monde! Par exemple Cathy Immelen pour sa capacité de fluidité et à gérer un plateau en direct. Ou Alessandra Sublet sur France 5, pour l’évidence de sa présence. Cette femme a l’air de savoir pourquoi elle est là. Elle a un sourire extraordinaire. J’adore son rire, le timbre de sa voix. Télégénie totale! Sinon j’admire les gens qui ont un flux de parole ininterruptible, comme Stéphane Thebaut de La Maison, sur France 5. Je le vois comme un Guy Lemaire français. Lui aussi, il est incroyable: il doit faire un plateau de 47 secondes? Il réfléchit 10 secondes et il improvise son plateau de 47 secondes précises!
 

Joëlle Scoriels

 Joëlle porte un top en mousseline de soie DvF, collection Resort 2015 (308€)

Ce n’est pas un compliment qu’on te fait souvent, justement, cette fluidité? Moi je te le ferais!

Non, je ne suis pas pro à ce point-là. Par exemple, pour 69, j’écris beaucoup à l’avance, et si je n’ai pas formulé et mâché longuement mon texte, je ne me sens pas à l’aise. Je ne suis pas une improvisatrice.

D’autres personnes que tu admires?

Mon amie d'enfance Delphine, qui en plus d'un petit bout et d'un gros job à plein temps, se met à chauler un mur ou à coudre tout un déguisement de Peter Pan taille 2 ans et demi à 20 h ou 21 h, l'heure fatidique où je m'écroule. Ou mon amie Anne-Sophie, qui a un talent stupéfiant pour sentir ce qui est juste ou pas au plan relationnel. Il y a aussi le chanteur Thomas Fersen: il allie un charme hyper désuet qui me fait complètement craquer à une intelligence inouïe, une précision dans la composition musicale. Il est exceptionnel comme chanteur. J’admire des gens dont je me dis: «Chouette, je perçois leur intelligence.» J’ai l’impression que ça me met en valeur. Par exemple l’écrivain Philip Roth: il a un de ces phrasés, c’est de l’ingénierie romanesque!

Tu te reconnais de la «même famille» qu’eux?

Oui, mais je serais plutôt une lointaine cousine de province! J’aime l’idée de comprendre de quoi ils parlent. Comme je ne lis pas d’essais, ni de philosophes, ni d’ouvrages de pure théorie, je suis contente de trouver des gens qui ont une grande intelligence dans des domaines plus narratifs.

Toi, tu lis quoi alors?

Je lis les romans qu’on me donne à lire. C’est souvent ma mère qui me fournit: elle fait partie de ces gens qui maintiennent en vie les librairies de quartier. Je lis tous les jours un peu avant de dormir. Là, je suis entrée dans un roman de Carole Martinez, Le Cœur cousu, qu’on m’a offert. Je viens de terminer Le Chardonneret, de Donna Tartt. J’aime beaucoup les livres traduits. C’est peut-être stupide, mais je suis très difficile sur le style. En cas de faiblesse dans une traduction, je me dis que c’est plutôt le traducteur qui a mal géré. Dans un texte écrit en français, je n’admets les ruptures de construction que si je suis sûre que l’auteur sait ce qu’il fait.

Ta mère te nourrit en lectures...

Tout ce que j’ai comme échanges un tout petit peu théorisants, c’est avec elle. Elle est tout le temps dans des questionnements philosophico-politico-spirituels. Moi, si on ne me posait pas de questions, je ne réfléchirais pas beaucoup. De loin en loin, je me demande un peu: «Pourquoi je fais ça?» J’ai conscience que, dans le fond, à la mesure de l’univers, on n’est qu’un point. Ma mère nous a gonflés d’idées: parfois au sens «gonflant», mais aussi au sens «enrichis». Notre vision de la vie est pas mal calibrée par elle. À savoir, il faudrait multiplier les moyens de lecture du monde plutôt que s’en tenir à une lecture unique, par exemple à la logique pure ou, pire, à une lecture commerciale.
 
Et en même temps, tu te sens bien dans un métier où l’apparence est capitale?
 
Oui. Au début, je disais: c’est un job, un rôle, la vraie Joëlle est à la maison, attifée comme ça lui chante. À la base, je ne suis pas une coquette et j’avais envie de rester comme ça, de ne pas céder à ce diktat de l’apparence. Mais j’ai aussi découvert que c’est amusant d’être bien maquillée, de perdre dix ans. Je suis consciente de ce que ça apporte comme éclat.

Ton père est décédé récemment...

Le 30 août. C’est terrible comme il manque, je pense à lui tout le temps. À la fois, je ne suis pas triste parce que, pendant toute notre vie commune, je lui ai montré que j’avais reçu ce qu’il avait transmis. Il était au courant de toute ma vie. Il était très attentif. C’était génial de savoir comme il était fier de moi. Je sais par exemple à quel point il aurait été content de mon voyage en Inde avec Action Damien (voir page 80), car il était très attaché à se rendre utile, à s’impliquer dans des œuvres.

Et toi, de quoi es-tu fière?

Les parents disent tous qu'ils sont fiers de leurs enfants et j'ai adoré que mes parents le soient de moi. Mais je trouve que c'est un sentiment bizarre, parce que nos enfants ne sont pas en premier lieu le produit de nos efforts: ils sont eux! Différents, particuliers, même si on les marque à vie. Je me sens davantage émerveillée, fascinée et curieuse – et morte d'inquiétude – au sujet de ce qui leur arrive et va leur arriver. À part ça, je suis fière d'avoir réussi le casting pour animer Sans chichis il y a cinq ans: une fois de plus, c'est quelque chose que je n'ai pas cherché, on me l'a proposé, mais j'avais vraiment envie de réussir. Je suis aussi fière d'avoir arrêté de fumer du jour au lendemain, il y a trois ans. Et je commence à dire que je suis fière de mon travail. J’ai besoin d’être convaincue par mon entourage que ce que je fais a de la valeur. Et donc à la longue, je finis par le croire. Je ne nuis pas au travail de tous, quoi.

Ça t’arrive de nuire au travail de tous?

Je commets des maladresses de manière cyclique. Et à chaque fois, j’ai l’impression que je dois changer de vie tellement je me sens nulle. Par exemple, lors d’une première rencontre avec un invité du 69, on a eu l’idée d’une épreuve marrante à faire en plateau. Plus tard, j’ai appris qu’il ne souhaitait plus faire ce gag. Je lui ai alors envoyé un petit message privé, pour insister de façon amicale. Mais il n’a pas du tout apprécié et a prévenu son manager qu’il voulait annuler sa participation à l’émission. Je me suis sentie la dernière des merdes. Mais vraiment. J’ai dû annoncer à mon équipe que j’avais commis cet impair. Aaahhh, je ne m’en suis pas encore remise! Je lui ai envoyé environ douze kilomètres de message d’excuses où je me «carpettisais» totalement. J’ai nui au travail d’autres, j’avais envie de décéder. Enfin, ce genre de maladresse que je commets de loin en loin me remet à ma place: je me repositionne au sein d'une équipe, avec des personnes qui comptent sur moi et inversement. C'est chouette de réussir cet équilibre.

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